One Shot

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Il me suffit de tourner la tête pour ignorer le malheur de cette pauvre femme et pourtant mon cerveau et mon esprit me crient déjà que je suis lâche. Je le sais mais je baisse la tête et regarde le sol en m'éloignant d'elle. Une fois de plus, je n'ai rien fait. Cette femme était assise sur un carton et attendait quelqu'un de généreux pour lui donner une pièce. Ses habits étaient sales et vieux, ses cheveux emmêlés et boueux, sa peau abîmée et rugueuse, ses yeux presque éteints par la faiblesse ou plutôt par la quasi absence de la vie présente en elle. Cette dame n'était pas une jeune femme qui pouvait vivre comme elle le voulait. Non, elle, elle survivait autant qu'elle le pouvait car c'était tout ce que la vie avait à lui offrir.

Et pourtant j'ai détourné mes yeux d'elle. J'ai juste observé la scène pendant une fraction de seconde. Juste une fraction pendant laquelle j'ai été écoeurée par la vie, par le monde et par moi. Personne ne vient en aide aux personnes dans le besoin, et je suis pareille. Je ne fais rien. Une petite pièce ne suffit pas. Je le sais. Mais une fois encore, savoir ne suffit pas et avancer en regardant derrière soi pour voir qui est déjà tombé et l'aider, n'est pas suffisant car même si l'on se retourne rien ne pourra changer. Le malheur des autres fait mal à voir.

Je n'aime pas la douleur comme tout le monde. Mais tout le monde, c'est qui? Vous? Moi? Eux? Chaque personne a ses particularités et le tout le monde, n'existe pas vraiment car ce n'est pas chaque individu du monde entier mais seulement un grand groupe de personnes excluant juste ceux qui sont différents des autres, de la norme. Tout le monde n'est qu'une généralité. Parce que certaines personnes aiment la douleur. Étrange? Pourtant ce n'est qu'une particularité. D'autres ne s'en préoccupent pas. Je suis lâche et faible, oui. Et toi, l'es tu? Cela a son importance oui, car tu pourrais haïr ma lâcheté ou te reconnaître, t'identifier à travers certains de mes faits ou de mes gestes. Je ne te connais pas mais tu vas me connaître.

Ah et je suis insociable... enfin pas vraiment. J'ai des amis. Cependant je ne suis pas du genre à me faire des amis comme ça. J'apprécie d'être seule, de ne pas avoir à parler, de ne pas avoir à faire semblant d'aimer quelqu'un parce que c'est l'ami d'un ami. Ignoble? Sûrement mais attendez de connaître mon histoire avant de me juger. En cours, je reste dans mon coin. Aux pauses, je me cache pour pouvoir être seule et au calme. Pendant le déjeuner, je suis avec mes amis. J'en ai quelques uns mais surtout l'une d'elle m'est importante. Je la considère comme ma soeur. Une jeune femme, courageuse, folle et délirante, qui sait aimer et aider même dans l'adversité.

J'ai 20 ans. Je ne suis qu'une étudiante comme une autre. Je ne suis qu'une lâche parmi tant d'autres. Je n'ai pas le courage suffisant pour m'approcher et aider quelqu'un. Détourner les yeux est tellement plus simple sur l'instant que l'on ne pense pas aux remords qui nous attendent après. Je passe tous les jours à la gare et plusieurs fois, il y a des mendiants car c'est bien ainsi qu'on les nomme. Des fois, ce sont des femmes et des bébés, ce sont les pires moments car je sais. Les enfants sont drogués pour ne pas pleurer et souvent ceux-ci sont déjà morts. Je le sais et ça fait mal. D'autres fois ce sont des hommes qui au lieu d'arborer un air fier et une mine confiante, ils ont un air de malheur et une mine déconfite peinte sur leur visage. Mon coeur souffre à chaque observation de l'un d'eux.
A nouveau, j'écris pendant un cours à ce propos mais cette fois-ci c'est différent. Je ne sais pas encore en quoi, cependant je sens que ma journée ne va pas être comme les autres. Les cours me font oublier le malheur de la vie que j'ai vu une fois de plus. Il n'y a pas besoin d'en parler, c'est la normalité. Car même si nous ne sommes pas pauvre en argent, nous le sommes tout de même de coeur et ça personne d'autre que nous pouvons changer ce fait. Mais qui parvient à connaître le bonheur et tout ce qui va avec, véritablement? La quête du bonheur est une Voie avec un grand V, pourvue d'honneur et de joie. Mais croire parvenir au bonheur, c'est croire que nous n'avons plus à chercher du plaisir. Hors il faut limiter ses désirs du plaisirs pour pouvoir toucher au bonheur. Des limites que l'on s'impose pour être heureux. Un liberté restreinte volontairement.

ChangementOù les histoires vivent. Découvrez maintenant