Ce Dimanche là, je traînais les pieds dans la grand-rue encombrée quand cet abruti de René me rentra dedans, m'écrasant le nez.- Aïe ! Tu peux pas faire attention ! M'écriais-je, attirant le regard des passants.- Excuse-moi, je ne regardais pas...- Oui, j'avais saisi...andouille. Il approcha sa main de mon épaule mais je fis un mouvement de recul, qui, à son visage défait, le rendit triste.- Est-ce que tu vas bien ? Demanda-t-il, profondément inquiet. Je tâtais alors mon nez et me rendis compte que tout était parfaitement normal. Je me souvins alors de mon père qui avait toujours été présent pour me soigner...jusqu'à ce qu'il ne meure dans un terrible accident. Il me disait à chaque fois ''plus de peur que de mal mon canard en sucre.''- Dis-moi, je t'ai vraiment blessée ? Dit-il, me faisant ainsi sortir de ma torpeur.- Je crois que tout va bien.- Tant mieux. Bon...je te cherchais en réalité. Belle manière de te trouver non ? Dit-il en riant. Ses dents étaient parfaitement blanches et lorsqu'il souriait, on pouvait distinguer une fossette sur sa joue gauche. Son corps dégagea une chaleur et je ne pus m'empêcher de sourire. Ce garçon m'avait tout de suite attiré et il était le seul à pouvoir me faire sourire de cette manière. Il était gentil, marrant et intelligent bien qu'il soit un parfait abruti de temps à autre ; quand il manquait de tact.- Ton oncle m'a envoyé te chercher. Il m'a dit que tu devais te dépêcher de rentrer pour faire ta valise.- Oh...c'est vrai, je vais rentrer alors. Merci. Lançais-je en commençant à partir.- Attends ! Tu vas pas partir comme ça ! J'avançais tout de même. Je ne voulais pas qu'il me retienne car je savais très bien ce qu'il allait me dire et je ne voulais pas l'entendre.- Camille ! Je continuais ma marche sans trop me presser. Je voulais m'en aller en courant pour ne pas avoir à affronter ces deux yeux bruns brillants que j'avais vu tellement de fois tournés vers moi.Cependant, le seul endroit où je pourrais me réfugier c'est chez mon oncle ; et je ne souhaitais pas faire ma valise puisque je me rapprocherai davantage de mon heure de départ. Tout ce que j'avais l'habitude de voir, d'entendre et de sentir dans cette grand rue, se dissolverait dans les airs. Les odeurs qui se confondaient me permettaient quand même de distinguer celle du jambon fumé de celle des fleurs ou encore de celle des fruits. Les couleurs vives que j'aimais voir, qui se mélangeaient habituellement, se volatiliseraient dès ce soir après que mon imaginaire ne crée de magnifiques camaïeux.- Camille, attends ! Pourquoi tu ne m'as rien dit ?- Quoi donc ? Soufflais-je.- Tu comptais me le dire quand ?- Écoute...je ne savais pas comment t'en parler...- Tu pars en vacances et tu ne sais pas comment m'en parler ? S'exclama-t-il. Le froid et le vide s'étaient installés dans ma tête et avaient laissés place à l'hésitation. Devais-je être triste parce qu'il ne connaissait pas la vérité ou heureuse qu'il ne la sache pas ? Mes muscles auparavant tendus se relâchèrent alors contre mon gré.- Je suis désolée...je pensais que tu allais être déçu de ne pas pouvoir venir avec moi pour cette fois.- Mais évidemment ! Ça fait trois ans qu'on part en vacances ensemble. Mais, je vais m'en remettre. Ça sera encore mieux quand tu seras revenue. La tristesse m'envahit car je l'aimais et je savais très bien qu'en partant, je ne le reverrai pas avant un bon moment.- Tu reviens quand ?- Je ne sais pas vraiment, sûrement dans un mois.- Ça va être long...- Je le sais René, mais c'est comme ça. Je m'approchais de lui et lui déposais un léger baiser sur la joue avant de continuer ma route afin d'aller chez mon oncle. Je regardais chaque maison et chaque coin de rue avec intensité pour tout ancrer dans ma mémoire. J'étais en train de terminer de faire ma valise quand ce que je redoutais le plus arriva. Un camion se stationna devant la maison. Un grand homme musclé en descendit. Il entra et, de ma chambre vide, je l'entendis parler avec mon oncle. Quelques minutes plus tard, le camion était plein et mon oncle et moi étions dedans. Je regardais la maison dans laquelle j'avais vécue un bon moment et pensais que j'allais vivre ailleurs. En réalité, je savais très bien que je ne reverrai plus René.
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