Part 1

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Le son des instruments retentissait de plus en plus fortement dans les basses, dans ses oreilles, dans sa tête. Elle dansait, sautait, profitait pleinement de ce moment unique. Elle était entourée d'une foule considérable, mais elle faisait comme si elle était seule, comme si elle était une privilégiée. Elle chantait, ou plutôt hurlait, ces paroles qu'elle connaissait sur le bout des doigts bien qu'elle ne comprenne un traître mot à la langue. Une odeur de sueur planait dans la salle entre les cris hystériques des fans et la voix parfaite du chanteur du groupe jouant à cet instant, rendant l'atmosphère intenable, mais unique. Elle se sentait dans son élément, elle se sentait affreusement bien, elle avait l'impression de planer.

Cependant, ça ne dura que quelques instants. Dernières notes, derniers mots des artistes, derniers cris suspendus dans les airs. Le silence. Puis de nouveau du bruit, des voix, des gens qui s'extasient de la performance précédente, et une salle qui se vide dans la joie. Ce n'est qu'après un certain instant que la protagoniste comprit qu'elle se devait, comme les autres, de déserter le bâtiment. A l'extérieur, une bourrasque de vent vint décoiffer un peu plus ses courts cheveux châtains. Sa frange humide lui retomba violemment devant les yeux, lui chatouillant le nez. Elle éternua. Une passante lui donna un mouchoir, en croyant qu'elle était enrhumée. Elle le prit et remercia l'inconnue qu'elle ne reverrait jamais. Elle contempla un moment tout ce monde devant ses yeux, quelle ambiance encore ! Elle prit une grande inspiration et descendit les quelques marches de la bâtisse la séparant du goudron sale. Elle s'éloigna de la salle de concert en fredonnant quelques paroles qu'elle avait entendu il y a encore quelques instants.

Elle sautillait vers chez elle en longeant la rivière se cachant dans les plus belles rues de la ville. Il faisait nuit depuis bien des heures, pourtant se retrouver seule dans le noir n'avait pas l'air de déranger la jeune fille. Elle ne cessait de fredonner ces chansons japonaises. On lui avait reproché bons nombres de fois de s'enfermer dans son monde mixant milles et unes idioties liées à la culture du pays. Mais peu lui importait, elle se sentait bien. Et loin d'être seule à vrai dire.

Sans s'en rendre réellement compte, et sûrement dû à la certaine fatigue présente, elle basculait doucement vers la rivière à mesure qu'elle faisait un pas. Elle ne pensait qu'au groupe qu'elle venait de rencontrer, elle était aux anges et rien d'autre ne comptait - même sa propre sécurité, à première vue. Très vite, elle perdit l'équilibre sur l'herbe humide. Elle se laissa tomber vers la rivière sans prendre conscience de la situation, et surtout du fait qu'elle serait affreusement malade en sortant de l'eau. Pourtant, elle ne se sentit pas plonger la tête la première. Elle ne s'aperçut du contact avec l'eau seulement lorsque son pied fini sa chute et que sa chaussure se remplie instantanément, ce qui lui vaudrait un beau bruit de flottement pour le reste du chemin jusqu'à chez elle. Cependant, le « problème » n'était pas là. Pourquoi n'était elle pas le cul dans la flotte à l'instant présent ? Elle n'eut pas le temps d'avoir une réponse que la personne ayant attrapé son bras lors de sa chute la tira plus loin pour éviter de la lâcher malencontreusement dans la rivière. Elle releva la tête pour voir la tête de son sauveur, mais il était beaucoup trop grand pour elle et elle avait un début de torticolis, vu la douleur présente dans sa nuque. Elle abandonna son idée d'identifier l'individu et le remercia de sa petite voix. Elle se sentait stupide que quelqu'un l'ait vu dans un état assez pitoyable, soyons honnête. Elle s'apprêtait à repartir quand elle sentit une main franche tapotait le dessus de sa tête. Elle entendit un rire qui lui paru doux à ses oreilles.

« Fais attention la prochaine fois, gamine », la voix était belle. Elle bégaya, en relevant la tête autant qu'elle put, afin d'apercevoir au moins les lèvres de ce vulgaire personnage.

« J-Je suis pas si petite, oh ! J'ai dix-neuf ans, sale con ». A nouveau, un rire délicieux lui parvint aux oreilles. Elle sentit son visage devenir brûlant. « Euh... Merci encore ! »

Elle tourna les talons et reprit la direction de chez elle, la tête haute malgré le bruit de sa chaussure pleine d'eau qui la rendait tout à fait ridicule. Elle entendit à nouveau ce bon ricanement, moins fort cette fois-ci.

« Hé, (elle se retourna), quel est ton prénom, gamine ?

- Je- euh.. Preiia.

- D'accord, bonne soirée alors Preiia ! »

Et il disparut. Elle voulu lui demander le sien, mais la fatigue la gagnait beaucoup trop pour qu'elle puisse parler assez fort et le retenir un peu plus. Elle sentait son visage si chaud. Elle avait une boule au ventre. Elle avait envie de continuer la conversation avec cet individu, bien qu'agaçant, mais il disparu devant ses yeux dans la nuit sombre. Elle lâcha un long soupir, presque déçue. Tout ce dont elle se souvenait c'était du rire du jeune homme. De son rire, et de sa chemise rouge à carreaux.



Sa chemise rouge à carreaux.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant