Saoul

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Il ne sait pas, il n'était pas lui même hier soir... Pourquoi elle ?... Pourquoi elle, et pas une autre ?! Elle est passé, elle marchait à petits pas, puis ils se sont croisés. Il était ivre, il a tiré, deux fois. Deux tâches sombres, énormes... Il avait les mains sur les oreilles, le bruit, la percussion sur le culot, le son de la chaire qui se déchire, se perce, et la douille qui heurte le sol dans un ultime bruit de ferraille microscopique... Le corps est tombé, le sang coulait dans le caniveau, aspiré par la bouche d'égouts. Il fallait déplacer le cadavre, la porter, la balancer dans le coffre de la voiture. Ils sont parti sur la nationale, il a pris le premier chemin et a fait un gros trou dans la forêt, il a laissé Marguerite sous les grands conifères. Comme toute cérémonie, il a vomi sur le monticule de terre. Il est revenu sur le parking le lendemain matin, personne. Il est descendu de la voiture, le sang avait coagulé sur le bitume, faisant une énorme croûte sur laquelle les mouches de tout le pays venaient se régaler et assurer aisément leur descendance. Personne n'avait rien vu pour l'instant, mais ni Georges ni Marguerite ne devaient être retrouvés. Il a apporté un balai brosse, il frotte. Des morceaux de sang se détachent. Il jette un sceau d'eau sur la tâche, ça commence à partir... Dans une heure, ce sera bon. Personne ne doit plus jamais venir sur ce parking, et qui viendrait ? Le supermarché est fermé depuis plusieurs années, les vitrines sont cassées, qui voudrait venir ici ?... Marguerite ?

Il essaye de se concentrer, il ne doit rien oublier... Le sang est parti, il doit retrouver le porte-feuille, il est tombé quand il l'a mise sur son épaule hier soir. Il doit être à l'endroit où il avait garé sa voiture. Il refait le chemin entre le lieu du crime et la place de parking... Mais quelle place de parking ?... elles sont toutes pareilles, toutes rectangulaires, blanches aux bords et grises au centre, toutes vides, désertes... Il titube, fatigué, mouillé de sueur et encore alcoolisé... Il tombe, ça devient dur de marcher, de penser et de respirer. Il se traîne à quatre pattes, tourne en rond sur le parking. Le soleil lui cuit la nuque, ses genoux saignent et se rappent... Il s'écroule, allongé sur le dos, incapable d'ouvrir les yeux. Des images défilent à l'intérieur de ses paupières closes. De la viande, d'immenses tas de charcuterie, des saucisses, des tranches de jambon, elles tombent de haut, et s'écrasent sur le bitume brûlant où elles cuisent.


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⏰ Dernière mise à jour : Sep 17, 2015 ⏰

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