Chapitre 1 : L'ACCIDENT

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Prologue : Changement de vie

          Notre récit commence le 24 décembre 2006. C'était une de ces rudes soirées d'hiver. Un froid pénétrant enveloppait l'air. Il neigeait à gros flocons et toute la campagne alentour portait un épais manteau blanc. Le petit Joseph regardait ce paysage relaxant à travers les vitres de la voiture. Malgré les protestations de sa mère, son paternel avait insisté pour prendre le volant. "Tu empestes l'alcool, tu as encore trop bu... Allez ce n'est pas raisonnable de conduire dans ton état" avait-elle dit avant de monter dans la voiture, résignée à prendre le siège passager. Le trajet sembla bien long, la tension qui régnait dans l'habitacle se fit sentir: il faisait déjà nuit-noire et la route étroite et sinueuse. Sa mère, Charlotte, n'avait pas adressé un seul regard, à son époux, Victor, depuis que la voiture s'était élancé maladroitement sur une asphalte chaotique, peu rassurante.

          "-C'est n'est pas une bonne idée... fit-elle, après un silence pesant.

          -Ça va chérie, je suis prudent, répondit Victor en caressent délicatement la main de sa femme."

          Ils se sourirent tendrement. Puis Charlotte se retourna et posa sur Joseph un regard protecteur, voyant qu'il était inquiet.

          Il adorait cette saison, le froid implacable et le vent glacé l'apaisait. Bien qu'il ne sache pourquoi, l'hiver était pour lui le meilleur moment de l'année. Et puis, il y avait Noël. Et les cadeaux posés au pieds du sapin n'attendaient qu'à être ouverts.

          Sa mère ne travaillait pas. Elle passait ses journée à cuisiner de délicieux plats et s'occupait de la maison avec grand plaisir. Elle faisait aussi d'immenses tours à pieds à travers la campagne, lorsque le temps le lui permettait. L'été, elle essayait de marcher le plus souvent possible, et ne rentrait qu'au coucher du soleil. Elle rapportait tout les soirs des fruits achetés dans le village d'à côté. Son fils l'attendait, assit sur les marches du palier en scrutant l'horizon. Au milieu des champs de blés, elle apparaissait en un petit point noir au loin, et lorsqu'elle était suffisamment près pour qu'il distingue son sourire, il courrait la rejoindre et se blotti dans ses bras protecteurs, sentant la chaleur de ses mains lui effleurer la joue. Elle avait des cheveux roux qui brillaient de mille nuances de rouge. Des taches de son sur les pommettes et des yeux d'un bleu profond... Elle était belle, sa mère... et il l'aimait plus que tout.

          Son père, lui, travaillait dans la ville. Il pouvait dessiner n'importe quoi et mettait son immense talent au service de qui en avait besoin. Il peignait aussi, mais seulement à titre personnel. Joseph se souvint de l'été dernier, quand il attendait Charlotte avec Victor et qu'il la peignait en train de marcher vers eux. Chaque jours sa peinture prenait peu à peu forme et lorsqu'il l'eut fini, il l'a montra à sa femme et lui dit: "Je crois que je ne pourrai jamais faire mieux, je n'ai pas assez de talent pour dessiner un ange.", en réalité, c'était la plus belle peinture qu'il n'avait jamais fait. Depuis ce jour, le chef-d'oeuvre trône fièrement au dessus de la cheminée. Un artiste, son père... Mais il y a maintenant deux ans qu'il a sombré dans l'alcool et la dépression, et ses dessins n'étaient plus aussi beaux qu'avant...

          -"Joseph? demanda Victor en regardant son fils dans le rétroviseur. Dans un mois pile c'est ton anniversaire!

          -Oui! répondit le jeune garçon, tout enjoué.

          -Tu sais quel âge tu vas avoir n'est-ce pas?

          -Treize ans! cria Joseph en agitant les bras en l'air.

          -Haha! Oui! Tu seras un grand garçon!"

          Joseph retrouva sa sérénité et pu profiter pleinement du paysage. La route était si éloignée de la ville et si peu fréquentée qu'ils se seraient crus seuls au monde. C'était bien pour cette raison que la famille avait choisit d'habiter ici, loin du tumulte et du chaos-monstre de la vie urbaine. Cela faisait deux ans qu'ils y habitaient, peu après que Victor ne se découvre un vilain penchant pour l'alcool...

          Victor n'aimait pas boire. "Mais c'est pour oublier...", avait-il répondu à son fils le jour où il lui posa la question qu'il redoutait tant. Il avait les yeux cernés de fatigue que ses insomnies n'arrangeaient pas. Ses petites lunettes rondes, usées par le temps, lui tombaient sur le nez. Il paraissait toujours pensif et nostalgique, comme si le passé lui avait ôté une partie de lui-même... En réalité et malgré les apparences, un nuage menaçant planait au-dessus d'eux et les empêchait d'atteindre la tranquillité à laquelle ils aspiraient tant. Cependant la famille menait une vie simple et n'avait jamais eu d'histoire. Aussi, personne ne leur parlait vraiment et ils n'avaient aucun ami. Cette semi-solitude ne leur dérangeait pas du tout, au contraire. Voilà ce qu'était les Solman: une famille ordinaire, ou au moins, aux yeux du Monde de l'époque...

          Alors que le trajet se faisait sans encombre, la voiture se déporta peu-à-peu vers la droite, où un fossé longeait la route sur toute sa longueur.

          -"Attention! lança Charlotte qui avait jeté un regard craintif à son mari.

          -Ça va, ça va... balbutia Victor. De la sueur commençait à perler sur son front.

          -Laisse-moi le volant, demanda-t-elle.

          -Non, c'est bon..."

          Il commençait à transpirer à grosses gouttes. Il se sentait comme malade, fiévreux. Sa tristesse semblait plus grande que jamais... C'est alors que d'un coup, il se mit à accélérer. Les arbres qui défilaient devant les yeux écarquillés de Joseph n'étaient plus que des masses sombres et difformes. "Papa! J'ai peur!", hurla le jeune garçon, pleurant subitement toutes les larmes de son corps. Charlotte était terrorisée, figée par la peur. Victor, lui, faisait preuve d'un calme angoissant, tandis que la voiture allait de plus en plus vite. Les sanglots du garçon se mêlaient aux cris désespérés de sa mère. Bientôt ils rencontreraient un virage, et à la vitesse où la voiture roulait, ils n'avaient aucune chance d'en venir à bout. Bientôt les roues franchir la ligne blanche, qui délimitait les deux voies, jusqu'à se retrouver complètement à contre-sens. Ce n'est qu'alors que le père se mit à pleurer lui aussi. Dans un geste lent et maladroit, il ôta ses lunettes et les serra si fort que les verres se brisèrent en mille morceaux. Le silence s'abattit dans l'habitacle. Seul le grondement du moteur les maintenaient à la réalité. Puis les pleures et les hurlements reprirent de plus belle. Alors, Victor ferma les yeux, et dit faiblement: "Il me manque tellement...".

          Au loin, on entendait des bruits de klaxon, de plus en plus répétés et de plus en plus fort. Une voiture fonçait droit sur eux... Charlotte tremblait et s'enfonçait nerveusement dans son siège comme pour contenir la vitesse effarante de la voiture. Victor lâcha le volant, les yeux fermés, il attendait. "Pourquoi?... Pourquoi?...". Le petit garçon regarda par dessus l'épaule de sa mère, ses larmes avaient fini de couler. Devant eux, une lumière aveuglante dévoraient les ténèbres. L'impact était imminent.

          Joseph ferma les yeux du plus fort qu'il pouvait. Puis il sentit un choc énorme, comme si un boulet de démolition l'avait percuté de plein fouet. Lorsqu'il tenta de rouvrir les paupière, il n'y avait qu'un noir profond autour de lui. Tout s'était passé en un éclair. Et son esprit avait déjà plongé dans l'obscurité...




Never Forget Tome I : Le RêveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant