La vérité

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(Ellipse de deux mois)

Lui

Assis près de ma fenêtre, je songeais. Je risquais gros depuis la seconde où j'avais pris Dolores sous mon aile, et retardé l'enquête par la même occasion. Je ne pouvais, hélas, mentir de nouveau car ils se douteraient de quelque chose, mais je ne pouvais pas non plus dénoncer Dolores. Malgré le fait qu'elle soit une créature capable de vous tuer rien qu'en versant une larme, elle possédait un très grand cœur. Cela se voyait à la tendresse qu'elle avait pour son neveu. Je décidais d'aller la voir. Quand je fus non loin du château, je la vis dehors, avec Santiago, en train de cueillir des fleurs.

- William ! cria Santiago en me sautant dans les bras, me renversant par la même occasion.

- Santiago, laisse-le respirer, rit Dolores en s'approchant.

Je la regardais. Aujourd'hui, elle portait un dos-nu noir, un short noir, et ses habituelles bottes montant à mi-cuisses, laissant une zone de peau nue entre son short et ses bottes. Ses cheveux étaient noués en une tresse reposant sur son épaule gauche.

- Bonjour, Dolores, lui dis-je. Tout va bien ?

- Bof, répondit Dolores. Je comptais rendre visite à mes parents et ma sœur...

- Tu veux que je vous accompagne ? lui proposais-je.

- Si tu veux... murmura Dolores.

Elle prit son bouquet, et se dirigea derrière le château. Là, se dressait une sorte de caveau dont elle s'approcha. Elle ouvrit la porte, et un cercueil en pierre, de taille plus large que la norme, leur fit face. Santiago se serra contre moi, effrayé, et Dolores s'approcha sans rien dire. Elle me fit signe de la rejoindre, et fit glisser le couvercle du cercueil. J'obéis, et suivis son regard vers l'intérieur : un couple et une jeune femme y étaient allongés. Malgré la poussière présente, je pouvais distinguer leurs visages et leurs vêtements. Dolores les épousseta, et plaça ses fleurs dans les mains de sa mère et de sa sœur.

- Leonora était encore en vie quand le dernier traqueur a pris la fuite, me dit-elle en caressant la joue de sa sœur. J'ai essayé de la soigner grâce à mes larmes mais sa blessure était trop profonde...

Elle s'interrompit et des larmes roses coulèrent sur ses joues. Je lui pris la main, et la lui serra.

- Tu n'as pas à te sentir coupable de ne pas avoir pu la sauver, lui dis-je. Les traqueurs sont les seuls responsables de sa mort.

- Mais ils ne nous auraient pas pris en chasse si je n'avais pas versé cette maudite larme ! insista Dolores. De toute manière, malgré l'aide que je leur apportais, ils se méfiaient quand même de moi... Cette larme n'a fait que leur donner raison.

Je l'entourais de mes bras par derrière et posais ma tête contre son épaule. Je la sentis se raidir un instant, puis se détendit et posa sa main sur mes bras croisés.

- Venez, je vais vous emmener à la mer, lui dis-je.

- Est-ce prudent ? me demanda Dolores...

- Fais-moi confiance !

Je regrettai aussitôt mes paroles. Après tout, je jouais à un double jeu et la mettais en danger.

******

Elle

Nous étions arrivés. La plage était déserte à mon grand soulagement. Santiago me lâcha la main, et se mit à courir partout. Mon cœur se gonfla de tendresse : cela faisait tellement longtemps que je ne l'avais pas vu ainsi.

- Ça fait plaisir de le voir aussi heureux, dit William en écho à mes pensées.

- Je n'arrive pas à me souvenir de la dernière fois où je l'ai vu comme ça, lui avouais-je. Comment ai-je pu le garder enfermé ?

- Tu voulais juste le protéger.

Je lui souris, et nous continuâmes à marcher en surveillant Santiago du coin de l'œil. La main de William effleura la mienne, me faisant frissonner au passage. Ce geste se reproduisit jusqu'à ce qu'elles se joignent. Il me regarda, l'air gêné, et je posais ma tête sur son épaule. Quand il nous raccompagna, l'après-midi commençait à peine. Je laissais Santiago rentrer, et me tourna vers William.

- Merci pour tout, lui dis-je.

- Si je fais tout ça, c'est avant tout pour toi, me répondit-il.

Nous nous regardâmes dans les yeux, et il posa sa main sur ma joue pour ensuite appuyer son front contre le mien. Je fermais les yeux, et soupirais d'aise. Soudain, un bruit, perçu par mon ouïe de vampire, me fit reculer. Des hommes en uniforme s'avançaient vers nous. Des gendarmes !

- Bon travail, William, dit l'un d'eux.

******

Extérieur

Dolores se figea. Qu'est-ce que cet homme voulait à William ? Pourquoi était-il si familier avec lui ? Elle se mit face au jeune homme qui baissa la tête.

- William, qu'est-ce que cela veut dire ? lui demanda-t-elle.

- Comment ? Il ne t'a rien dit, ma jolie ? s'étonna faussement l'homme semblant être le capitaine.

- William... j'ai peur de comprendre... dit Dolores. Tu travailles pour eux, c'est ça ?

Pour toute réponse, William releva la tête, et la regarda d'un air désolé. Aussitôt, Dolores sentit la rage l'envahir. Ses yeux vert turquoise virèrent au rouge sang, des larmes, sans doute meurtrières, s'en écoulèrent, la rendant effrayante, et ses lèvres se retroussèrent sur ses dents. Voyant qu'elle s'apprêtait à bondir, le capitaine saisit un fusil, et tira. Un filet en métal en jaillit et emprisonna la vampire qui se débattit, telle une bête sauvage, en jurant en espagnol.

- Vous pensiez vraiment qu'on y avait vu que du feu ? dit le capitaine à William pendant que les agents embarquaient Dolores.

- Comment est-ce possible ? renchérit celui-ci.

- Je vous ai fait suivre, et j'ai tout découvert, répondit le capitaine.

- Je ne vous laisserai pas la tuer !

- Pourquoi donc ? Parce que vous aimez cette sangsue ? Pathétique !

Larmes de sangOù les histoires vivent. Découvrez maintenant