Partie 5 - Versailles

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J'ai probablement rêvé de pluie toute la nuit. La soirée d'avant m'avait créé un choc post-traumatique, car la première chose que j'ai faite après m'être levé a été d'acheter une carte prépayée pour les cabines téléphoniques. Plus jamais ! Ironiquement, il ne pleuvrait pratiquement plus pour le reste de nos vacances. La loi de Murphy me suivait partout, même à travers les océans ! Il était tard. Après tout, la veille, enfin je devrais dire ce matin-ci, on s'était couché à 5 h - 6 h environ. Le jour était donc beaucoup avancé.


Vu la limite de temps, on n'avait pas fait grand-chose du reste de la journée. Je me rappelle qu'on avait pris un bateau pour faire le tour de la Seine. J'avais craint un certain mal de mer (j'avais tendance à en faire de nature), d'autant plus que j'avais pas mal bu la veille. La Seine n'était pas un plan d'eau qui tanguait beaucoup, il sembla que j'avais été épargné. Ce qui était merveilleux avec cette navette, c'est qu'on voyait le meilleur de Paris sans se fatiguer à marcher. Ça tombait bien, j'étais crevé et de plus j'avais un côté paresseux assez présent. Entre deux efforts, vaut mieux choisir le moindre. Une loi que j'affectionnais beaucoup. J'appréciais d'ailleurs beaucoup la technologie à cause de cela. J'avais même élu ce métier pour cette raison. Malgré ce que je m'imaginais dans mon ego de rebelle, j'aimais la facilité. C'est si... facile justement. 


Rendus au soir, nous avions décidé de rester tranquilles. Car le lendemain serait entièrement prévu à une visite que j'attendais de faire avec impatience, soit celle de Versailles. Quand je pensais à Versailles, des images évidentes de noblesse me venaient à l'esprit, mais surtout celles de la Révolution française qui marquait la fin de la monarchie à travers l'Europe. Dans ma tête, cet endroit était une apothéose au niveau historique, vu les changements politiques d'importance dont ils sont les précurseurs. J'espérerais et j'espère toujours voir un évènement similaire se répéter aujourd'hui avec nos monarques modernes.  


Si l'on était calme cette soirée-là, cela ne signifiait pas dire qu'on n'allait pas fêter un peu. On entendit dire que cela festoyait assez bien au bar de l'auberge. Nous voulions le constater par nous-mêmes. Ce fut mes premières expériences avec le vin rouge.
Il faut expliquer qu'avant de venir en France, j'étais frileux avec le vin rouge. Je ne consommais que du blanc et encore, c'était quand je ne pouvais boire autre chose. C'était probablement relié à ma jeunesse. Je me souviens que tous petits, mon frère et moi, on voyait nos parents déguster du vin rouge. On les achalait*1 sans cesse pour y goûter. Tout comme n'importe quels parents dignes de ce nom, ils ont fini par céder. Nos pupilles gustatives juvéniles n'étaient pas prêtes à ce choc. C'était une horreur. On se demandait comment les adultes pouvaient boire et aimer ce jus au goût chimique. C'était depuis ce temps-là que j'ai gardé un jugement sur le vin rouge. Je suis persuadé que si mes parents m'avaient fait essayer la bière à ce moment-là, le même verdict serait tombé.
J'étais en France, c'était le temps des expériences. Mes amis voulaient commencer la soirée avec du vin rouge, c'était ma chance. On me servait le liquide tant appréhendé dans le verre. Je le regardais comme si l'on venait de me donner de l'eau de vaisselle. Je comptai jusqu'à trois et je plongeai. Je n'en revenais pas ! Comment avais-je pu être si ignorant jusque-là ? J'avais l'impression d'avoir gaspillé des années de saveurs et de bonheur. Je savourais la France à grande gorgée. À partir de ce moment, j'avais compris que je ne devais plus me fier à mes préjugés qui naissaient de mon enfance. Je serais l'aventurier de la gastronomie. C'était d'ailleurs après cela que j'allais essayer les différentes cuisines de toutes les cultures. Je ne voulais plus rien manquer. 


Cette soirée allait devenir notre rituel. Un repas avec du rouge et ensuite, on se continue avec de la bière. L'auberge de jeunesse était plutôt mal dépourvue question bière. Il n'y avait qu'une distributrice de Kronenbourg 1664 en canette. Pour mon palais, ça goûtait la binette, mais pour se saouler c'était parfait. C'était surtout que pour moi, même au Québec, je considérais que la canette comme réceptacle ne rendait pas justice à la bière. Je trouvais que justement le goût métallique prenait trop le dessus sur tout le reste. La bouteille verte ou brune était beaucoup plus digne et enfermait beaucoup mieux l'arôme de la céréale. Mais bon, un vrai Québécois ne refuse jamais une broue même servie dans un crâne humain. La bière était, surtout depuis la chute de l'empire catholique, devenue plus importante que l'eau bénite. Tout comme les Fremens*2 avec l'eau, on ne la gaspille pas. 

Ma France à moiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant