Chapitre 4

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« Son visage laiteux, encadré par d'épaisses mèches châtaines, reflétait une infinie douceur. On aurait dit une poupée de porcelaine »

-Harry ? Qu'est-ce que tu fous ici ?

Bouche bée, Louis dévisagea son meilleur ami comme s'il était devenu fou. Les épaules et les cheveux couverts de neige, son sac de cours sur l'épaule, Harry arborait un sourire insolent. Cette insouciance agaça Louis au plus haut point. En jurant, il referma discrètement la porte derrière lui et croisa les bras, sourcils froncés.

-Pourquoi t'es venu ? répéta-t-il, bordel de Dieu, pourquoi t'es venu ?

-Sympa l'accueil, râla le bouclé, moi aussi je suis heureux de te voir Lulu. Au cas où ça t'aurais échappé, ça fait plus d'une semaine que t'es pas venu en cours alors je m'inquiétais. Je passais juste pour m'assurer que tu n'étais pas mort et en train de te décomposer dans une ruelle sombre, Louis.

La bouche de Louis s'ouvrit sur un silence avant de laisser échapper un long soupir. Les yeux verts de Harry scrutaient attentivement son visage, à la recherche d'un hématome ou d'une blessure. Ils n'en découvrirent aucun. Puis ils s'ancrèrent dans les perles bleues de Louis pour les fouiller, en quête d'une once d'émotion. Ils n'en trouvèrent aucune.

Les yeux de Louis étaient vides.

Éteints.

-Tu me laisses pas entrer ? se risqua-t-il à demander.

-Non. Tu dois partir. Tout de suite.

Harry n'eut pas le temps de rétorquer. Allyster apparut sur le pas de la porte, un sourire narquois sur les lèvres. Dans un geste de domination et de possessivité, il passa un bras autour des épaules de Louis et le plaqua contre sa poitrine. Le visage de Louis pâlit à vue d'œil et ses traits se crispèrent immédiatement. A la fois impuissant et terrifié, il baissa les yeux pour se perdre dans la contemplation de ses pantoufles tandis qu'Allyster et Harry se défiaient du regard.

-Tiens... Harry... ça fait longtemps.

-Allyster...

-Tu passais prendre des nouvelles de Louis ?

-T'as tout compris. Çafait une semaine que Louis sèche les cours et ça ne lui ressemble pas mais je suppose que tu le sais, n'est-ce pas ?

-Et ?

-Et donc je m'inquiétais.

Le sourire d'Allyster s'élargit un peu.

-Comme c'est gentil de ta part, souffla-t-il.

Un étrange malaise flottait dans l'air. L'atmosphère était soudainement devenue lourde, insupportable. Pendant un instant, le regard de Harry jongla Louis et Allyster. Il sentait que quelque chose ne tournait pas rond dans cette histoire. Le bouclé connaissait Louis depuis assez longtemps pour savoir que les études étaient extrêmement importantes pour lui, au même titre que l'amitié. Voilà pourquoi il s'inquiétait. Simplement parce que cela ne ressemblait pas à Louis de rater les cours, tout comme cela ne lui ressemblait pas de ne pas donner signe de vie pendant plusieurs jours. Louis était à la fois son meilleur ami et l'amour de sa vie. Plus encore, Harry le considérait comme une part de lui-même. D'ailleurs, tous ceux qui les connaissaient avaient pour habitude de les taquiner en surnommant Louis « le Yin » et Harry « le Yang », tant leurs deux personnalités se complétaient.

L'un sans l'autre, ils étaient comme incomplets. Pour être vraiment eux-mêmes, ils avaient besoin d'être ensemble.

-Louis...

Là tout de suite, Harry se sentit prêt à agir. Il se trouvait à deux doigts d'arracher Louis de ces bras et de casser la figure à Allyster. Ensuite, il se serait confessé et, bien évidemment, Louis aurait répondu à ses sentiments. Ils se seraient finalement embrassés comme des forcenés, heureux de vivre, heureux de demeurer ensemble. Puis ils auraient fait l'amour jusqu'au lendemain. Dans une comédie romantique digne de Hollywood, cela aurait été faisable. Mais dans la réalité, c'était autre chose. Lentement, Louis secoua la tête de droite à gauche. Le cœur de Harry se glaça d'horreur. Louis l'implorait littéralement du regard. Il le suppliait de s'en aller. S'en aller et... ne jamais revenir.

Il ne le sauverait pas aujourd'hui.

-Si t'as rien d'autre à dire, tu peux t'en aller, s'exclama Allyster d'un ton froid. Tu n'as plus rien à faire ici.

Et ce type qui osait lui parler comme s'il n'était qu'un moins que rien...

Comme cela l'énervait. A l'apogée de la colère, Harry serra les poings, réprimant la féroce envie d'en balancer un dans le visage de ce parfait abruti. Il jeta un dernier coup d'œil à Louis. Toujours rien. A bout de forces, il baissa les armes. Sans rien ajouter de plus, il tourna les talons, abandonnant Louis à son enfer. Dehors, la neige commençait à tomber. Le cœur lourd et la démarche traînante, Harry déambula dans le centre ville sans trop savoir où il allait.

Louis lui avait semblé en pleine forme, pas du tout malade.

-Merde... ce salopard le séquestre, murmura-t-il pour lui-même.

Séquestré. Enfermé entre quatre murs. Privé de tout contact avec le monde extérieur. Harry serra les dents. Il n'imaginait que trop bien la souffrance de Louis. Son ami d'enfance était claustrophobe et sa plus grande crainte serait d'être enterré vivant ou prisonnier d'un endroit d'où il était impossible de s'échapper. Harry se souvenait encore de ce jour où ils étaient resté coincés dans l'ascenseur de l'Université. Cela n'avait même pas duré une heure mais Louis s'était trouvé à deux doigts de la syncope.

Que pouvait-il bien faire ?

Aller trouver la police ? Quelle blague. Même si la police le prenait au sérieux, même si elle prenait la peine de se rendre sur place pour vérifier la véracité de ses propos, Allyster se glisserait dans la peau d'un homme irréprochable. Et, tel un parfait abruti, Louis jouerait le jeu à merveille. En d'autres termes, Harry risquait de se retrouver derrière les barreaux d'une cellule s'il osait colporter des accusations aussi graves sans avoir de preuves. Louis craignait bien trop son petit ami pour oser se rebiffer, Harry le savait.

Louis avait peur. Il avait toujours peur que cela soit pire. Souvent, Harry se demandait ce qui pourrait bien être pire que le calvaire qu'il endurait au quotidien.

Hélas, malgré lui, il aurait bientôt la réponse.

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Attention, révélations choquantes au prochain chapitre.

PS- Je publie la suite lorsqu'il y aura un minimum de 150 votes.

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Les bleus de l'âmeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant