Chapitre Dernier

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Il fait chaud.
Il fait humide.

Depuis hier mes affaires étendues sur le fil du patio ne sèchent pas. Sécheront-elles un jour ? Je ne sais pas et je n'ai plus le temps d'y réflechir.
Ce matin je quitte Lomé et le Togo pour rejoindre Ouagadougou. Le Fespaco s'annonce et je ne veux pas le rater.

Je décroche mes affaires et les enfile à toute vitesse. Je me suis levé tard et Alphonse m'attend dehors. C'est lui qui doit me montrer la gare routière d'où partent les mini-bus pour le Burkina-Faso.
On s'engouffre dans un taxi-clando direction le nord de la capitale. Il faut traverser toute la ville mais déjà il me semble que nous n'arriverons pas à temps, la route est barrée tout les kilomètres par la police et les militaires.
On contrôle, on recontrôle, on vérifie, on revérifie. Je ne range plus mon passeport, je le garde à la main :

_"Bonjour monsieur, passeport s'il vous plait"

Je tend le sésame sans broncher, c'est pourtant la cinquième fois qu'on me le demande et je n'ai quitté ma chambre que depuis quinze minutes.
L'homme en uniforme parcours les pages, referme le passeport et demande :

_"Vous êtes français ?"
_"Oui monsieur"

Il rouvre le passeport comme pour vérifier mes dires et lance :

_"C'est bon allez-y... bon séjour monsieur"

Le taxi redémarre.
Nous arrivons à la gare routière, je paye le chauffeur, descend mes bagages et remercie Alphonse pour le coup de main.
Je file vers un guichet et questionne le préposé :

_"Bonjour monsieur je cherche un bus pour Ouagadougou, il y a encore des départs ?"
_"Ça reste ! C'est 7000 Francs et le bus part... dans 1 heure"

J'achète mon ticket et me dirige vers le bus au départ.
Ah oui ! J'oubliais ! Je suis à Lomé, au Togo, en Afrique...
Alors le bus ne partira que lorsque toutes les places seront vendues, les bus ne partent que plein, peu importe l'heure de départ initialement prévu.
Il faut prendre son mal en patience... (1)

Mais dans une gare routière africaine il y a de la vie et beaucoup de monde !
Il y a des vendeurs de tout,
des vendeurs de rien,
des passagers en mal de bus,
des bus en mal de passagers...

La journée, finalement, passera vite. Je monte le premier dans le Renault et regarde s'engoufrer les autres candidats au voyage :
Un vieux monsieur avec une petite fille et une chèvre, deux jeunes de mon age avec des ballots de mil, trois femmes en boubous d'apparat et surtout, surtout, une troupe de théatre ambulant du Congo, ils sont en tournée triomphale. Pas seulement en tournée ! en tournée triomphale je vous dis !
Ils remplissent les trois quart des places et entament aussitôt des chants venus d'ailleurs. Les femmes accordent leurs voix et les hommes désaccordent leur tambours. Je sens que la route jusqu'à Ouaga va être animée et je m'en réjouis car je connais trop ce qui m'attend...

Le vieux Renault s'ébranle, c'est parti !

La fatigue accumulée au cours de la journée par tout les passagers se fait ressentir et au bout de quelques kilomètres de piste, pratiquement tout le monde s'est assoupi, je prie pour que le chauffeur, lui, ne fasse pas de même.

Alors que nous sommes bien avancé dans la nuit (pas tellement en kilomètre, il me parait évident maintenant que le vieil engin qui m'amène ne dépassera jamais les soixante kilomètre-heure) un terrible fracas réveille les passagers alors profondément endormis, quelques cris, quelques prières rapidement exécutées et le bus s'arrête.
Que s'est-il passé ? Le chauffeur ne dit rien, il descend et invite les passagers à faire de même. Personne ne bouge. Je prends l'initiative de sortir pour aller aux nouvelles et en passant devant le directeur de la troupe de théatre congolaise celui-ci m'interpelle :

Dieu existe, je l'ai rencontréOù les histoires vivent. Découvrez maintenant