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Cela faisait maintenant plus de trente heures, sans compter les heures de repos, que nous marchions en direction de Manhattan, Kansas, accompagnés de Zachariah, de Bintou et d'un de ses hommes qui avait vraiment « tenu à nous accompagner, on sait jamais avec les étrang-avec les barbares qui rôdent ».

Zachariah et moi, on a directement accroché. Il est drôle, gentil, et très beau. Je pourrais dire la même chose de Bradley, mais... Il s'était renfermé sur lui-même depuis que nous étions partis du village de Bintou.

Ou plutôt depuis que je parlais à Zachariah, mais vous l'aviez deviné, ou vous aviez pensé quelque chose de ce genre.

Si je peux dire une chose pour ma défense, c'est que mon attirance pour Zach ne dépassera jamais, au grand jamais, celle que j'ai pour Brad.

Jamais.

Alors que nous commencions tous à vraiment être fatigués, Sariane eut la bonne - la très bonne - idée de nous faire arrêter dans une station service désaffectée pour la nuit. Étant tous trop fiers pour nous avouer exténués devant Bintou et son homme de main, qui eux n'avaient pas l'air fatigués le moins du monde, nous avions accueilli la proposition de la blonde avec grand plaisir. Je ne savais pas ce qu'elle avait ce soir là, elle était toute excitée, elle nous avait préparé nos sacs de couchage en rajoutant des couvertures trouvées au fond d'un carton moisi, elle avait même insisté pour faire le dîner, et personne ne l'en n'avait empêchée, et tant mieux, d'ailleurs, car nous avions merveilleusement bien mangé. D'un point de vue gustatif, seulement, pour l'ambiance, c'était autre chose, en tout cas entre Zachariah, Brad et moi.

Pendant que les adultes discutaient avec Sariane, je parlais avec Zach, puis essayais de temps à autres d'intégrer Brad à la conversation, en vain. Son comportement m'énervait au plus haut point, je finis donc de manger très rapidement et allai me coucher en crachant un « bonne nuit » à peine audible. Les sacs de couchage étant derrière des rayons à moitié cassés, je pouvais discrètement épier ce qui se passait. Bradley mangeait la tête dans son bol, Zachariah lui lançait des petits regards, Sariane, Bintou et Sekou, discutaient encore et riaient, avalant goulûment le reste de leur repas. Quand Bradley eût finit son bol, je vis qu'il était déçu. Nous n'avions pas beaucoup mangé depuis quelques temps, et malgré tout l'enthousiasme de Sariane et tous ses efforts pour nous faire un bon dîner, nous n'avions même pas le ventre à moitié plein. Zachariah aussi semblait avoir remarqué la déception de Brad, et, jetant un dernier regard à son bol, il le tendit vers lui en lui disant de manger, qu'il n'avait plus faim.

J'ai tellement espéré que Bradley allait accepter le bol et sourire à Zachariah, mais non, non.

Bradley leva la tête vers Zachariah, soupira en le regardant et secoua la tête. Il lança son bol par terre, ce qui eut pour effet de faire taire la discussion à côté des garçons, se leva et vint en direction des sacs de couchage. Sariane avait prit soin de mettre le sien à côté du mien, et je l'en remerciai intérieurement : je pouvais rester près de lui sans qu'il s'en aille, de cette façon.

Sauf s'il décidait d'éloigner son sac du mien, ce qu'il ne fit pas, Dieu merci.

Je sentis son hésitation. J'avais refermé les yeux, afin qu'il me croit endormie. Je le sentais près de moi, debout, se demandant sûrement si j'avais encore besoin de lui -oui-, si je ne dormirais pas mieux si c'était Zachariah à côté de moi plutôt que lui -non. Enfin, il se décida à se glisser dans son sac, tout près de moi, puis il tenta de s'éloigner un peu en poussant sur le sol avec ses bras pour que le sac glisse plus loin, or avant qu'il n'eut le temps de pousser le sac de plus de deux centimètres, je lui agrippai le bras, ayant toujours les yeux fermés, et le tirai vers moi, m'en servant comme d'une peluche. Bradley ne bougea plus pendant quelques secondes, puis se résigna finalement à coller son sac de couchage au mien. Je souris légèrement, toujours accrochée à son bras, et c'est à ce moment là, je crois, que je m'endormis.


Je suis qui je saisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant