Chapitre 16 - Samer-lêq

46 2 0
                                    

Cette nuit-là, Sam n'avait put se joindre à Orik pour surveiller les allées et venues de l'inspecteur. Son contremaître avait refusé de le libérer à la fin de son quart de travail en raison d'un retard dans l'entretien d'un cargo qui partait pour le spatioport minier de Safi dès le lendemain matin. Un bris majeur retenait l'équipe depuis des heures et ils venaient tout juste de compléter la réparation. Alors que les mécaniciens s'apprêtaient à quitter leur poste, il allait devoir rester un peu plus longtemps : comme journalier, on lui confiait les tâches ingrates de nettoyage et de rangement du matériel, qu'il devait compléter avant la reprise des travaux aux premières lueurs du jour.

Une chaleur et une humidité accablantes sévissaient depuis quelques temps à Nidja et malgré l'ouverture des portes principales du hangar, la température à l'intérieur du bâtiment demeurait insupportable. Dans l'espoir de se rafraîchir un peu, le benjamin de Numer-lêq venait de s'installer près de la porte pour ranger les outils. L'absence de brise rendait l'air à l'extérieur à peine moins étouffant que dans le hangar. Il s'épongeait sans cesse le front pour empêcher les gouttes de sueurs de lui chauffer les yeux et en se servant de ses manches tachées d'huile, il s'était noircit le visage. Son allure ne manquait pas d'attirer les sourires moqueurs de ses équipiers. Sam, d'un naturel jovial, n'entendait toutefois pas à rire ce soir-là; la fatigue des dernières nuits se faisait cruellement sentir et il devait faire des efforts pour conserver son calme. Il pensait aussi de plus en plus à son lit, qu'il ne verrait que quelques heures avant de reprendre son poste pour une autre longue journée.

Le vrombissement d'une berline qui se posait à quelques pas de lui le tira de ses réflexions. La visite d'un ramien à cette heure de la nuit l'étonna, mais il s'assura de cacher sa surprise en fixant son regard sur la table de travail devant lui. Il s'organisa néanmoins pour surveiller du coin de l'œil le passager qui débarquait du véhicule. Il faillit échapper l'outil qu'il tenait dans ses mains lorsqu'il reconnut l'inspecteur. Ce dernier passa en coup de vent, sans remarquer la maladresse du jeune homme, pour se diriger dans le local des enquêteurs tout au fond du hangar. Sam sentit son pouls accélérer. Les questions se bousculèrent aussitôt dans son esprit : qu'allait-il devoir faire? Comment allait-il s'y prendre pour rejoindre Zorgan? Orik s'était-il aperçut de la sortie de l'inspecteur? Un des mécaniciens qui s'adonnait à passer devant le jeune homme remarqua son air hagard :

« Eh, le petit, ça va? demanda-t-il.

- Comment? lui fit répéter le journalier, perdu dans ses pensées.

- Je t'ai demandé si tu te sentais mal? T'as un drôle d'air.

- Non, c'est bon. Je suis fatigué, mais ça va aller.

- Alors tâche de boire plus d'eau, » répondit le mécanicien en s'empressant de s'éloigner, pressé de retrouver son lit. Une dizaine de minutes s'écoula avant que le hangar ne se vide de ses derniers travailleurs et lorsque Sam se retrouva seul, son angoisse progressa d'un bond. Il ignorait toujours comment composer avec la venue inopinée de l'inspecteur. Certes, sa présence ici ne pouvait pas être ignorée et le jeune homme cherchait un moyen de prévenir son mentor quand un bruit le fit sursauter:

« Psst... Par ici, c'est moi, » entendit-il chuchoter. C'était Orik. La présence de son compagnon le réconforta et Sam s'empressa de sortir sur le seuil de la porte en prenant soin d'ignorer sa présence.

« J'ai des instructions. Tu m'écoutes?

- L'inspecteur est ici, tu le sais? murmura Sam.

- Oui, je l'ai vu quitter l'hôtel. Il est parti comme une balle et Zorgan se doutait bien qu'il viendrait au hangar. Ne me demande pas pourquoi. As-tu remarqué où il est allé?

Les gondoliers 1: La chute des SafalyneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant