Je cours

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Je cours.

Je cours à en perdre haleine. Je cours pour échapper à ma destinée. Je cours de tout mon être, de toute mon âme. Je cours pour rester en vie.

Je traverse la petite ruelle faisant face au restaurant où mon père et moi allions manger après chaque compétition quand j'avais 8 ans. Même s'il n'y connaissait rien en gymnastique, ce n'est pas ce qui l'arrêtait de raconter vigoureusement les points positifs, comme les négatifs, de mes performances.

- Le but, Jackie, c'est de ne jamais laisser tomber. , disait-il.

- Oui mais papa, comment veux-tu que je garde espoir si j'arrive toujours dernière ? , répondais-je toujours les yeux pleins d'eau.

- La persévérance ma belle, la persévérance. N'oublie jamais de donner ton maximum dans tout ce que tu entreprends. Chaque jour, chaque heure, chaque moment de ton existence est une bataille constante entre la réussite et l'abandon. Dit moi Jackie, es-tu une gagnante ?

Je respire.

J'essaie en vain de ne pas abandonner, de courir pour gagner cette bataille. J'entends les 3 hommes tout près de moi, dans mon dos, à quelques mètres de distance.

L'un d'eux ne cesse de rire frénétiquement, je ferme les yeux face à autant de dégoût.

Mes pieds sont en feux lorsque je traverse la rue déserte, mon regard cherche autour de moi une personne pouvant me porter secours, me protéger de l'événement inévitable qui s'apprête à me submerger. Il n'y a personne, je suis seule.

J'observe au loin la croix de l'église de notre village briller dans le ciel parmi tous les bâtiments l'entourant. J'entends la voix de Matt, mon meilleur ami, me rappeler sans cesse à quel point l'amour est l'essence même de la vie, durant le mariage de nos deux parents respectifs.

- Peux-tu le croire Jackie? Ils ont 45 ans, et pourtant ils ont réussi à retrouver l'amour. , répondait mon nouveau beau-frère, les yeux remplis d'étoiles.

- Oui, Matt. , disais-je en riant de toutes mes dents. J'espère un jour trouver l'amour; le vrais, le pure, comme eux. , reprenais-je plus sérieusement.

- Tu y arriveras J. Tu es la fille plus merveilleuse que je connaissance, les garçons seraient idiots de passer à côté d'une fille comme toi. C'est moi qui te le dis. , finissait-il par dire en m'entourant de ces bras forts et solides.

- J'espère que tu as raison, Matt. , disais-je en regardant l'énorme croix, situé une dizaine de mètre plus haut.

Je pleure.

Une larme espiègle glisse sur ma joue; glaciale, fatale.

Je ne trouverai jamais l'amour. Je ne trouverai jamais l'homme de ma vie. Je n'aurai jamais d'enfants.

Je n'expérimenterai jamais la satisfaction d'avoir gradué, la nervosité face à notre première entrevue, la peine immense lorsque l'on se fait briser le cœur, la fatigue après une longue journée de travail, la rage au volant, la joie indescriptible lors d'un accouchement, le bonheur instantané lorsque l'on réalise que nous avons réussi notre vie...

La vie est une ironie bien singulière.

Ce n'est que lorsque nous sommes près de perdre quelque chose, que nous nous rendons compte de sa valeur.

Ce n'est qu'à ce moment que nous réalisons tout ce que nous aurions pu avoir, mais que nous ne posséderons jamais.

J'entends le bruit régulier du métal des balançoires, à travers le vent, signifiant que je suis tout près du parc du village. Le jour remplis d'enfant de tout âge, il est maintenant désert, comme si personne n'y avait jamais mis pied. L'écho de mes propres souliers, de chacun des pas que j'entreprends, se crée un chemin jusqu'à mes oreilles glacées. Je cherche désespérément une voix, quelqu'un, de la lumière.

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⏰ Dernière mise à jour : Apr 05, 2017 ⏰

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