Green Home

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En groupe sur le toit du ferry flottant. Il se met en marche. Nous bougeons sur l'eau. La mer est sous nos corps.
Les vagues glissent sur les flancs du bateau, l'écume colle légèrement la peinture et se détache doucement. Je ne sais pas si vraiment c'est nous qui nous déplaçons, ou si c'est le monde qui tourne devant nous. Dans les deux cas, nous sommes dans le sens contraire, mais ce n'est pas quelque chose de mal. Nous nous mouvons seuls dans l'espace, statique. Ou l'inverse.

La nuit fut longue. La mer empêche le sommeil, dans son écrasante splendeur.
C'est dans cet autre monde que l'on se rend compte que le langage n'est rien. Deux inconnus se comprennent, ils ne sont pas reliés par la langue, mais par l'espèce, par l'entité humaine.

La terre verte galloise... À perte de vue des montagnes de forêts.
À mes pieds s'étend un amphithéâtre Romain. Je me demande comment était la vie de l'époque. Est ce que les enfants riaient en courant ? Les femmes caressaient elles l'herbe avec leurs mains ? Les hommes qui se tenaient dans ces marche mangeaient ils en même temps une quelconque sorte de pain ? Les miettes glissaient elles par terre, les oiseaux plongeaient ils pour les attraper, le vent a-t-il soufflé sur leurs visages comme il souffle sur le mien ?
Le temps est une dimension incompréhensible. On se contente de le subir, sans pouvoir l'apprivoiser, l'explorer.
Peut être que quelqu'un était assis là, à ma place. Je lui souris quand même, peut être qu'on peut ressentir malgré les siècles, malgré le temps.

Des fleurs se fraient un chemin entre les pierres. Elles défient leur dureté, elles, simples et légères taches de couleurs au corps si fin. Elles l'emportent, les pierres immobiles et lourdes ne peuvent rien faire.

Respirer ici paraît plus simple.

L'instant d'avant-concert est à part. Une ambiance flottante. Instruments à la main, les regards se croisent, mais chacun est concentré sur son intérieur. La concentration est la clé, après vient l'écoute. Lorsque l'on joue, les individus disparaissent, au profit du groupe. Nous formons un ensemble, les trompettes, les flûtes, les clarinettes, les trombones, les saxophones, les percussions, et mon hautbois. Les premières notes résonnent dans la salle, et déjà je suis émue. La musique est universelle, elle parle aux cœurs. Je me sens chanceuse. Chanceuse d'avoir cette musique à mes côtés.
Les applaudissements se gravent. Je ne sais pas comment s'appelle cette sensation, quand on rend heureux les autres, et qu'ils nous le font savoir. Un accomplissement personnel, une appartenance au groupe humain, une émotion édifiante.
C'est dans ces instants que je m'aperçois que la musique est ma manière de vivre.

Nous repartons déjà. Les steppes vertes défilent. Sur la voie de gauche, je me sens à l'envers. Comme sur le ferry. C'est nouveau, ce n'est pas désagréable, au contraire. Je n'arrive pas à l'expliquer, c'est comme si on me présentait un monde qui ressemble à celui que je côtoie, mais qu'on en avait changé quelques détails.
Ici, le dépaysement s'insinue par petites bribes.

Retour au ferry, sur la mer lisse, miroir du soleil.
C'est amusant ici, le sol bouge. Rien n'est stable, on se sent glisser sur les côtés.

Malgré les airs rassurants et luxueux, la mer domine le navire et c'est tant mieux.

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