Un bordel sans nom.

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-Yungi..mais..

J'écarte sans précautions ni douceur la fille qui fait obstacle à ma vue, assise sur mes cuisses. La bouche entrouverte, les bras pendus le long du corps, Jungkook me dévisage avec une expression mêlant surprise et dégoût. Je plane totalement, l'herbe que j'ai fumée tout à l'heure m'a ôté toute capacité de réflexion et de réaction. Alors je ne fais rien d'autre que le regarder. Le choc passé, il est maintenant à deux doigts de les dégager lui même en les traînant par les cheveux. La petite lueur qui brille dans ses yeux lui donne un air de fou, je sais qu'il crève d'envie de tout fracasser. Ses poings se serrent, ses dents aussi, quand je le vois trembler je commence à me demander s'il ne va pas finalement me frapper. Mais comme d'habitude rien de tout ça ne dure, les larmes qui lui brûlent les yeux effacent toute cette colère pour ne laisser que de la souffrance à l'état brut.

C'est la troisième fois ce mois-ci qu'il me trouve avec une fille. Enfin plutôt avec deux aujourd'hui. Toutes deux se lèvent en hâte et se dépêchent de ramasser leurs robes moulantes avant de partir, elles ont compris le danger. La chevelure brune de la deuxième disparaît à l'encadrement de la porte, la seconde d'après l'immense amphore décorative à sa droite explose sur le sol. Le guéridon sur lequel le vase était placé vole également à travers la chambre, puis c'est le tour des rideaux que jungkook arrache sans la moindre hésitation. Il jure, hurle, mais ne m'adresse pas la parole car il sait qu'il ne peut rien me dire, que je ne suis pas à lui. Quand tout est détruit, il scrute longuement les recoins de la chambre, vérifiant qu'il n'a rien oublié et reprenant son souffle par la même occasion.

Soudain, une larme coule. Une seconde. Finalement c'est un véritable torrent qui dévale ses joues d'enfant trop vite grandi. Ce terrible spectacle me laisse un goût amer, une sensation étrange me tord le ventre. Il crie mon prénom. Il dit qu'il me déteste, qu'il aurait aimé ne jamais me rencontrer et que je suis un beau dégueulasse. Que je ne mérite pas de vivre aussi.

Jungkook parle fort, mais il tremble de tout ses membres. Parce qu'il est amoureux, que son corps rejette instinctivement tout ce qu'il vient de dire. Il va finir par se calmer, il se calme toujours. Je me lève, ne portant encore sur moi qu'un caleçon, et m'approche de son corps si désirable. La sensation douloureuse de tout à l'heure est un peu passée. Il me fusille du regard quand j'arrive à sa hauteur, son caractère explosif et sa fierté lui en veulent de se laisser manipuler aussi facilement. Mais quand je le plaque contre un mur il ne me repousse pas, quand je plonge mes yeux dans les siens il ne se refuse pas à moi, et quand rattrape ses lèvres avec les miennes il ne me les arrache pas. Son corps collé au mien, il se détend quelque peu. Le silence revient, seul ses sanglots étouffés brisent désormais le calme de la nuit.


***


-Kook, tu tires ?

On ne parvient presque plus à voir la couleur de ses yeux tant ses pupilles sont dilatées, pourtant je propose encore, et il accepte encore. Ses doigts fins s'avancent vers le joint que je tiens et ils se l'approprient. Pendant qu'il tire une bonne bouffée je me trouve attiré par sa gorge, sa peau opaline me donne envie d'y planter mes dents. La drogue ne me permet pas de me retenir, quand bien même aurais-je été sobre je ne l'aurais pas fait. Y a-t-il plus merveilleuse odeur pour un fumeur comme moi que de sentir le parfum de l'herbe mélangé au doux arôme de ce mioche ? J'en doute fortement. Je m'enivre, le respire autant que je le lèche. Jungkook est pur, jusqu'à son odeur. Même avec tous ces artifices, avec tout ce dont il s'imprègne à mon contact, il reste pur.

Je finis par me séparer de lui et me laisser retomber à ses cotés. Mes lèvres acceptent le joint qui me revient. Affalé dans l'herbe de ce parc, je suis apaisé. Un peu. Sa présence à toujours cet effet là sur moi. Et moi, je me demande quel effet j'ai sur lui. J'essaie d'imaginer mais je plane trop pour me concentrer plus d'une dizaine de secondes. Alors je l'interroge. Il n'y a que quand je suis sous l'emprise de la drogue que je peux poser des questions comme celle là, que je suis capable de voir au delà de moi. Comme c'est rare, ça l'amuse et il ne perd pas une seconde pour se redresser sur son bras droit. Il rit, comme un enfant. Enfin comme un enfant bourré.

Un bordel sans nom.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant