Le secret de Sacha [ en pause ]

10 - DROLE DE COINCIDENCE - Sacha

Sacha...

Une semaine plus tard.

Je franchis la porte du salon avec un peu plus d'enthousiasme qu'hier et un peu moins que demain. Chaque jour, j'oublie ce baiser, non, chaque jour je me force a l'oublier.

Il n'a pas appelé.

Le téléphone est resté silencieux. J'ai attendu mais rien. Je l'ai éteint, rallumé, éteint à nouveau, rallumé mais rien.
J'ai du me résoudre à l'évidence : je ne l'intéresse pas.

Finalement ce n'est pas vraiment surprenant.

Je ne ressemble en rien au genre de femme qu'il côtoie. Celle du restaurant était splendide, peut être son officielle, son repas semblait être un dîner d'affaire, typiquement le genre d'événement mondain ou on emmène sa femme.
Je me demande ce qu'il lui a servi comme excuse quant à son absence. Certainement pas "excuse moi chérie, je suis allé rouler une pelle à la pauvre fille d'a côté ", il a du être beaucoup plus sournois, je suis sure qu'il a une liste toute prête d'excuses bidons.

Peut être que j'embrasse mal ?

J'ai repensé à ce baiser seconde par seconde. Pour moi il était spécial, il a eu un petit goût de retour à la vie. Je n'avais jamais été embrassée de cette façon. Ce baiser était plein de promesse.

Tu parles !

Je salue Tom et file mettre mon tablier et ma casquette. Je commence mon service, pour le moment c'est plutôt calme, dans quelques minutes les travailleurs de Manhattan nous prendront d'assaut et m'empêcheront de ressasser.

Il n'est même pas revenu au salon.
Il m'évite.
Si j'avais un doute avec son mutisme téléphonique, son absence physique est une preuve accablante.

Je n'ai pas pleuré.
Une boule a enflé peu à peu dans ma gorge mais j'ai ravalé ma peine.
J'ai trop pleuré pour Julien, je ne veux plus pleurer, je ne suis même pas sure d'avoir encore des larmes.

Ce retour à la vie est un échec, ce silence a juste eu pour effet de me conforter dans mon idée : le bonheur m'a abandonné. Ce silence a seulement fait ressortir mes angoisses.

Je me suis à nouveau enfermée dans mes souvenirs avec une envie croissante de solitude. Ana a essayé mais ça n'a servit à rien, je ne voulais pas parler de cette étreinte, de ce moment.

Qu'aurait elle pensé de moi ?

Je me sens honteuse.

Honteuse de l'avoir laissé m'embrasser aussi facilement, honteuse d'avoir laissé mon numéro de téléphone, embarrassée d'avoir pris du plaisir non partagé dans ce baiser, humiliée d'avoir cru un instant que je pouvais à nouveau être heureuse.

La colère insidieuse m'a à nouveau totalement submergé me faisant régresser. En un seul baiser, en seulement dix petites minutes je suis redevenue cette Sacha enragée.

Nous sommes mercredi, ça fait une semaine qu'il aurait du appeler, je dois passer a autre chose et reprendre le cours de ma vie.

Entre deux clients, Tom essaye de me faire rire mais c'est impossible, toutes mes émotions sont bloquées au milieu de ma gorge, je suis a nouveau lassitude et morosité.
Tom finira par abandonner, il ne fera pas d'effort indéfiniment.

Ai je envie de perdre un des seuls amis que j'ai dans cette ville ?

Je hausse les épaules face à cette réflexion silencieuse.

Non... Je ne crois pas. Je dois sourire, je dois reprendre mon masque.

- Sacha, Dereck passe ce midi pour nous donner les modalités pour la réception de ce week end.