Chapitre 29 - La chute

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« Attention ! Trois, deux, un... Impact, » annonça l'opérateur. Rivé devant son écran-radar, le ramien s'exprima d'une voix exempte d'émotion lorsque la torpille percuta la cuirasse du croiseur. Un léger tremblement secoua l'équipage sur le pont supérieur du destroyer Safalyne-3, en orbite au-dessus de Semarkande.

« Évaluation des dommages, demanda aussitôt l'Amiral Chi-Vargas en se tournant vers son second.

- Le bouclier latéral est toujours hors d'usage. Les autres systèmes critiques sont intacts, mais on signale une brèche au niveau sept, avec incendie. L'artillerie de longue portée côté bâbord vient d'être paralysée ; nous ne pourrons pas bloquer le passage des frégates. »

L'amiral releva la tête pour apercevoir la projection des deux bâtiments ennemis qui s'éloignaient sur leur flanc gauche, sans avoir à se soucier de la présence du puissant navire de guerre. Les amiraux Boq et Nowan venaient de lui échapper. Les traîtres allaient rejoindre les rangs de la confédération en entraînant avec eux dans leur fuite plus de trois cents mille soldats demeurés loyaux aux deux gouverneurs dissidents.

« Je veux un rapport complet sur la défaillance du bouclier, ordonna Chi-Vargas, en conservant son sang-froid. Ils ont réussi à saboter le champ magnétique pour s'enfuir ; trouvez comment ils ont pu faire ça.

- À vos ordres, répondit le second.

- Redéployer la flotte en position défensive et faites affréter ma navette, je dois rentrer au palais rendre des comptes. »

L'évasion de ces deux membres du conseil de l'amirauté constituait un troisième revers en autant de jour pour le gouvernement de Semarkande. Deux jours plus tôt, la réception d'un signal de détresse, annonçant la destruction du croiseur Khyber-1 en mission sur Karajou, avait été la première secousse à ébranler les mandarins impériaux. Jugée préoccupante, la crise des rebelles humanidés devint catastrophique avec cette dépêche: tout en démontrant son impuissance face à un groupe d'insurgés, l'armée impériale venait de perdre son plus puissant navire de guerre. Les données fragmentaires reçues par le centre de surveillance suggéraient une frappe nucléaire survenue depuis l'espace et trois jours plus tard, la trame des événements derrière ce fiasco ne s'expliquait toujours pas. Comme un malheur n'arrive jamais seul, la perte de la nouvelle armada privait l'Empereur de l'une de ses unités les plus loyales.

En apprenant la perte de son nouveau croiseur, le monarque limogea sur le champ l'instigatrice du plan, la chef des services secrets, en l'assignant à résidence pour toute la durée de l'enquête. Le premier-consul ne fut pas épargné pour autant par la colère du souverain, qu'il menaça de démettre de ses fonctions lui aussi :

« Je vous donne une journée pour trouver une sortie de crise, » lui avait-il dit. Or, la journée suivante, une fuite au sein du Service particulier de l'empereur déclencha un cataclysme politique d'une rare virulence. Un premier rapport confidentiel détaillant la révolte des humanidés sur Karajou, et un second, qui prouvait l'existence du programme Khyber pour mater toutes velléités d'autonomie des dominions, se retrouvèrent entre les mains de la confédération. La fureur provoquée par ces révélations poussa la ligue à convoquer une assemblée exceptionnelle pour voter la dissolution de l'Empire, rien de moins.

Les délégués des huit dominions convergeaient vers Syrta lorsque l'empereur, paniqué et affaiblit, tenta un geste d'apaisement envers ses anciennes colonies en congédiant son premier-consul, qu'il blâma pour la crise. Il alla jusqu'à promettre un châtiment exemplaire pour son ancien conseiller et proposa de négocier de nouveaux pouvoirs pour la confédération. Au troisième jour de la crise, alors que Semarkande attendait une réponse des dominions, un nouveau coup de théâtre aggrava encore davantage la situation : deux gouverneurs siégeant au conseil de l'amirauté désertèrent le camp impérial.

Les gondoliers 1: La chute des SafalyneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant