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Il était huit heures, huit heures du matin, huit heures du matin pendant les grandes vacances, huit heures du matin pendant les grandes vacances et plus précisément, le 16 juillet ! D'habitude, les jeunes de mon âge dorment à cette heure là, surtout lorsque les vacances d'été viennent de commencer, les jeunes de mon âge en profitent pour se faire une grosse grasse matinée, qui aurait l'idée, à 17 ans de se lever pour être à la bibliothèque à huit heures ? Surtout pendant les grandes vacances quoi...A part, les futurs étudiants qui misent tout pour leur avenir, même le sacrifice de plusieurs centaines d'heures de sommeil, remplacées par des heures de travail. Les jeunes de mon âges détestent les bibliothèques...Ou alors ne les aiment pas assez pour se lever si tôt afin de s'y enfoncer, encore plus silencieusement qu'en pleine journée..

Pourtant, une fille était là. Seule. En salopette. Je ne sais ce qui m'a le plus surpris, qu'elle soit devant la bibliothèque à l'ouverture ou qu'elle soit en salopette. Une salopette bleue foncée dont les coutures s'arrêtaient en dessous du genou, avec un pli. Bien sûr, en dessous de sa salopette, elle avait un t-shirt, blanc, à manche courte. Elle était adossée au mur, la tête baissée, de telle façon que je ne voyais pas son visage, ses cheveux le dissimulaient. Ses longs, très longs cheveux ébènes qui saluaient le milieu de sa cuisse. Je n'avais jamais vu de cheveux aussi longs et aussi nombreux. A vue d'œil, elle mesurait 1 mètre 40 ou 45 à quelques centimètres près peut-être. Mais ce qui est sûr, c'est qu'elle était plus petite que Brooke. Elle semblait être une enfant. Toute fine. Frêle. Figée.

-Bonjour.  Lui dis-je, être sociable que je suis.

Mais aucune réponse ne vînt. Elle ne m'adressa même pas un regard. Elle ne bougeait pas, on aurait dit une statue. Inanimée, Immobile, Impartiale. Sans insister, je me tus et attendit que le responsable de la bibliothèque arrive. Un doux et agréable courant d'air vînt effleurer mon visage, transportant un parfum qui m'était plus que familier, la fleur de Lotus. Cette odeur traversa mes narines en moins d'un quart de seconde et se logea directement dans mon cerveau, elle bouleversa mes sens, et fît couler mes larmes. Ma mère adorait ce parfum. Elle en mettait tellement qu'elle avait beau ne plus en avoir pendant deux semaines, l'odeur restait sur sa peau.  Passant ma manche en coup de vent sur mon visage, j'effaçai les quelques larmes qui ruisselaient. Cette fille, portait le même parfum que ma défunte mère.

Alors que je me remettais à peine de cette tristesse, subitement ressurgie, le responsable gara sa Twingo sur le parking, et nous rejoint.

-Bonjour la jeunesse !  Nous cria-t-il, de bonne humeur, enthousiaste, souriant.

-Alors Scott, c'est ça ? Tu es prêt pour ta première journée ici ? J'espère pour toi parce qu'aujourd'hui nous allons recevoir plein de nouveaux romans, alors j'espère que tu en as dans les bras !  Me dit-il, avec un léger sourire. Je lui répondit :

-Oui Monsieur, je ferai mon possible pour être efficace et vous être de la plus grande aide possible !

Il me sourit, mais avait l'air un peu étonné, peut-être à cause de ma détermination, ou alors de ma docilité, je ne sais pas.  Quoi qu'il en soit, à aucun moment, la fille en salopette ne dit un mot ou ne bougea d'un centimètre, jusqu'au moment où Monsieur Galilée (le responsable) ouvrit les portes. A peine avait-il retiré la clé et poussé la porte qu'elle se précipita à l'intérieur et disparut dans les rayons. Etonnés d'un tel empressement, Mr. Galilée et moi restâmes stoïques. Puis le cinquantenaire lança, au bout de quelques secondes et en avançant vers l'accueil :

-Eh bah ! C'est qu'elle ne veut pas perdre une seconde cette petite ! C'est vraiment génial que quelques jeunes aient encore un appétit gargantuesque  en culture littéraire...Il n'y pas meilleur endroit que la bibliothèque municipale pour ça ! 

Il posa ses affaires sur le comptoir, sortit des dossiers, des pochettes, une calculatrice, d'autres bricoles en continuant :

-Tu sais Scott, ça me rassure vraiment que des gens de ta génération ne soient pas encore absorbés par la technologie, les tablettes tu vois ? Si ça se trouve, dans 60 ou 70 ans, les enfants ne sauront même plus ce qu'est un livre...Pourtant...

Il sortit un roman de sa mallette, le caressera et me questionna de façon rhétorique :

-Caresser la couverture d'un livre ancien, avoir l'odeur des pages qui embaume nos narines, se laisser transporter par l'authenticité d'une œuvre, n'est-ce pas mieux que s'abîmer la vue sur un écran ? Un livre vaut beaucoup mieux qu'une tablette crois-moi. Une tablette, quand ça n'a plus de batterie, c'est inutile, un livre, lui, ne cesse jamais de servir l'intelligence et la soif de connaissance humaine, on peut s'en servir encore et encore...

C'est sur ses mots qu'il me tapa sur l'épaule en me remerciant de ne pas me laisser influencer la technologie et me dit que ma lettre de motivation lui mit du baume au cœur. Par la suite, il m'expliqua tout ce qu'il fallait savoir sur la classification des livres, sur le système d'empreints, sur la gestion des commandes etc...Et me donna des vêtements, en m'indiquant que c'était la tenue obligatoire pour tout employé de la bibliothèque municipale. Il me montra du doigt les vestiaires, on ne pouvait pas les placer de façon plus idiote, ils fallait passer devant les tables de lecture ainsi que devant les rayons, ils étaient tout au bout de la bibliothèque. Ayant fini de me donner les instructions pour la matinée, Mr. Galilée s'installa à l'accueil, attendant que je revienne des vestiaires pour prendre sa place.

La bibliothèque était vide et silencieuse, ça me faisait presque peur, soudain, au détour d'une étagère, je tombai nez-à-nez avec la fille en salopette.







In the Bookcase...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant