La révolution escargot.

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Aleksandra Aleksandrova est une héritière bien née de l'ancien régime membre de la discrète petite communauté russe parisienne. Elle avait par le passé mis sa fortune au service des plaisirs que la vie pourrait lui offrir. Un jour, elle reçut la visite d'un représentant de la confrérie des chevaliers de saint Antoine, un de ces ordres ésotériques dont chacun ici aime à se moquer. Aleksandra aurait du le renvoyer mais cette récente déception amoureuse l'avait chagriné, elle s'est dit que l'aventure pourrait bien faire sa journée. C'est pourquoi elle l'invita à rester prendre une tasse de thé.

L'homme était aimable, affable et talentueux pour parler des choses énigmatiques et mystérieuses de la vie. Dans le flot de ses explications abracadabrantesques, il dit que tel les compartiments et sous-bassement d'un navire, le monde était un ensemble d'univers étanches. Qu'il était toutefois possible à certains privilégiés d'en franchir les frontières.

« Vous m'avez bien faire rire » rétorqua Aleksandra Aleksandrova, elle était maintenant debout postée de la porte de sa maison et lui indiquant le chemin de la sortie.

L'homme avait beaucoup voyagé, probablement parcouru le monde, sa peau tannée par le soleil racontait sans mot dire chacune de ses traversées en navire. Il avait vu tant de choses, que chacune d'elle avait forgé en lui une base mentale solide. Il posa sa main sur l'épaule d'Aleksandra et usant de son talent pour convaincre, il proposa un voyage dont vous trouverez le récit dans cette nouvelle. Le montant de la transaction pour le passage entre les frontières s'élevait à la moitié de sa fortune, l'autre moitié l'attendrait à son retour.

Attiré par curiosité, mais inquiète de se voir ridiculisée, elle jugea rapidement l'individu, il était bien mis et devait donc avoir des biens. Elle demande que soit ajoutée au contrat une clause permettant au cas où cette aventure serait une farce d'obtenir en dédommagement la totalité des revenus, biens et billets à ordre du représentant. L'affaire conclue, Aleksandra signa le document et ordonna à ses domestiques de boucler ses valises.

Le voyage dont il parlait avait la particularité de se faire dans le temps. C'est ainsi que native de l'époque du dernier des rois de France, Aleksandra Aleksandrova se laissa entrainée au tout début de l'an 2016.

Nombre de choses avaient changées mais elle était toujours l'héritière d'un des plus grands domaines viticole à Poitier, une propriété qu'elle mit en vente et monta à Paris. En chemin, elle notait scrupuleusement sur son nouveau note pad chacune des choses que ces deux siècles avaient modifiées.

Peu de temps après, ravie d'avoir visité ce siècle, il était temps de rentrer et raconter son voyage au roi de France. Mais qui était son contact? Comment devait procéder ? Sans réponse à ses questions, elle est restée dans ce siècle.

Durant les mois qui suivirent, elle découvrit la république et les penseurs de la renaissance dont le siècle des lumières se voulait l'héritier, elle abandonna sa loyauté envers la monarchie puis se fit une idée claire de ce nouveau monde.

Cette société était Kitch et irrationnelle mais plus curieux encore la nouvelle bourgeoise se voulait maintenant bohème, riche avec des idées de besogneux. Aleksandra n'en croyait pas ses yeux et souhaitait en savoir chaque jour d'avantage. Elle élabora donc une stratégie afin de prendre place dans la société des princes et des élites de ce royaume. Dés que cette dernière fut clairement définie, elle s'enrôla dans une entreprise, épousa son manager de 15 ans son ainé, lui donna quatre enfants et devint rapidement une executive.

En bonne républicaine, Aleksandra respectait la règle de la majorité. Elle accordait sa confiance au débat et cessait de faire appel à la notion de servitude. Elle tentait de faire progresser les idées par le dialogue et en retour, chacun de ses collaborateurs détenait une parcelle de souveraineté. Toutefois, elle ne pouvait se défaire du parfum des temps anciens et faisait parfois passer ses intérêts privés avant ceux du bien commun.

Aleksandra Aleksandrova '' La nouvelle '' alias Aleksandra Aleksandrova l'héritière aimait maintenant défendre le peuple. Ses nouvelles lunettes posées sur son nez remplaçaient les monocles et binocles d'hantant. Elle avait l'œil vif, l'arrogance facile, une démarche assurée mais sa raison était malhabile car, malgré les apparences, Il y avait toujours dans son discours cette dissonance, ce mélange de machiavélisme et de tendresse, ce passeports social propre aux aristocrates.

Ayant prit place dans la société moderne, elle dirigerait maintenant une fratrie d'ingénieurs unies dans le travail comme les doigts de la main. Sélectionnant scrupuleusement les collaborateurs qui feraient ou pas partie de son cercle de confiance. Aleksandra Aleksandrova avait crée un groupe solidaire qui lui était fidele. Elle était aimée, que dis-je, adorée par eux et se nourrissait quotidiennement de cela comme d'un met savoureux.

Tout se passait parfaitement bien jusqu'au jour où elle apprit que la direction projetait de créer un nouveau centre utilisant les pays à bas coûts. Aleksandra Aleksandrova comprit qu'elle devait se séparer de la totalité de son groupe et fut confrontée à une tâche qui semblait bien plus rude qu'elle paraissait. Elle aurait probablement flanché si la direction ne lui avait pas octroyé une prime conséquente pour chaque départ. L'avantage consenti était d'envergure. Elle avait maintenant carte blanche.

Les jours qui suivirent furent difficiles mais décidé à ne pas passer sa chance, elle fit taire sa conscience et signa ce contrat moral qui lui était proposé. Elle sauverait sa peau et abandonnerai le groupe d'hommes et de femmes qu'elle dirigeait.

Pour se faire, il commença par affaiblir puis taire cette communauté, cette curieuse assemblée de syndicalistes. C'était facile, ils n'étaient pas d'accord entre eux. Qui défendaient-ils et comment ? Personne n'y comprenait rien. Aleksandra était néanmoins impressionnée, quels formidables progrès avaient été faits. Il y avait maintenant des représentants du peuple capable de le défendre. A y regarder de plus prêt chacune de ces victoires sur l'arrogance étaient bien fragile car solvables dans l'eau comme la mie de pain. Face aux pays à bas coût, ils n'avaient aucune chance. Qui paierait deux fois le prix d'un service qui pourrait en valoir la moitié dans un pays low cost ? Il aurait fallu se battre à coup de poing, à l'ancienne mais ils ne faisaient rien, on ne leurs prenait pas leurs travail, ils le donnaient. La lutte était inégale et perdu d'avance. Aleksandra avait gagnée.

Sa mission était terminée, Aleksandra fit par la suite une brillante carrière. Quand sonna l'heure de la retraite, elle s'installa avec son époux, comblés par la vie dans une ravissante villa en bord de mer.

Ayant oublié l'ancien régime, le roi et même la révolution, elle avait maintenant d'autre soucis. En effet, autour de 23 heures, une chose bien étrange chaque nuit se produisait, une force curieuse l'attirait comme si quelqu'un l'appelait au loin. Aleksandra allait de spécialistes en spécialistes, mais excepté la psychiatrie aucun de ces symptômes n'avait de sens pour un généraliste.

Comme chacun sait ici bas, il y a si peu de secrets si bien gardé qu'un jour, au hasard d'une conversation, un ancien collègue du groupe dont les membres avaient été congédiés apprit que ses nuits étaient tourmentées. Il comprit très vite et se mit à rire, il rit tant et plus que depuis sa maison, Aleksandra Aleksandrova l'entendit.

Elle disparue le jour même sans que personne ne sache où elle avait bien pu aller.

Quelques années plus tard, les historiens furent interpellés par l'aventure d'Aleksandra Aleksandrova car elle avait fait grand bruit. Pour se convaincre du rationnel de l'événement, Ils nommèrent la chose et appelèrent le renvoi des aristocrates dans leur monde, la révolution escargot.

RM. Bruxelles, 2015







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