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  La messe s'est passée comme une messe, lentement. L'église était pleine, mais peu en avait quelque chose à faire qu'Angel soit morte.

Léa était à côté de moi et Franck à côté de Léa. Elle me tenait la main. Je l'ai souvent entendu pleurer pendant la cérémonie. Je ne savais pas quoi faire. C'est bête, mais je ne crois pas que je peux l'aider, je pense qu'elle a un deuil à faire et que j'en ai un aussi. Car si Léa a perdu sa mère, j'ai perdu une amie. Franck n'a pas versé une larme.

Franck est venu manger chez nous, sa tristesse se voit dans chacun de ses gestes, dans chaque pas qu'il fait, j'arrive à discerner le manque qu'à creuser sa femme. Je suis plus triste pour lui que pour Léa. J'ai un problème avec elle, j'ai beau avoir de la peine, je n'arrive plus à l'aimer, j'arrive plus à l'embrasser. D'ailleurs, à l'église, lorsqu'elle m'a pris la main, je me suis surpris à penser que c'était celle de Romy, sauf qu'un chant religieux m'a sorti de mes pensées, j'y serais bien rester.

Vers quatorze heures, Franck m'a pris à part dans le salon, pendant que Léa faisait la vaisselle. « Écoute Luc, j'ai bien remarqué qu'avec Léa ça ne va pas. »

J'ai été secoué, je m'attendais à un discours d'homme en deuil, mais au lieu de ça, il m'a expliqué qu'avec Angel, eux aussi, on eut des problèmes plus jeunes, ils ne s'en sont jamais réellement remis, il y a toujours eu des tentions. Il m'a dit comprendre, qu'il aurait préféré divorcer, mais qu'Angel n'avait jamais voulu, à cause de Léa. Il a fini par quelque chose qui ressemblait vaguement à un « je ne t'en voudrais pas si tu l'as lâches, même en ces temps. » J'ai trouvé gentil de sa part de me le dire. Mais je n'avais pas encore décidé si j'allais rester ou pas.

Peu après notre entrevue, il s'est levé saluer sa fille, m'a serré la main et est parti. Après avoir fermé la porte, je suis allé voir sa voiture s'éloigner par la fenêtre, je le faisais à chaque fois que quelqu'un part de chez-moi. Sauf que cette fois, le moteur n'était pas allumé. J'ai vu Franck, la tête sur le volant, il sanglotait, non, il pleurait. C'est à ce moment que j'ai décidé que je ne partirais pas, pas tant que Franck va si mal.

Léa ne m'a pas vraiment adressé la parole, ni durant la fin de journée, ni durant la semaine passée. Le samedi, je lui ai annoncé que je devais partir pendant une semaine pour un voyage de travail, je n'avais pas envie de lui mentir, mais je n'avais pas plus envie de la voir pleurer pendant deux semaines. Elle n'a pas mal réagi, en fait, elle n'a pas réagi du tout. Elle a continué à me fixer, m'a lancé un "ok" et est partie continuer ses occupations. Je crois qu'elle s'en fiche et qu'elle n'a pas non plus envie que je sois là.

Le lundi matin, j'ai préparé un sac avec des vêtements, mais outils photos, mon ordinateur et ma trousse de toilette. Je suis descendue et j'ai trouvé Léa devant une tasse de café. Je lui ai dit que j'y allais, qu'il fallait que je me mette en route tôt. Je ne lui ai pas précisé où j'allais. Je m'attendais à ce qu'elle me le demande, mais elle ne l'a pas fait, elle ne m'a rien dit, j'ai fermé la porte et je me suis mis en route. Je sais exactement vers quelle destination je vais.  



Le noir n'est pas triste, il est poétique.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant