Chapitre 1

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Les filles bien élevées ne fréquentaient pas les garçons. Même s'ils faisaient partie de la classe des Loyaux - et Zenn était le meilleur d'entre eux. Il marchait à côté de moi, les mains dans le dos, raide comme un piquet dans son uniforme noir de jeune recrue des Forces. Les galons verts ornant ses manches crépitaient d'éclairs argentés. Peut-être enregistraient-ils tout? Peut-être? Sans blague ! Ces satinés galons verts n'en rataient pas une.

Traverser le parc le soir n'était pas interdit, en théorie. Les Loyaux le faisaient tout le temps. Mais m'y retrouver en compagnie d'un garçon pouvait me causer de sérieux ennuis.

À la nuit tombante, j'aurait enfreint une règle de plus.

Un aérocoptère bourdonnait dans le lointain au-dessus des arbres. Dans ce parc, les arbrisseaux me dépassaient à peine d'une tête. La Cité de l'Eau possédait quelques vieux arbres, certains centenaires, mais la forêt était hors zone, et même moi, je ne m'y serais jamais aventurée, de crainte de transgresser le règlement.

Le ciel charbonneux me rappela les impuretés de l'eau du lac que j'avais filtrée en classe, un peu plus tôt dans la journée. J'imaginais que les murs de l'usine où travaillait mon père avait cette couleur sale. Comme je ne l'avais jamais visitée et que je n'avais pas non plus revu mon père depuis des années, je n'avais aucune certitude.

- Vi, je suis content que tu te sois enfin décidée à répondre à mon e-com, déclara Zenn d'une voix aussi lisse que sa peau, aussi fluide que sa démarche.

- Tu connais ma mère... Je l'ai prévenue que je viendrais, qu'elle le veuille ou non.

J'avais sauté de joie en recevant son invitation et je mourais d'impatience de le revoir. J'aurais décroché la lune pour lui s'il me l'avait demandé. Mais ça, il ne fallait pas qu'il le sache.

J'avais quitté les cours pendant la pause de l'après-midi. La caserne des Forces était à deux heures de marche au sud de la Cité de l'Eau. J'avais franchi les remparts et crapahuté sur près d'un kilomètre dans la Région du Feu pour venir au rendez-vous. Franchir les remparts était également défendu, mais Zenn en valait la peine.

J'observais en silence les aérocoptères tournoyer de plus en plus bas. Je n'éprouvais pas le besoin de parler avec Zenn. Parfois le silence en dit long...

Les trottoirs ne fonctionnaient plus depuis trente minutes - l'heure du couvre-feu dans le parc. Soudain, en voyant l'un des aérocoptères amorcer sa descente, je rassemblai mon courage pour ne pas attraper la main de Zenn et m'enfuir à toutes jambes. Autrefois, je l'aurais fait, mais ce jour-là, c'était différent. Quelque chose me disait qu'il ne m'aurait pas suivie.

Un rapide coup d'œil me le confirma. Son regard était éteint. Sans vie. Peut-être la formation qu'il suivait à la caserne l'épuisait-elle...

Mon doux, mon merveilleux Zenn. Quelque chose dans son expression me tracassait.

- J'ai quelque chose pour toi, annonça-t-il, un sourire aux lèvres.

Je me penchai vers lui. Dans son e-com, Zenn m'annonçait une surprise - sans doute un objet qu'il avait fabriqué lui-même, le travaillant jusqu'à la perfection. À son image.

Le vrombissement de plus en plus sonore des aérocoptères ne paraissait pas le perturber. Contrairement à moi, il n'était pas du genre à vivre sur le fil du rasoir. Il plongea la main dans son sac.

- L'entraînement ne me laisse pas beaucoup de temps libre, alors on risque de ne pas se revoir avant longtemps... Ton anniversaire est dans deux semaines, et comme tu es ma...

- Hé! Vous, là-bas ! l'interrompit la voix électronique.

Je sursautai et reculai d'un pas derrière Zenn. La mission des aérocoptères consistait à empoisonner la vie des gens. Personne ne pouvait échapper à leur surveillance. Pas même moi.

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⏰ Dernière mise à jour : Jan 16, 2016 ⏰

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