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Dans cette bibliothèque quasi-vide, résonna tout à coup, un cri strident et sec, exprimant ma surprise et mon effroi. Je ne m'attendais absolument à voir apparaître ce petit bout de personne, comme ça, sans crier garde. Elle était devant moi, me fixait, le regard vide. C'est alors que je me suis rendu compte que je m'étais trompé. Ce n'était pas une enfant. Elle avait beau faire la taille d'une petite collégienne, elle avait un visage fin, qui montrait bien sa maturité. Mais, ses yeux...Avaient une couleur que je pensais impossible chez l'homme : bleu-turquoise. Et j'avais l'impression qu'elle fouillait profondément en moi. Pour la première fois de mon existence, je fus effrayé par un regard. Je détourna les yeux, comme si je voulais l'empêcher de découvrir ma vie, par précaution, même si je savais pertinemment que mes impressions étaient stupides.
-P-Pardon ! Lui dis-je, gêné. Gêné de lui avoir coupé la route, mais aussi, gêné de l'avoir analysé...De l'avoir fixée avec insistance.
Encore une fois, elle ne me donna pas de réponse, et passa à côté de moi, comme si de rien n'était. Je ne comprenais pas... Était-ce si compliqué de formuler une phrase ? Je la regardai partir, interloqué par son comportement asocial. Cette petite femme, qui avait sûrement mon âge, malgré le fait qu'elle soit haute comme trois pommes, avait inévitablement attiré mon attention.
L'ayant perdu de vue, car elle avait changé de rayon, je repris mon chemin vers les vestiaires de la bibliothèque.
Mais c'est qui cette fille ? Elle me fiche la trouille... pensais-je en me déshabillant.
Une fois vêtu de l'uniforme obligatoire, qui n'était en fait qu'un slim vert et un polo de la même couleur avec le logo de la bibliothèque sur la poche placée au niveau du pectoraux gauche, je dû refaire le chemin inverse, en essayant de ne pas me perdre dans cet immense labyrinthe de recueils. Arrivé, tant bien que mal, au comptoir de l'accueil où Mr. Galilée m'avait patiemment attendu, il se leva et me dit de l'appeler en cas de besoin. Il partit dans la salle des archives.

J'étais donc, chargé de gérer l'accueil de la bibliothèque municipale. Il fallait que je sois à la hauteur des attentes de mon employeur. Il fallait que je fasse mon maximum, que je sois exemplaire, pour qu'il écrive une lettre de recommandation dédiée à mes futurs potentiels employeurs...Mais personne ne vînt à part deux ou trois personnes âgées, et en plus, elles n'avaient pas besoin de mes services. Je m'ennuyais...Même si j'étais dans mon élément, je n'osais pas me balader dans les allées et me mettre à langoureusement fantasmer sur les bouquins comme j'avais l'habitude de le faire. Je regardais alors l'horloge, placée sur le mur, pile en face du comptoir... Les secondes passaient lentement, le minutes passaient très lentement et les heures très très lentement. Je voyais de temps en temps, la fille en salopette passer dans les rayons. C'était les seuls moments où je quittais l'horloge des yeux. Je regardais ses longs cheveux onduler à chacun de ses pas, son teint intact, d'une pâleur remarquable, j'écoutais le son de ses petites baskettes, des Converse blanche, pour aller avec son t-shirt, sur le lino vert-émeraude du silencieux sanctuaire. Puis, en un coup de vent, elle était repartie.

13h00, Monsieur Galilée montra enfin le bout de son nez, et vînt m'annoncer que deux employés allaient arriver pour l'après-midi. Il me conseilla ensuite d'aller manger et de revenir pour 14h30.

Mais imbécile que je fus, je n'avais pas pris d'argent avec moi, bien évidemment, au matin, dû à l'excitation de commencer mon premier travail, j'en avais oublié de prendre un petit déjeuné et pour couronner le tout, la veille, ayant lu toute la journée et toute la nuit, ça faisait un sacré nombre de repas sautés. Et cela s'entendait. Mon ventre gargouillait, gémissait puis hurlait, ces cris étaient si puissants que je me tordais. Je me levai, et me précipita dans les vestiaires, afin d'éviter que la fille en salopette n'entende ma détresse stomacale,
car, elle avait beau être bizarre et un peu effrayante, c'était une cliente, et le silence dans une bibliothèque est primordial, c'est une règle d'or que l'on doit faire respecter aux clients mais que nous devons avant tout, nous-mêmes respecter. Mais mon ventre ne voulait pas se taire.
Dans les vestiaires, je me demandais comment j'allais tenir jusqu'à la fin de la journée et empirais mon cas en pensant à la nourriture dont j'allais m'empiffrer en rentrant. Mon ventre commençait sérieusement à me faire souffrir, mais j'avais enfin trouvé une solution après plusieurs minutes à danser de douleur. Une solution stupide, mais qui permettrait au moins un sentiment de satiété.
J'avais décidé de m'innonder l'estomac d'eau. Comme les anorexiques en on l'idée lorsqu'ils ont le ventre vide. Mais au moment où j'ouvris la porte du vestiaires afin de me diriger vers les sanitaires de la bibliothèque, la fille en salopette me tendit un petit sac plastique. Elle était là, juste devant la porte de telle sorte que je ne pouvais pas passer, comme si elle m'empêchait de refuser. Son petit bras, tendu vers moi, m'imposait ce sachet. Et elle, toujours, avec le même regard, fixe, ne laissait rien paraître.
Elle ne bougeait pas, attendant que saisisse ce qu'elle m'offrait.
J'étais confus. Je la regardais. Elle me regardait. Nous nous regardions. Silencieux.

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⏰ Dernière mise à jour : Dec 20, 2015 ⏰

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