Visions

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                                                       C H A P I T R E   U N

 Une rose blanche issue du néant. Immaculée, sans imperfections. Puis, une à deux, les gouttes de peinture rouge commencent à perler sur la fleur. Je me rends compte qu’il s’agit de sang. Bientôt, la rose devient complètement rouge, et complètement imbibée. Je dois prendre cette fleur qui souffre. Quelqu’un la veut, mais je dois la sauver, je m’élance pour la chercher, puis j’ouvre les yeux, le front suintant de sueur.

Ce rêve, je le fais depuis un mois. Toujours le même. Vite, je prends mes fusains, et pendant que le rêve est frais, je m’imagine la scène. Je regarde la feuille et sans la voir, je laisse ma main parcourir une danse sur le papier. Je suis en transe. Cela peut m’arriver n’importe quand. C’est pourquoi je transporte toujours avec moi mes fusains et des feuilles. Parfois, cela peut-être gênant, selon le moment. Je ne peux jamais ignorer la vision, ou la concentration de pouvoir peut me faire une hausse de pression et je peux m’évanouir. Mieux vaut laisser ma main noircir le blanc. Jamais je n’ai eu autant de visions en une si courte période de temps. Je vois souvent une image. Mais jamais quelque chose de précis. Il signifie un évènement important qui se produira. Jamais heureux. Une mauvaise chose. Je n’arrive jamais à temps pour prévenir les personnes concernées ou les sauver. 

Ma première vision remonte à onze ans auparavant, alors que j’avais 5 ans. J’étais à la table, je coloriais, quand une image m’apparaît. Un autobus scolaire jaune, avec à son bord, une vingtaine d’élèves de mon âge. Roulant sur la route. Mais une voiture dans le sens inverse, au conducteur ivre, le persécute. Le chauffeur dévie de la voie, et défonce la barrière pour finir sa chute dans une rivière. Je sors de la transe, ahurie. Je jette un petit regard à mon dessin pour me rendre compte que j’ai dessiné un autobus tombant dans la rivière. Fière, je montre à ma mère mon dessin, qui représente la réalité à la perfection. Elle est abasourdie par la perfection et le talent que j’ai. Le soir, aux nouvelles, un autobus jaune, et toutes les personnes à l’intérieur ont coulé dans une rivière, ne laissant aucun survivant. Ma mère a compris qu’il ne s’agissait pas d’une coïncidence, mon beau-père est resté plus sceptique. Après avoir découvert la vérité sur mon don, ma malédiction, il a quitté ma mère, la laissant dans un profond chagrin.

Avec le temps, les visions ont perdu de leur précision. 

La dernière que j’ai eu, outre la rose, était un chat blanc qui pleurait des larmes noires qui coloraient son poil de cette couleur. Il perdait ses pattes, comme si ses larmes étaient d’acide et le brûlait, et il finissait par mourir. Dans le journal, une semaine plus tard, je vois la triste nouvelle de la signification de ma vision. Un homme roulait à vive allure, mais un chat blanc passait à ce moment. Le conducteur, en voulant le contourner, se dirige vers un mur, où est assise une jeune femme, les jambes pendantes dans le vide, et un homme debout devant elle. Un couple éperdument amoureux. La jeune femme a perdu l’utilisation de ses jambes et son amoureux pour le reste de sa vie. Donc le chat qui devenait noir, signifiait la malchance, et le chat qui traversait la route. Il perdait ses pattes comme la jeune femme a perdu ses jambes, et il est mort comme le jeune homme est mort.

Je n’ai rien pu faire. Je n’avais jamais découvert sa signification avant la nouvelle dans le journal. C’est pourquoi je trouve que ce don n’est pas une bénédiction, mais une malédiction. Car j’assiste à des visions atroces, sans pouvoir rien n’y faire. Le futur n’a jamais été modifié. Je n’ai jamais réussi à le changer. Peut-être que notre destin est décidé d’avance et que je ne peux rien y changer. Alors ce don serait complètement inutile, et déprimant.

Il est près de 3heures du matin, mais la fatigue m'a quitté. Je range délicatement mes fusains dans leur boîte, et pose mon cahier de dessins sur mes genoux. Je le feuillete les pages en caressant du bout des doigts chaque traits. J'accorde beaucoup d'importance à mes dessins. Ils ont de grandes significations, chacunes très importantes. Je dessine que pour le plaisir parfois. Je ferme mon cahier et vais dans ma salle de bain. Il m'arrive souvent de m'observer dans le miroir pour l'éventuel autoportrait que ma professeur d'art plastique nous avait annoncé la semaine dernière. Du bout des doigts, je frôle les traits fins de mon visage. Mes yeux sont d'un bleu électrique, qui vient contraster avec le noir ténébreux de mes cheveux. Je ne souris jamais et je n'ai pas vraiment d'amis. J'essaie de me faire petite, car les autres me trouvent bizarre. Ils me traitent de sorcière. Mais cela ne me dérange guère. J'y suis habituée. Ma mère et ma grand-mère sont les seules personnes que j'aime et qui m'aiment en retour. Mon père est un hypocrite qui a fuit ses responsabilitées paternel en abandonnant ma mère enceinte. Je ne l'ai jamais rencontré et je souhaite ne jamais le faire non plus. Ma grand-mère est étrange, mais je l'adore. Elle lit les passés des âmes. Et voit leur aura. 

La fatigue me gagne, je me dirige vers le lit et m'endors à poing fermé.

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⏰ Last updated: Sep 20, 2013 ⏰

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