La Tentation d'Alice

8. Nahual

Recroquevillée sur ma chaise, je ne lâchais pas ma tasse de chocolat chaud ni des yeux ni des mains. J'avais l'impression que si je m'en détachais ne serait-ce qu'un instant, j'allais voler en éclats.

En cet instant, cette tasse était la chose la plus réconfortante, la plus stable et la moins étrange de ma vie.

Cela faisait un moment maintenant que j'étais rentrée chez moi et depuis, nous n'avions pas échangé un seul mot. J'ignorais pourquoi Kelen restait silencieux. De mon côté, ce silence s'expliquait simplement : j'avais l'esprit vide, amorphe, éteint. Je ne pensais à rien si ce n'est que cette tasse, chaude entre mes mains, objet délicieusement normal, me rassurait.

Je jetais un regard à Kelen. Il s'était accaparé le canapé, les jambes croisées devant lui, les bras étendus de part et d'autre du dossier. Je ne pouvais voir son visage, sa tête reposant en arrière sur le dossier du canapé.

Seul le tic-tac monotone de l'horloge posée sur un mur du salon rompait le silence.

"Je suis une sorcière." murmurais-je plus pour moi-même que pour réellement lancer une discussion.

L'incube répondit d'un soupir.

"Et tu es un démon", continuais-je nullement impressionnée par son air lassé.

Nouveau soupir, mais cette fois, il prit la parole :

"Je croyais ces questions réglées, Princesse. Tu pourrais te rendre un peu plus intéressante et me parler de ce que tu voudrais que l'on fasse de notre Pacte.Ou de tes positions sexuelles préférées."

Pour ce coup, je sentis l'énervement me gagner. De quel droit se permettait-il de se moquer de moi ? Ma vie avait pris un virage à 180° degré cette nuit, j'avais quand même le droit d'essayer d'y voir clair !

"Oh pardon, Monsieur l'Incube, si je n'ai pas une conversation de folie ! J'aurai adoré parler avec toi du dernier film à l'affiche, mais tu eux te brosser pour ce qui est de 'ordre de ma sexualité merci bien! Au cas où tu ne l'aurais pas remarqué, je me retrouve un peu surprise de ce que j'ai pu découvrir aujourd'hui! Et si tu espères que je signe quoi que ce soit avec un démon, que ce soit toi ou un autre, tu te fourres le doigt dans l'œil ! Ce Pacte, c'était... Et si tu espères que je signe quoi que ce soit avec un démon, que ce soit toi ou un autre, tu te fourres le doigt dans l'œil ! Je veux juste que tout redevienne comme avant, que j'arrête de jouer à la centrale électrique à la moindre occasion, que tu disparaisses, que tous ces démons dont tu parles disparaissent !"

Le volume de ma voix avait grimpé au fur et à mesure de mon discours sous l'effet de la peur et de la colère qui s'éveillaient à nouveau, tandis que les images de la soirée se rappelaient à mon souvenir. Et les sensations de ces mains vertes et répugnantes qui m'avaient touchée.

Je me levais, sous le coup de l'énervement, renversant la chaise sur laquelle je m'étais tenue et posant brutalement ma tasse sur la table. Debout face à Kelen qui n'avait pas bougé d'un cil de son côté, je me trouvais finalement ridicule. Je me faisais l'impression d'être une gosse qui aurait tapé du pied parce qu'on lui refusait un sac de bonbons. Je détestais cela. Quand il se mit à applaudir, ce fut pire.

Quand il se mit à applaudir, ce fut pire.

"Tu me ferais presque pleurer, là. Mais dis moi, tu te rends bien compte que nous ne sommes pas dans un de tes films ? Que là, c'est la vraie vie et que tu t'es engagée dans un Pacte. Que tu l'aies fait pour rire, pour te donner le grand frisson ou parce que tu le voulais vraiment, on s'en fout. Tous les démons du monde s'en foutent complètement. Tu as fait une demande et tant que celle-ci n'aura pas été assouvie, l'appel continuera."