Chapitre 5

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Des hommes graves étaient assis autour d'une table de chêne abîmée. La pièce était dépourvue de meubles, seuls des sacs de provision s'entassaient le long des murs fissurés. Aucune fenêtre ne venait éclaircir la salle, laissant supposer qu'elle se trouvait au sous-sol.

- Chef, je ne crois pas que ce serait avisé de la poursuivre, elle est redoutable et ne vit peut-être pas seule.

Le bandit avait l'air d'avoir tiré toute son énergie pour lâcher d'une voix tremblante son objection. Il fixait son chef avec une inquiétude croissante, comme subjugué d'horreur par son regard.

Anthras croisa lentement ses bras et le fixa sans réagir, le plus calmement du monde.

- Nort, je croyais que tu avais compris depuis tout ce temps.

Le dénommé Nort suait maintenant à grosses goûtes, la tête baissée comme un condamné attendant le coup fatal. Ses camarades l'observaient avec une satisfaction perverse, tout en se tenant à distance de leur chef. Ils savaient par expérience qu'il n'était pas sûr de rester à sa proximité lors de ses sautes d'humeur.

Nort déglutit bruyamment, il se rendit compte lointainement que sa gorge était en sang. Il s'était probablement mordu la langue sans s'en apercevoir.

- Je ne fais qu'exposer mon avis.

Lorsqu'il entraperçut la lueur de la colère embraser ses yeux, il sut immédiatement qu'il avait commis une grave erreur.

- C'est moi et moi seul qui prend les décisions ! Tonna-t-il brusquement, son visage déformé par la folie.

- Oui ! Oui, chef, je comprends ! Balbutia Nort en reculant sa chaise, terrifié.

Anthras lui adressa au sourire triste :

- Non, je crois que tu n'as pas saisi, pauvre idiot ! ESPECE D'ORDURE !!

Il vociférait maintenant comme un dément, et ses adorateurs décidèrent de se terrer craintivement au font de la salle.
Il attrapa violemment Nort par les cheveux et sortit en defonçant  la porte. Il s'arrêta sur le bord de la rue puis lança le bandit sur les pavés.

- Tu vois le misérable mendiant qui agonise là bas ? Et bien tue cette vermine si tu ne veux pas l'envier lorsque je t'arracherai les boyaux !!

Nort leva faiblement la tête et tenta de discerner les alentours, aveuglé par le sang qui se déversait d'une blessure au front. En effet, il distingua un homme âgé qui jonchait sur le trottoir d'en face, embourbé dans une torpeur hébétée de souffrance. Sa terreur atteint un tel sommet qu'il craignit de sombrer dans la folie. Il ne voulait pas tuer des innocents, jamais. Il n'était devenu bandit que pour échapper à la misère qu'il redoutait tant et n'avait jamais été confronté à une telle situation. Il s'essuya le visage d'une main tremblante et observa avec espoir les environs. Il n'y avait pas âme qui vive à part le mendiant.
Il hurla de douleur, Anthras venait de le frapper rageusement à la cuisse.

- Relèves-toi ! Tu m'entend, dépêche-toi !!

Nort rampa précipitamment en direction du pauvre homme. Il sortit son poignard et le planta fébrilement dans le torse du mendiant. Ses larmes se mélèrent au sang épais qui s'échappa de la blessure.

*

Ellora fut réveillé par les premiers rayons du soleil qui se montraient timidement dans le firnament. Elle se frotta les yeux et s'assit sur sa couche de fortune.

Elle avait réfléchi longuement à l'idée de Saithan. Cette dernière était totalement insensée mais plus elle y pensait, plus elle lui paraissait admissible. Elle n'avait rien à perdre. Confinée dans cette région à cause de ses actes et vouée à la misère à cause de cette désertion d'animaux, elle n'avait d'autre optique que de se lancer dans cette folle entreprise.

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