Étant donné le fait que Bradley était sur le point de fondre en larmes, je reculai, dans le but de lui laisser son intimité... Mais il prit mon bras et me tira vers lui d'une telle force que je le percutai et failli nous faire tomber tous les deux. Il plongea son regard dans le mien, et malgré toute ma bonne volonté, je ne réussi pas à détourner mes yeux des siens, je ne réussi pas à me détacher, son emprise sur moi était si forte... Les larmes perlaient au bord de ses yeux et il faisait tout son possible pour les retenir, pendant que moi je tremblais comme une feuille.
Je ne sais pas pourquoi j'eus pitié de lui à cet instant ; je voulais le prendre dans mes bras, lui dire que tout irait bien, sentir son odeur, passer ma main dans ses cheveux et même, peut-être sentir ses douces lèvres contre les miennes...Vous y avez cru, hein.
Vous y croyez toujours.J'avoue que moi aussi, j'y ai cru, autrefois. C'était il y a bien longtemps... Enfin, je ne sais pas vraiment, je n'ai plus -pas- la notion du temps. Ça devait être au chapitre 5, je crois, que ça a dérapé...
Le coup avec Bradley là, ça aurait dû être au chapitre 31.
Je m'en suis rendue compte, comme je le disais, au chapitre 5. J'étais avec Bradley, à ce moment là. On rêvassait, sous un arbre, on passait la nuit à la belle étoile, quoi... Après tout rien de plus normal. Tout aurait marché si je n'avais pas été une erreur. On m'a écrite trop intelligente, trop réaliste... Bien que réaliste soit un adjectif bien vague, malgré tout ; il y a le réalisme des livres, le réalisme des films, et votre réalisme ; je fais partie de votre réalisme et de celui de mon livre. C'était une erreur, une pure erreur, mais, on ne sait pas ce qu'il s'est passé, on ne sait pas pourquoi j'écris moi même mon histoire, pourquoi j'arrive à savoir que ce n'est pas "réel", que ce n'est qu'une histoire, que ce ne sont que des mots. J'ai essayé maintes et maintes fois de l'expliquer à Bradley, à Sariane, sérieusement, Sariane, qui s'appelle comme ça dans le monde réel ? Peut être y a-t-il une ou deux exception, mais vous m'avez comprise. Sans oublier que Sariane, ma belle Sariane, cheveux blonds, yeux violets.
Violets.
Et au naturel. Et puis Bradley, beau brun aux yeux bleus perçants.
Qui, honnêtement, dans votre vie, vous a déjà décrit quelqu'un en disant qu'il ou elle avait des yeux perçants ? Même juste pensé ça en regardant quelqu'un ?
Personne.
Et moi, attendez, je suis une héroïne qui doit sauver le monde.
Non mais vous y croyez vous ?
Personne ne sauve le monde, enfin, quand on se réveille, on ne se dit pas "je suis le dernier espoir", pour la simple bonne raison que ce n'est pas le cas. On ne sauve pas le monde, on le soulage, tout au plus, mais c'est après l'avoir tué, l'avoir détruit et bien enfoncé, comme s'il nous avait fait quelque chose de mal.
Et en plus de ça, lisez bien, en plus, j'ai des "pouvoirs". Je contrôle et peux créer le feu, et j'ai des ailes.
Des ailes.
Tout ce que mon créateur -ma créatrice- aurait voulu avoir.
Je suis belle, évidemment, les héroïnes sont toutes belles. Mais dans un monde comme le mien, j'ai les cheveux roses pâles naturels et de beaux yeux rouges. Pas perçants, mais vivants, pétillants. Faut dire qu'elle a des goûts particuliers, ma créatrice. Mais je les aime bien ; j'ai été créée comme ça après tout. Je l'aime bien, elle, ma maman, comme j'aime l'appeler. On ne peut pas communiquer et ça me peine beaucoup. J'ai bien essayé, une fois, et elle m'a répondu "écris ton histoire, ma belle. Peut-être qu'après... on pourrait discuter de ce que tu as accompli seule, et de ce que tu aurais accompli si tu avais été sous mon contrôle."
Je m'en rappelle, c'était écrit dans le ciel. Pas avec une délicate écriture, non, l'écriture de maman est normale. Normale. Il faut dire qu'elle n'écrit pas si bien que ça...mais quand même.
Pour en revenir à Bradley et Sariane, ils pensaient que je devenais folle et que mon rôle, mon devoir me faisait peur et que j'essayais de trouver une "sortie" à ce monde de folie.Ça aurait pu marcher, avec Bradley. Dans un autre livre, un autre monde, peut-être. Et il m'aime, il a été écrit comme ça. Je devrais l'aimer, moi aussi. Mais c'était avant ce fameux soir, couchés sous ce grand arbre. Sa main avait effleuré ma hanche, j'avais immédiatement placer ma main sur la sienne, et nos doigts s'étaient merveilleusement bien entrelacés.
Merveilleusement bien entrelacés.
Comme c'est romantique. Et dans romantique il y a roman, pas réel. Je ne sais pas pourquoi à cet instant...
J'ai su. J'ai su que tout ça n'était qu'une mise en scène, qu'un scénario. Je ne sais pas pourquoi, ni comment. Mais j'ai su. Et j'ai souri. J'ai souri et j'ai ri. Brad m'a regardé, a souri, et a déposé un doux baiser sur mon front. Puis on s'est endormi, l'un dans les bras de l'autre, tendrement enlacés.
J'y avais cru, j'y avais cru jusqu'à l'arbre, jusqu'aux étoiles.
Jusqu'à nous.Je suis toujours avec eux. Avec Bradley, Sariane, et les autres. J'essaye de me comporter comme je dois me comporter dans le livre, et je tente d'éviter les dommages collatéraux, en quelques sortes. Mais il y a des choses contre lesquelles on ne peut rien.