~ Minako ~
- Des dégâts importants ont été remarqués sur les champs de bataille , des cloques jaunâtres qui semblent prêtes à exploser à tout moment . Nos experts sont allés faire un tour dans les égouts de la grande ville de Pékin , capitale de la Chine , et ont trouvé des cadavres de rats mutilés , mais plus aucun signe de vie animale ... Il semble bien que ce soit la fin de notre merveilleuse planète . Mais le gouvernement n'est pas d'accord . Reposez en paix , finit l'animateur de télévision en baissant sa petite tête seulement couverte de quelques cheveux reposant sur son crâne presque chauve .
Je lâche un gloussement à peine exagéré à l'entente de ces paroles , puis me caresse la lèvre inférieure du bout du doigt tout en réfléchissant à la situation actuelle . Tout cela , ce qu'on voit aux informations , est-ce possible ? Sans doute , la seule chose étrange , c'est de les entendre parler de façon négative du gouvernement sans aucune censure .Apparemment , ma sœur jumelle Masami est du même avis que moi , étant donné qu'elle incline légèrement la tête en murmurant :
- Et la censure ...
- ... est en marche , finis-je d'un ton badin .
En effet , illustrant nos paroles , l'écran de la vieille télévision devient noir , coupant court aux paroles du présentateur de télévision . A moins que ce ne ce soit une des innombrables coupures de courant qui habitent notre pauvre quartier , dans l'une des banlieues de la capitale dont j'ai déjà oublié le nom .
Soudain , les lumières déjà faibles de l'appartement vacillent . J'arrive à voir le joli visage de Masami m'observer d'un air incrédule , comme pour me demander ce qui vient de se passer . Sauf que je l'ignore , j'ignore tout de ce qui se passe , la seule chose dont je suis persuadée , c'est de la peur de ma sœur . Comme si elle s'attendait à ce qu'il se passe quelque chose . Mais non . Pendant au moins quinze minutes , rien ne se passe . Absolument rien . C'est le silence total .
Puis , comme si elles avaient obéi à un signal invisible , des bombes explosent dans toute la cité . Les meubles volent , des centaines de débris volent , pendant que des détonations assourdissantes retentissent autour de nous . J'ose un faible regard en direction de ma jumelle , mais , à sa place , je vois la caisse de couteaux de sécurité se diriger droit vers mon crâne . Une douleur fulgurante me vrille le cerveau , puis le noir m'envahit .
La première chose que j'aperçois à mon réveil est le corps inerte de Masami reposant sur une civière de verre , entièrement transparente , l'oreille droite - celle dans mon champ de vision - en sang . Dans la pièce , tout me paraît flou , sûrement parce que le choc de la caisse de plastique contre mon crâne m'a un peu sonnée . En effet , le plastique et les têtes ne font pas très bon ménage .
Non sans difficulté , je me lève de la civière identique à celle de ma sœur , essayant de comprendre où est-ce que je me trouve . Seulement , il ne me reste aucun indice visible . La pièce est peinte d'une couleur assez claire , mais indescriptible , entre le blanc et le transparent . A part nos civières , l'endroit est vide , complètement vide , comme mon cerveau après toute ces explosions .
Mon visage est vide de tout sentiment , la seule chose que je ressens en ce moment , c'est l'espoir . L'espoir que Masami , ma merveilleuse sœur jumelle , soit toujours en vie . Je promène mon regard dans la pièce , mais il n'y a aucune porte , donc aucun espoir de sortie . Des larmes remplissent mes yeux à la vue de ma "prison" de couleur transparente et de Masami aussi inerte que les murs . Emplie soudain d'une colère passagère , surtout à cause de mon impossibilité de sortir ou même circuler dans un endroit plus spacieux , je brandis le poing en l'air et cogne le mur trois fois de suite .
Quand je me retourne , je vois le frêle corps de Masami frémir . Fermant alors les yeux , je dicte à mon corps de me calmer , par crainte de la réveiller . Alors , je me dirige vers son lit et lui caresse doucement le visage , mais sans parvenir à lui faire ouvrir les yeux .
Je finis par me retourner , pour chercher une porte en sachant bien qu'il n'y en a pas . Mais , apparemment , l'homme qui se trouve désormais en face de moi semble en avoir trouvé une . Il est plutôt âgé , à en juger par ses courts cheveux bruns parsemés de mèches grises . Il a de nombreuses rides sur le visage et de gros cernes noir sur les joues .
Méfiante , je marmonne d'une voix assez audible pour qu'il m'entende :
- Que faites-vous là ?
- Je crois que la réponse à cette question n'est pas celle que vous voulez savoir ... n'est-ce pas , miss Katsuri ?
Évitant de répondre à une question par une question , surtout par une aussi inutile que celle qui allait franchir mes lèvres , à savoir "Comment savez-vous mon nom ?" , je me contente de lui lancer un regard perfide , et je réponds d'un ton empli de franchise et de haine :
- En effet .
Face à mon manque de réaction - en tout cas , visible , parce qu'à l'intérieur , je suis prête à exploser - , l'homme semble désabusé . Un petit sourire en coin se dessine alors sur ses lèvres , et il continue calmement :
- Je m'attendais à plus de questions inutiles .
- Vous n'en savez pas tant sur moi , finalement .
- Vous avez l'air intelligente , Minako . Ne noyez pas cette qualité dans l'arrogance .
- Je ne suis pas arrogante .
- Taisez-vous .
Mon visage reste immobile , sans expression . Cet homme m'amuse , il semble perdre tous ses moyens face à mon indifférence . Finalement , j'ouvre la bouche , hésitante , et j'interroge d'une voix tremblante , trahissant l'immobilité de mon visage :
- Masami ... ?
- Elle a perdu l'ouïe dans l'explosion . Mais elle survivra .
J'empêche mes larmes de franchir la barrière de mes yeux , puis je baisse la tête - non par soumission , mais de désespoir - . Il se lève calmement de la chaise où il était assis jusqu'à maintenant , puis se frotte les mains entre elles .
- Mais je crois qu'une autre question brûle vos lèvres , murmure-t-il .
Je réprime un frisson en pensant à cette réflexion . Lit-il dans mes pensées ? Mais , s'il le sait , c'est que ma question est sérieuse , qu'elle est vraie . Et ça , je ne le veux pas .
Face à mon manque de paroles , il s'apprête à sortir de la pièce , avant que , malgré moi , je ne m'écrie :
- Pourquoi suis-je ici ?
Il se retourne alors lentement , puis hausse un sourcil avant de murmurer :
- Vous devez sauver le monde .