Ce dimanche-là, je traînais les pieds dans la grand-rue encombrée, quand cet abruti de René me rentra dedans, m'écrasant le nez.
Je savais qu'il s'appelait René, non pas parce que je le connaissais, mais parce j'avais entendu quelqu'un lui crier : "Eh René !Je suis là !" à l'autre bout de la chaussée. J'étais bien envieux de ces deux personnes qui se retrouvaient pour passer le temps, moi je suis seul et sans enfants.Pas de petite amie, pas de famille, rien qu'un vieux chat et la TNT pour toute la journée. Mais ce jour-là, j'avais décidé de sortir de mon trou à rats. C'est vrai que j'allais souvent faire les courses mais ce dimanche, c'était une ballade qui annonçait ma vengeance. Ma vengeance sur quoi me direz-vous ?Sur la vie, mes chers amis. Marre de manger des boîtes de conserve pour une personne, marre de tous ces rituels monotones : ce que je voulais c'était quelqu'un, à côté de qui je me lèverais tous les matins.On me répétait souvent : "Thomas tu as déjà 26 ans !". A tel point que je me sentais mal, de ne ressembler qu'à un garçon banal, qui n'avais pas encore trouvé chaussure à son pied, ni d'ami à qui en parler.J'allai procéder de cette manière : en allant au pub au bout de la rue Voltaire, j'allais me mettre au bar et commander un verre. Je repérerai toutes les belles filles, et leur dirai comme je peux qu'elles sont jolies.C'était un plan peu original voir très bancal, mais pour un gars comme moi, c'était déjà un premier pas.En arrivant devant le bar, je demanda qu'on me serve quelque chose à boire. A première vue je ne vis personne qui me plaisait, mais mon œil reconnu le con de la grand-rue, ce certain René. Il était bien sûr toujours accompagné, de la fausse blonde que j'avais entendu crier. A la vue de celui qui m'avais presque cassé le nez, je remarqua qu'il ne s'était même pas excusé de ce qu'il m'avait fait.Je lançais donc des regards froids dans sa direction, jusqu'à comprendre qu'il venait se mettre devant mon champ de vision, ou devrais-je dire devant mon nez cassé.Il me souriait, comme un con devant un nouveau-né, même si moi je l'aurais bien voulu ce nouveau nez.Je lui montra un tabouret pendant qu'il commandait un peu de rosé. Je ne comprenais pas du tout pourquoi il s'acharnait à vouloir me parler, avec ses grands airs niais. Il pris la parole avant de me tendre sa main : "Excusez-moi pour tout à l'heure, j'avais pas vu que vous étiez sur mon chemin."Je pensais rêver en entendant ce fameux René, s'excuser de sa mal-habilité. Pour paraître poli, je sera la main qu'il me tendit."Vous vous souvenez de moi ?" répondis-je un peu sonné et maladroit."Evidemment ça m'est revenu avec les regards que vous m'avez lancé !Mais maintenant que nous avons fait la paix c'est oublié. Appelez-moi René !"A sa dernière phrase je ne pus m'empêcher de rigoler "Je le sais comment vous vous appelez, j'ai entendu votre grande blonde là-bas le crier !"Il se retourna vers sa connaissance seule à ruminer, avant de me glisser "C'est ma sœur en vérité, elle voulait venir ici pour me trouver 'la femme dont je rêvais'..."Et sans s'en rendre compte on se trouvait un tas de points communs. Lui aussi vivait seul avec son chien. Il était fan du groupe AC/DC, et des plats anglais. Tous les mardis il allait courir près du chemin Vert. Sinon il ne sortait pas beaucoup à part quand sa sœur Cindy lui tirait le bras pour qu'il s'aère.Avec sa sœur il était très aimant, ça se voyait immédiatement... Quand il me parlait ou qu'il m'écoutait, il avait ce sourire aux lèvres qui l'habitait. Je ne sais pas comment il fait pour communiquer toute cette joie par le seul pouvoir de ses belles dents. Il doit faire parti de ces gens qui ont toujours l'air heureux alors qu'ils ne le sont pas vraiment. Ça me plaisait. Ce René tête en l'air me fascinait. On était resté longtemps sur le comptoir à discuter entre deux trois gorgées du rosé qu'il insistait pour m'offrir. A chaque fois cela me gênait et ma tête le faisait rire. Vers deux-trois heures du matin on s'était enfin quitté pour repartir à notre triste réalité. Sauf qu'il me manquait. Ça me manquait de ne plus parler qu'avec mon chat qui s'en fichait royalement de mes pensées. Alors je retournais au même pub en me frappant la tête pour ne pas lui avoir demander son numéro de portable cette fameuse nuit. Pour une fois que je me faisais un ami... Du coup bien souvent je repartais chez moi le visage bas à contempler le sol en me demandant si même lui n'a pas une meilleure vie que celle que j'ai...Sauf qu'un soir, en rentrant le front au sol après être allé boire, je percuta un objet. Ou plutôt quelqu'un. Je l'entendis râler et me dire que si je regardais où je mettais les pieds ça serait bien. Machinalement je releva mon visage pour voir qui j'avais percuter : un coureur en tenue de sport, blond aux yeux marrons.... René !Il avait dû partir faire son petit jogging comme il me l'avait expliqué il y a quelques temps, et voilà que c'est cette fois-ci moi qui fait couler son sang. En me reconnaissant il refit ce sourire qui me troublait. Encore une fois cet idiot me consternait, par les traits de son visage si bien dessinés. Il avait les yeux brillants comme des diamants couleur praline. Des cheveux en bataille blonds humides à cause de son jogging. Des minuscules fossettes qui se creusaient quand il me montrait ses dents blanches . C'est à cause de gars comme ça que je complexe de ne pas être assez bien pour que je branche ...Même son nez que je venais d'abîmer restait plus beau que celui que je possédais. Et ne parlons pas de ses lèvres que toutes les femmes rêvaient d'embrasser !Instinctivement, en se revoyant, on se regarda comme des animaux qui observent l'ennemi en tournant autour. Cela faisait peut-être bien deux semaines qu'on avait pas vu l'ombre de l'autre, et même encore quelques jours.Je ne savais pas quoi faire, lui non plus. Alors je le pris dans mes bras comme il l'aurai fallu. Mais je n'étais pas comblé. Bien sûr je pensa cette fois-ci à prendre son numéro mais il me fallait autre chose, sauf que je n'étais pas sûr que ce soit partagé et que je l'ose...Je le regarda, il s'avança, alors pris de peur par cette approche brusque je me retourna près à partir, mais je sentis une main me tirer et me faire revenir. Cet enflure de René qui m'avait causé tant de tors m'embrassa, et je savais à cet instant que ce que je voulais était devant moi. Finalement mon plan n'avait pas échoué comme je le pensais, il est vrai que ce n'était pas ma femme que j'avais trouvé dans ce pub ce soir-là, mais un homme casseur de nez qui m'a épousé quelques années après.
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