Prologue

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 Elle s'appelait Lily.

Ses parents n'avaient pas voulu remuer leurs méninges pour son prénom. Ils avaient ouvert un livre, un jour, et Lily apparaissait à la première page. Sa mère avait trouvé ça adorable et proclamé que l'enfant qu'elle hébergeait dans son ventre se nommerait comme ça. Lily, c'était joli. Joli et simple, et son père la surnommait "Lily jolie". Ils ne se souviennent plus du titre du bouquin, mais elle aurait aimé savoir, voire même le lire.

Elle s'appelait Lily grâce à un amas de pages.

Elle aimait courir Lily. S'épuiser à travers les champs avec sa musique. Chantonner et exhaler le parfum des fleurs. Être ivre de bonheur, c'était ce qu'elle répétait à son amie. Pour que le jour où elle crèvera, elle n'ait aucun regret. Regretter, c'est penser au passé, et elle détestait penser au passé. Elle exécrait quand sa mère pleurait pour son fils perdu. Elle exécrait tellement qu'elle finissait par se haïr elle-même, de n'avoir jamais versé une larme.

Elle s'appelait Lily et elle avait tué son frangin.

C'était arrivé un jour. Ça arrive toujours un jour, la mort. Des fois on s'y attend, les autres non. Finalement, c'est quand on s'y prépare le moins qu'elle vous poignarde plus fort, plus profondément. Un pieu dans le cœur hein ? Un sadique pieu dans le cœur, pour arrêter le mécanisme rapidement. Le mécanisme qui se forme avant même la naissance. Programmé pour faire la même chose. Expirer et inspirer, boire et manger, et essayer de ressentir quelque chose, parfois, pour qu'on serve. Vivre, peut-être. Vivre, cette suite de lettre, ces sons, la hantaient la nuit. Quand elle dormait, là où son bouclier disparaissait, indubitablement, puisqu'elle ne pouvait plus en prendre soin. Le forger et poncer, graver des entrelacs et les parfaire. De beaux artifices, pour montrer qu'elle était heureuse. D'inutiles, parce que ce qui compte au fond, c'est soi-même, même si certains se contredisent en disant ne pas être égoïstes. Survivre, pas vrai ? Elle le faisait bien, Lily, elle le savait, il ne fallait compter sur personne. C'est peut-être pour ça qu'elle a pas été bouleversée quand elle l'a laissé se noyer. Tant qu'elle était vivante, elle, tout allait pour le mieux.

Elle s'appelait Lily. Sûrement qu'elle s'appelait Lily. Elle se le répétait inlassablement, à en devenir une litanie. Son prénom. Il n'y avait que son prénom qui lui paraissait réel. Sauf que peu à peu, lui aussi il s'effaçait de son esprit. Était-elle Lily ? Elle s'appelait Lily. Évidemment, elle s'appelait Lily, elle n'avait pas à douter. Elle n'était juste plus Lily. Rien qu'un ensemble de cellules, un mécanisme, qui portait un nom.

Elle s'appelait Lily, et elle devait se souvenir. Le médecin l'avait dit, tout devait lui revenir, ou du moins le plus important. Elle devait se souvenir, alors, se remémorer une vie, et la lui conter. Ils devaient refaire surface, transpercer la tombe, s'imposer d'eux mêmes. Oui, et peut-être que le bouclier s'envolera, lui.

Elle s'appelait Lily. Je suis son mur, c'est moi qui la protège. Des gens, de son passé, d'avant, de l'extérieur. Je suis son bouclier, qu'elle a fini par bâtir à la perfection.

Elle s'appelait LilyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant