Nostalgie

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Mon quartier..

Il avait beau être un simple quartier résidentiel fait de grands immeubles gris et ternes collés les uns aux autres, je l'aimais beaucoup, parce que j'y ai passé toute mon enfance.

On allait jouer dans le parc juste en bas de chez moi avec mes amis. On était très jeunes à l'époque : On jouait parfois au ballon, et parfois à la guerre. On se croyait à Stalingrad ou à Koursk, repoussant les armées nazies et sauvant la mère patrie du démon fasciste.

Tout les autres enfants se faisaient passer pour des soldats ou des tireurs d'élite, mais j'ai toujours préféré être l'officier, donnant les directives et punissant les traîtres et déserteurs. J'ai d'ailleurs remarqué que certaines personnes s'habituent dès l'enfance à être des lâches. Et on se demande comment on en est arrivés à Gorbatchev, ce chien..

Je me rappelle aussi de ma famille, de mon père l'ouvrier, toujours sévère et très à cheval sur ma réussite scolaire : Le niveau était très élevé dans le pays, et il voulait toujours que je sois le meilleur pour que je devienne un membre haut-placé du parti et que je n'ai pas, comme lui, à fabriquer des munitions de Kalachnikov ; Bien que nous ayons ici des conditions de travail excellente, des congés payés, une retraite anticipée et de bons salaires, il valait toujours mieux avoir un travail intellectuellement épanouissant.

Quand à ma mère.. C'était une bonne mère de famille, qui savait éduquer ses enfants, mais aussi une femme forte et autonome, comme on l'attend de toute femme soviétique. Elle me protégeait et m'aidait dès que j'en avais besoin. Elle prenait même parfois ma défense face à mon père lorsque j'obtenais des résultats médiocres, car oui, ici, les femmes peuvent tenir tête aux hommes.

Je me souviens de mon école : Quand j'apprenais le russe, les mathématiques, les sciences ou l'histoire. On chantait chaque matin un chant en l'honneur de Lénine et Marx et un portrait d'eux était accroché au dessus du tableau. On nous apprenait que Staline était un traître, un fou, un psychopathe paranoïaque.

La propagande ennemie se répandait et continue de se répandre à l'intérieur de notre propre nation, nation qui a honte de son glorieux passé. Je hais le révisionnisme..

Ma vie aurait pu être excellente si elle avait continué ainsi, mais en 1984, au lycée, quelque chose de très spécial m'est arrivé.

J'ai rencontré cette fille.. Natasha. Elle n'avait rien de très spécial, enfin, elle n'avait objectivement rien de spécial.

Je lui trouvais quelque chose de plus. Et ce quelque chose est devenu tellement important pour moi, qu'un froid jour d'hiver, après un terrible cours de matérialisme dialectique, je l'ai embrassé. On avait commencé à vivre une vie heureuse à deux, alliant études et temps pour nous. J'étais dans un constant état d'euphorie à l'époque.

Jusqu'à ce jour d'Avril 85...

Alors que j'allais acheter du sucre et du beurre pour préparer des piroshkis, j'ai vu un homme et une femme s'embrasser. L'homme était très étrange. On aurait dit une de ces caricatures d'américain que l'on voit dans nos films, avec ses habits couleur arc-en-ciel. Il ne venait pas de chez nous celui-là, c'était sûr.

Bon, en soit, je n'avais pas de problème envers les étrangers, et je n'en ai d'ailleurs toujours pas. Le problème n'était pas ce visiteur occidental, mais bien la fille qu'il embrassait. Elle me disait quelque chose. De dos, je ne pouvais voir que sa chevelure blonde et le côté de son crâne. Elle m'intriguait. J'étais sûr de la connaître. J'ai donc commencé à me cacher pour mieux les observer.

J'ai attendu 15 minutes assis sur un banc à faire semblant de feuilleter la Pravda et en jetant de furtifs coups d'œil vers les deux amants. J'ai commencé à prendre peur. La fille avait des joues qui ressemblaient étrangement à celles de Natasha, ces belles joues blanches qui rougissent en hiver..

C'est elle. Ma conjointe est en train de me tromper avec un touriste américain qu'elle venait sûrement à peine de rencontrer.

« Souka ! »

Je commence à courir vers eux à une vitesse que seuls avaient les soldats de l'Armée Rouge se lançant par millions contre les fascistes allemands, avec plus que leur vitesse, également la haine et le désir de tuer de ces soldats dont les compagnes et les filles avaient été violées avant d'être tuées.

L'américain ne m'avait toujours pas remarqué : Il était bien trop occupé à salir de sa salive d'ignoble porc capitaliste les lèvres de celle que je croyais fidèle. Je lui met un coup de poing dans la tempe avec toute la violence de celui qui ne trouve de sens à sa vie que dans sa vengeance. Il tombe au sol : Je le passe à tabac, le roue de coups, histoire qu'il ne puisse plus jamais retourner dans son horrible pays d'origine, ou mieux encore, qu'il ne se relève jamais.

Natasha, ayant observé quelques secondes de vide cérébral, se mit à crier en ma direction :

« Sacha, arrête, il ne mérite pas cela ! C'est entièrement de ma faute ! »

J'interromps la mise à mort de l'immonde créature au sol qui ne ressemblait plus à rien, et me tourne vers Natasha : 

« Je t'ai aimé. Je te faisais confiance, mais je n'aurai pas dû. Tu t'es foutu de moi. C'est de ta faute ? Très bien, tu veux savoir quelque chose ? »

« Euuuuh.. Oui, mais laisses-le tranquille ! »

« La galanterie est une construction bourgeoise visant à conserver la supériorité de l'homme sur la femme en la faisant passer pour une fragile créature qu'il faut protéger. Mais en Union Soviétique, l'homme et la femme sont égaux en tout ! ! »

J'accompagnais cette phrase d'une gifle pleine de haine et d'amour à la fois. Elle est au sol tout comme son compagnon bourgeois.

Je soulève leurs corps inconscients pour les mettre dans une ruelle sombre, à l'abri des regards. Je les recouvre de détritus, et en profite pour vider ma vessie sur ce qui leur restait de dignité.


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J'ai finalement terminé le premier chapitre ! :D Ce n'est qu'un début qui ne sert qu'à poser les bases de l'histoire, mais j'espère que vous l'aurez apprécié et que vous en voudrez plus.

Si vous avez des critiques ou des conseils CONSTRUCTIFS, écrivez-les dans les commentaires, j'en prendrai compte. Par contre, si ils ne sont pas constructifs, c'est direct l'aller simple en Sibérie. Faudra revenir à pied. :33







Uchronie - Une humanité à l'est ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant