Cher Journal

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Je m'appelle Johanna, j'ai douze ans et je suis orpheline de ma maman depuis bientôt six mois.

17Juillet 2015.
« Tu ne peux pas résister, sale mioche ! Tu es une bonne à rien ! ». Il l'a dit sans regrets ni culpabilité, puis ma joue a pris feu et mon estomac a fait des roulades alors j'ai regardé et...un poing...le sien, celui de mon papa.
« Descends à la cave me chercher du vin ma chérie s'il te plaît », non ça ne me plaît pas mais je le fais quand même. L'escalier qui mène à cette cave représente pour moi la descente aux enfers, aux oubliettes. Il allait me finir ce connard de papa.

18Juillet 2015.
Hier soir j'ai reçu un message de Steph, même si elle a déjà quinze ans c'est ma meilleure amie. Elle fait une pyjama party ce soir et je veux absolument y aller, je pense que je vais faire le mur, à demain journal.

19Juillet 2015.
Je suis rentrée ce matin vers 9h30 et papa dormait encore, heureusement. Quand je suis arrivée Steph était habillée comme pour sortir en boîte de nuit, elle m'a dit qu'on sortait en ville. Comme je lui fais totalement confiance j'ai directement dis oui. Donc on est allée dans une rue bondé d'ados entre 12 et 20 ans je dirai. Ils fumaient, respiraient des trucs bizarres et avalaient des morceaux de cartons. C'était très...hum...étrange. Je t'avouerai cher Journal que je me sentais tel un poisson hors de son bocal dans cet univers où Steph se sentait étrangement bien. Elle m'a emmené avec elle et on a dit bonjour à des garçons assez mignons mais ils avaient les yeux rouges, ça gâchait un peu leur charme. Enfin bref, Steph parlait avec eux, j'étais à part puis j'ai entendu un des gars dire « Et ta copine elle veut voyager ? » je me suis de suite aperçue qu'il parlait de moi. Je n'ai pas forcément compris de quoi il parlait au début puis il a sorti de sa poche un petit sachet transparent contenant des espèces de petits cartons avec un smiley souriant sur chaque morceaux et il m'en a tendu un. J'ai réfléchis puis je me suis demandé ce qui pourrai m'arriver de pire entre un papa alcoolique qui me frappe et une maman partie au ciel à cause de lui alors je l'ai posé sur ma langue et je l'ai laissé fondre, doucement. Après peut être 1 heure, je me suis sentie bizarre, ma tête tournait, les gens faisaient des vagues avec leur corps, ils étaient multicolores. Y'en a même un qui s'est transformé en dragon. Cher Journal, je ne connais pas le nom de ce carton mais il est magique. Mon voyage comme ils disent a duré bien dix heures je pense. Il m'a rendu tellement heureuse, il m'a fait oublier papa, mes bleus, le vin et « l'escalier de la mort ». Il m'a troublé, c'était wouaaah...j'ai touché le ciel, j'ai chevauché Mars, Pluton et le Soleil. C'était comme un flash, pendant 20-30minutes je sentais l'énergie couler sous ma peau. Le temps et l'espace se sont effondrés. Je sentais l'odeur de la musique et le goût de la joie. J'avais l'impression d'être aux portes des enfers, de jouer avec le feu et d'aimer ça. Le goudron prenait des jolies couleurs vertes et mauve, de la lave sortait des flaques d'eau, les murs des immeubles respiraient. C'était tellement parfait je te jure journal !

20H.
Toujours la même chose : « Ferme-la ! Obéis-moi ! ». Et sa main dans ma tronche, et le balai dans mon dos, et la batte de base ball dans mon bras et les larmes sur mes joues.

Il est 22h.
J'ai peur, j'ai faim, j'ai soif, je veux voyager.

22Juillet 2015.
Quand je suis arrivée chez Steph et que je lui ai raconté mon trip, elle a dit que c'était un super voyage pour une première fois. Elle m'a dit que j'avais pris du LSD, un acide, une des drogues les plus fortes, je comprends pourquoi le buvard m'a fait cet effet alors. Enfin bref, on est sorti et on a rejoint les même gars que la dernière fois et j'ai repris du LSD, et j'ai refait un putain de trip magique. Les murs m'emportaient dans leurs entrailles. Steph m'a fait boire un truc qui me parlait, il disait « wouah » tout le temps. Je l'entendais crier dans mon estomac. La Lune et le sol étaient roses. Les gens dansaient, rigolaient, parlaient, et moi j'étais heureuse, euphorique. Puis tout s'est mit à vibrer, je voyais au ralentit, chaque personnes, chaque mouvements laissaient une traînée floue. Je suis allée au toilette et je me suis vue dans le miroir, je crois que c'est cela qui m'a le plus surprise je dirai. J'étais tellement bizarre, bleue, verte, jaune, orange, rouge, je ressemblais à un monstre mais un monstre gentil et heureux. J'ai voulu boire mais plus rien ne rentrait dans ma bouche ; l'eau était lourde et épaisse. Enfin voilà Journal, c'était magique.

20H.
Papa m'a fait du mal mais c'était pire que tout. Je suis allée lui chercher du vin et quand je suis revenue il m'attendait, ceinture en cuir marron à la main, regard transperçant, blessant, tueur. Il m'a fouetté douze fois, quatre fois la jambe gauche, cinq fois le dos et trois fois l'épaule droite. J'ai appelé Steph et ce soir on sort, je veux un autre voyage, un autre putain de trip. Je veux partir, m'évader et oublier tout ça.

14Août 2015.
Woh, Journal, il s'est passé tellement de choses. Je suis à l'hôpital, j'étais dans le coma et j'en suis sorti hier. Je me souviens que je suis partie chez Steph, on a pris du LSD. J'ai le souvenir que tout est devenu noir, Maman m'est apparu, elle m'a regardé avec ce regard cotonneux que je connais si bien puis mon père est arrivé et la frappé, violemment. Il s'est approché de moi et m'a dit « je t'aime ». A ce moment-là j'ai voulu le taper, le tuer mais j'étais ancré dans du béton. Mes bras et cordes vocales étaient hors service. Il m'a touché les hanches, a défait sa ceinture, la enlevé, la mise autour de mon cou et a serré, tellement fort, puis plus rien, il avait disparu. J'ai couru chez moi. La nuit, la lune, la chaussée, absolument tout étaient noir, je n'y voyais pratiquement rien. En entrant j'ai claqué la porte et je suis allée voir l'escalier, il bougeait, parlait, avait des dents aussi aiguisées que des couteaux. Il voulait m'avaler, me déchiqueter, me tuer. J'ai couru dans la chambre de papa, mais la personne devant moi ne lui ressemblait pas, cette personne était pire que mon père alors je l'ai frappé aussi fort que j'ai pu, j'ai gueulé « CONNARD », « VAS TE FAIRE FOUTRE » et puis le néant, le vide intersidérale. Maintenant je suis dans un lit d'hôpital. Il est très exactement 3h48 du matin et je n'arrive pas à dormir. Une dame est endormie à côté de moi, sur une chaise. Je crois que c'est ma voisine. Je la voyais dans sa cuisine des fois à travers la fenêtre du salon.
Il est 13h, la dame s'est réveillée et on a beaucoup parlé. Elle s'appelle Judith, elle vit seule et elle sait depuis le début ce que papa me fait et faisait à ma mère. Elle n'a rien dit à personne de ce qui se passait chez nous car elle avait peur de mon père. Je la comprends, moi aussi j'ai peur de papa. Elle m'a également dit que mon père était actuellement recherché pour violence aggravé sur mineur. Les médecins m'ont dit que j'ai eu un traumatisme crânien, mais pas trop important, du moins suffisant pour que je tombe dans le coma. J'ai également la clavicule gauche cassée.
Connard Frédérique, tu es un putain de connard. Tu as tué maman et tu as essayé de me tuer.

25Août 2015.
Je suis sortie de l'hôpital, bonne continuation journal. Je commence ma vie à présent.

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