Après s'être brièvement arrêtés dans cette station service abandonnée pour se nourrir et prendre quelques provisions, nous entamions à présent notre route vers le défunt Chicago. C'était comme ça qu'on l'appelait, en raison de ses grattes-ciels détruits et tombés, de son sol entièrement recouvert de sable brûlant.
Le soleil nous faisait mal à la tête, et le terrain, plat, brûlé et désert, ne nous aidait pas.
Après plusieurs centaines de mètres parcourues, je pouvais enfin apercevoir les carcasses du défunt Chicago. Nous y arrivions très vite, et nous asseyions à l'ombre d'un bâtiment à moitié tombé. Il nous restait très peu d'eau ; c'était dans ces moments là que je regrettais vraiment de n'être bonne qu'à faire du feu.
Mandrion, mon guide, la cinquantaine et les cheveux grisonnant sur les tempes, vint s'asseoir entre Bradley et moi :
« Belle journée, hein ?
-Mandri, il ne nous reste que trois litres d'eau, trois et demi tout au plus, et on doit encore traverser le défunt Chicago pour aller jusqu'à Springf...
-Eh eh eh, tout doux ma belle. On est parti du Maine, on a traversé la Pennsylvanie, l'Ohio et l'Indiana...
-Mais on avait des points d'arrêts fréquents et de l'eau et de la nourriture garanties et...
-Calme toi. Si on n'atteint pas Springfield, on atteindra au moins Kankakee ou Bloomington. »
Je n'étais pas vraiment - pas du tout convaincue, mais Bradley, Sariane, Mandrion et ses hommes semblaient l'être, alors je leur fis confiance.
Il y a des avantages à savoir que vous n'êtes qu'un personnage de fiction, et que vous êtes le personnage principal. Vous savez que vous n'allez pas mourir ; vous ne pouvez pas, c'est aussi simple que ça. Alors oui, il y a des exceptions, mais...faut être positif dans la vie, hein. Bien sûr il y a aussi des inconvénients : dans la plupart des livres, au moins deux ou trois amis du personnage principal meurent. J'ai extrêmement peur de ça, c'est ce qui m'effraie le plus. Je ne me vois pas vivre sans Bradley, sans Sariane, sans Mandrion, et à partir du chapitre 20, sans Zachariah. Bradley et Zachariah, eux, se verraient très bien l'un sans l'autre, je peux vous le dire...
Une petite tape dans le dos me tira de mes explications silencieuses. Je sursautai et tournai la tête afin d'apercevoir de petits yeux violets me fixant. Je souris, m'excusai de mon moment d'absence, et hochai la tête vers Mandrion.
« Je te laisse faire comme tu veux, Mandri. Mais il faut que tu saches je n'aurais pas la force de survoler tout un désert sous cette chaleur et avec la fatigue et la déshydratation si je suis forcée d'aller chercher du secours. »
Mandrion secoua la tête et me sourit. Il posa une main paternelle sur mon épaule et exerça une petite pression sur cette dernière. Je lui rendis son sourire et il partit rejoindre ses hommes, ordonnant à quelques uns de rapidement fouiller le distributeur, au cas où il resterait des M&M's ou quelque chose du genre, et commençant à partir avec les autres, Sariane sur leurs talons. Brad me prit par la taille, m'attira contre lui et déposa un baiser dans mes cheveux, qu'il avait nattés le matin même, puis il desserra son étreinte, me sourit et partit rejoindre les autres, m'invitant à faire de même. Je le regardai me tourner le dos pour aller faire peur à Sariane en lui criant « bouh » dans les oreilles, ce qui comme toujours, marcha. Je ris légèrement en la voyant lui asséner une petite tape sur la tête, et quand les hommes de Mandrion passèrent devant moi, heureux d'avoir trouvé un paquet de chips à moitié plein et deux ou trois Mars, je me décidai à les suivre.