Les quatre saisons de l'amour

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Voici une première petite nouvelle, en espérant qu'elle vous plaira.


C'était une après-midi pluvieux de mars, au début du printemps. Une rue quasi-déserte et trempée, de rares passants qui accéléraient le pas sur les pavés mouillés. Et au bout, un café.

Le célèbre café de Boulogne-sur-Mer, que tout le monde connaissait, avec sa façade rouge flamboyante et ses fenêtres légèrement floutées. Un groupe de jeunes femmes ouvrirent la porte sur laquelle était inscrite le nom "Le Kawa". Elle passait devant le petit frigidaire contenant diverses boissons gazeuses et jus de fruits, dont la célèbre marque Arizonna. Elles riaient à gorge déployée, s'avançant vers le bar. Elles observèrent les tableaux de craies sur lesquels sont indiqués les boissons et leur prix, éclairé par les douces lumières du lieu.

"Jérôme, hurla la patronne, va t'occuper des mamzelles! Magne-toi un peu le cul, je te paye pas à rien foutre..."

Le serveur s'approcha, poussant un long soupir, dans sa tenue noire recouverte d'un tablier. L'air renfrogné, il attendait la commande des clientes. Cela faisait bientôt un an qu'il bossait ici...

"Chloé, qu'est ce que tu penses de ça?"

La nominée énuméra alors les boissons désirés. Avec ses airs de fausse bourgeoise, sa tenue intégrale Zara, le sac assorti, le manteau de fourrure, son visage ne trompait personne. Des traits anguleux, de gros yeux verts et ternes et des cheveux châtains à la salubrité douteuse. Ce n'était, tout comme Jérôme, pas un canon de beauté. Mais quelque chose passa tout de suite entre les deux personnes, une électricité à peine perceptible. C'est ainsi, que lors de la première saison, Jérôme et Chloé se rencontrèrent. L'amour éclusait.

Elle revint souvent, commandant toujours la même chose, s'installant dans le même fauteuil, jouant aux même jeux.

L'été vint à son tour, et elle vint seule, en tenue légère laissant apparaître ses jambes moins fines qu'elle ne l'aurait espéré. Jérôme, lui aussi seul, l'aborda. Il eut d'abord son âge, identique au sien, la vingtaine. Il la complimenta et eut son numéro. Plus fréquemment elle poussait la porte, faisant clignoter la sonnette, un grand sourire étirant son visage replet. Les rendez-vous commencèrent, sur la plage ou le long de la Liane ensoleillées, près de Nausicaa. Ils mangeaient des glaces, flânaient dans les parcs, sortaient en boîte. Chloé ne partait jamais très tard, elle n'aimait pas la "teuf". Son téléphone sonnait souvent, elle ne répondait jamais, ou du moins pas en sa présence.

En automne, au cours d'une de leurs soirées bien arrosées, ils s'embrassèrent. Jérôme l'amena dans son petit appartement sur la place Dalton et ils conclurent. Il lui fit l'amour comme il ne l'avait jamais fait à personne. Le lendemain paniquée,elle se rhabilla en vitesse et lui annonça qu'elle avait quelqu'un et que leur relation ne pouvait plus durer. Il n'y eut plus de contact entre durant deux mois. Les feuilles commencèrent à jaunir, puis a tomber et la vie de Jérôme redevint plate et morne. Sans histoire, sans vague. Juste le cri des mouettes et des habitués du Kawa.

Mais il y avait entre lui et Chloé quelque chose d'instinctif, de primaire, de bestial. Quelque chose au-dessus de l'amour et d'indéfinissable. Elle lui renvoya un message. Il se rencontrèrent alors plusieurs fois à l'hôtel miteux du coin, savourant ses délicieux plaisirs charnels que leur offrait la vie, sans parfois penser à se protéger. Ils sortirent en ville, à bord de la 306 de la belle, usée mais pratique. Elle habitait la Vieille Ville, derrière les remparts.

Les températures dégringolèrent, ce fut le temps des face à face sous la clarté des décorations des fêtes. La vérité, celle qui ne pouvait continuer à ignorer plus longtemps, éclata au grand jour. Chloé en avait marre de feindre, elle savait pertinemment que ce n'était pas envisageable de se voir ainsi. Ils rompirent au Kawa, en buvant cette boisson, sur ce fauteuil. Elle le laissa là, le soir de Noël, vide et désespéré. Jérôme se saoula jusqu'à ne plus pouvoir, tentant de la chasser de son esprit blessé, son téléphone sonna, il ne décrocha pas. La patronne lui dit que c'était Chloé. Mais Chloé n'était plus qu'un mirage lointain, enfoui sous les effluves de l'alcool.

Il reprit la route, sous les regards médusés des clients. Il réussit à contrôler son volant jusqu'aux remparts. D'autres phares croisèrent les siens. Une 306 le percuta et ce fut la fin. Dans la 306, à travers le pare-brise brisé on pouvait apercevoir Chloé, en sang, qui venait lui annoncer qu'elle était enceinte.

Ainsi se déroulèrent les quatre saisons de l'amour.

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⏰ Dernière mise à jour : Jan 09, 2016 ⏰

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