Incandescence

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Une lumière aveuglante venait d'apparaître et avec elle, la sensation effroyable d'avoir les paupières ankylosées, la bouche pâteuse, la gorge sèche et douloureuse. Le mal de crâne devint vite insoutenable. Il donnait l'impression d'avoir la tête prise dans un étau. Et la douleur semblait se diffuser lentement dans tous les muscles du corps, jusqu'à engourdir les jambes.

Luka cligna des yeux à plusieurs reprises avant de pouvoir enfin distinguer les ombres des objets qui l'entouraient. Il naviguait encore dans ces terres réservées au sommeil, entre le rêve et le réel, là où les réminiscences de la veille n'existaient pas encore. Ce moment où même son propre nom lui échappait.

Mais lorsqu'il distingua clairement la silhouette d'Adrian au-dessus de lui, il eut un sursaut et se redressa immédiatement, trop vite peut-être puisqu'il ne tarda pas à se masser son crâne douloureux.

Il tenta de poser une question, mais seul un marmonnement incompréhensible parvint à s'échapper de ses lèvres.

- Il est 9 heures du matin, et nous sommes un vendredi, informa Adrian comme pour anticiper ses interrogations. J'ai posé un breuvage à l'écorce de saule sur ta table de chevet.

Adrian avait toujours été quelqu'un de prévenant, de serviable. Il paraissait sans doute très froid en apparence, et parlait peu, mais il avait le regard intelligent et un penchant prononcé pour l'ordre et la propreté.

Luka se tourna péniblement vers sa table de nuit et reconnut ledit breuvage. Il ne se fit pas prier et le but malgré la nausée qui menaçait de tordre un peu plus son estomac. Lorsqu'il eut fini, il reposa le verre d'un geste pataud, manquant de le faire se briser au sol.

Puis, il se tourna vers son ami. Ses yeux venaient enfin de s'habituer à la lumière et il discernait enfin clairement la pièce malgré les taches noires qui dansaient devant lui.

Il était dans sa chambre, dans son lit à baldaquin. Il avait froid, ses couvertures de satin étaient au sol et il se sentait humide et poisseux.

Les boiseries des murs de sa chambre étaient illuminées par les rayons du soleil qui traversaient les longues fenêtres dont les rideaux rouges avaient été tirés. Adrian s'en était sans doute chargé.

Le regard de Luka se posa plus longuement sur Adrian qui n'avait pas détourné les yeux de lui un seul instant.

Il portait une étroite redingote noire et un gilet à trois rangées de boutons, tous impeccablement boutonnés. Adrian était naturellement élégant. Chacun de ses gestes était gracieux et il s'en fallait de peu pour qu'il devienne un gendre idéal. Un sourire plus fréquent sur ses lèvres aurait peut-être pallié cela, mais ce genre d'expression se faisait rare chez lui.

- Luka, dit-il de sa voix ferme, avant que tu ne tournes la tête vers ta gauche, j'aimerais te signaler que nous sommes seuls et que j'ai amené un chariot avec moi. Ne t'inquiète pas, tout se passera bien.

Luka fut abasourdi. Il venait à peine de réaliser qu'il était chez lui, dans son lit, qu'il avait beaucoup de mal à comprendre les paroles sibyllines de son ami. Mais dans un réflexe humain, il tourna malencontreusement son visage vers sa gauche, et sans doute eut-il préféré ne jamais l'avoir fait.

Il ne savait pas pourquoi il ne l'avait pas remarqué plus tôt, mais à côté de lui gisait une masse d'une couleur blanchâtre. Son cœur manqua un battement lorsqu'il se rendit compte qu'il s'agissait d'un corps.

Nu, Luka pouvait distinguer les veines bleues qui sillonnaient sa peau presque translucide. Ses cheveux blonds ne faisaient qu'accentuer la pâleur de sa chair. Mais le plus impressionnant restait sans conteste les deux yeux marron qui demeuraient éternellement grand ouverts.

IncandescenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant