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Kansas City, Missouri, cadavres d'immeubles et de maisons, corps putréfiés, odeurs atroces. Nous avancions difficilement, contre des bourrasques de vent tellement fortes qu'elles pouvaient nous arracher de la terre.

Nous avions trouvé de l'eau à Springfield, où nous nous étions rendus grâce à un ami de Mandrion que nous avions croisé en chemin : il nous avait pris dans sa camionnette, et nous avais laissé à quelques kilomètres de Springfield, n'ayant pas voulu aller plus loin, pour je ne sais quelle raison. Nous avions donc marché et étions arrivés la nuit à destination, et avions trouvé de quoi nous désaltérer. Hélas, notre réserve n'avait tenu que jusqu'à St Louis ; nous nous étions fais piller pendant notre sommeil, mais une fois là-bas nous avions pu remplir nos sacs à dos : une petite épicerie abandonnée avec une chambre froide pas encore découverte des pillards, ça peut toujours servir...

Les foulards protégeant nos visages, nous essayions de nous frayer un chemin parmi les déchets
carbonisés... ou pas, les ordures pourries étant les pires en matière d'odeur. Je ne pouvais aider personne en volant, le vent m'aurait emportée à coup sûr.

« Là-bas ! »

Sariane sautillait sur place, le bras tendu vers notre droite. En me concentrant je pus apercevoir des sortes de maisons... de cabanes, plutôt. Des cabanes habitées, à en juger par les silhouettes qui se détachaient de ces dernières. Nous continuions notre marche dans les ordures et quand enfin nous sortîmes de cet amas d'immondices, les cabanes ne se trouvaient plus qu'à une cinquantaine de mètres. Le vent semblait s'être calmé, et avant d'avancer plus, Mandrion nous ordonna d'enlever nos foulards et de mettre les main sur la nuque, en signe de paix, au cas où les habitants nous croiraient mal intentionnés. Arrivés tout juste devant les cabanes, Bradley se mit devant nous :

« Bonjour ? tenta-t-il,

-Maman regarde ! des étrangers ! y'en a même une aux cheveux roses ! »

Honnêtement, je fus très étonnée que mes cheveux ne soient pas couleur sable, maintenant.

Après la remarque de l'enfant -Rolihlahla, si j'en crois l'appel de sa mère-, quelques femmes se tournèrent, nous regardèrent et retournèrent à leurs occupations précédentes. Une seule et unique femme vint à notre rencontre.

« Mains en bas, étrangers. Qui êtes-vous ? »

Abasourdis par l'indifférence de ces personnes à notre égard, nous ne savions pas vraiment quoi faire. Après avoir descendu nos mains, je pris la parole :

« Nous venons de Sanford, dans le Maine, et nous nous dirigeons vers Salem, dans l'Oregon. Nous...

-Je n'ai pas demandé d'où vous venez et où vous allez, et je n'ai pas besoin d'un cours de géographie, je vous ai demandé qui vous étiez, comment vous vous appelez, chevelure du printemps. »

Je baissai les yeux et rougi légèrement à l'entente de ce surnom, puis nommai tout notre groupe en désignant les nommés. La femme, Bintou, nous regarda à tour de rôles, et un large sourire finit par étirer ses lèvres. Elle était belle, fine et élancée, cheveux courts et yeux ronds très expressifs. Elle nous invita à entrer dans ce que je devinais être sa maison, la plus grande des cabanes. Bintou nous demanda pourquoi nous étions là et Mandrion répondit que nous avions trouvé ce village par hasard (Sariane s'empressa de dire que c'était elle qui avait "découvert" l'endroit, toute souriante et fière). Au moment même où Bintou nous autorisait à rester si nous le voulions, un enfant entra en courant dans la cabane, suivi d'une dizaine d'autres :

« Ils sont là ! Mama, ils sont là ! »

Les enfants riaient, criaient tous la phrase que le petit avait précédemment prononcé, et sortirent en courant, invitant Bintou, la Mama, la chef du village, à les rejoindre. Cette dernière se leva et nous dit de la suivre, ce que nous fîmes.

En sortant de la cabane, nous découvrîmes une vingtaine d'hommes à cheval, chargés de toutes sortes de sacs. Parmi eux je repérai un jeune homme, le plus jeune du groupe, descendre de son cheval et amener un petit paquet à Bintou. Il lui sourit, et nous sourit, attardant son regard sur moi, si bien que nous lui rendions tous son sourire, sauf Bradley.

Je suis qui je saisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant