Chapitre 1- suite 8

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   J'ai hurlé et me suis débattue tout le trajet de retour vers la maison. Je t'ai mordu encore plusieurs fois, je t'ai craché dessus. En pure perte.
-Tu mourrais dehors, tu as rugi. Tu ne piges donc pas?
Je t'ai donné des coups de pied dans les tibias, dans les testicules, partout où je pouvais, rien n'y a fait.
Ça n'a eu pour seul effet que de te faire accélérer. Tu étais fort, pour un type mince, tu étais drôlement fort. Tu m'as traînée par terre jusqu'à la maison. Je pesais de tout mon poids pour te freiner, je me rebiffais, je poussais des cris de bête sauvage. Tu m'as fait traverser la cuisine, puis tu m'as jetée dans la salle de bains sinistre. J'ai rugi et tambouriné contre la porte, j'ai même essayé de la démolir à coups de pied.
Inutile, tu l'avais verrouillée de l'extérieur.
Ne trouvant pas de fenêtre à briser, j'ai ouvert la porte du fond. Comme je l'avais deviné, c'étaient des toilettes. J'ai descendu les deux marches jusqu'à la cuvette. Il n'y avait pas de plancher, rien que de la terre sur laquelle je me suis à nouveau brûlé les pieds. Pas de fenêtre non plus, les murs étaient épais, en planches couvertes d'échardes, séparées par de minces interstices. J'ai poussé dessus mais elles étaient robustes. J'ai soulevé le couvercle de la cuvette. À l'intérieur s'enfonçait un puits sombre qui puait la merde.
Je suis retournée dans la salle de bains fouiller dans le placard au-dessus du lavabo et j'en ai lancé tout le contenu contre la porte. Une bouteille d'antiseptique s'est écrasée sur le bois en projetant des éclats de verre un peu partout son odeur
puissante a rempli la pièce. Tu faisais les cent pas devant la porte.
- Arrête, Gemma, tu m'as prévenue. Il ne va plus rien rester.
J'ai appelé à l'aide à en avoir la gorge qui brûlait, même si ça ne servait à rien.
Au bout d'un certain temps, je n'ai plus proféré que des sons, dans le but de t'effacer de ma vie. J'ai tapé des bras contre la porte, me faisant des bleus jusqu'aux coudes m'arrachant des lambeaux de peau aux poignets. J'étais désespérée. À tout moment, tu pouvais entrer dans la pièce avec un couteau, une arme à feu, voire pire. En cherchant de quoi me défendre, j'ai trouvé un bout de verre qui venait de la bouteille d'antiseptique.
Tu t'es appuyé contre la porte, qui a tressauté.
- Calme-toi, tu as dit d'une voix tremblante. Ça ne sert à rien.
Tu t'es assis dans le couloir en face de la salle de bains. Je le sais parce que j'ai vu tes chaussures par la fente sous la porte. Je me suis calée dos au mur, submergée par l'odeur d'antiseptique et de pisse acide qui montait de mon jean. Quelques instants plus tard, j'ai entendu un petit clong lorsque tu as retiré la clef de la serrure.
- Laissez-moi tranquille! ai-je hurlé.
- Je ne peux pas.
- S'il vous plaît.
- Non.
- Qu'est-ce que vous voulez?
Je pleurais, recroquevillée en boule, en tamponnant mes pieds ensanglantés, les égratignures et tout ce que je m'étais fait en courant.
Tu as abattu la main ou la tête contre la porte et j'ai entendu l'âpreté dans ta voix.
- Je ne vais pas te tuer, tu as dit . Je ne le ferai pas, OK?
Mais ma gorge est devenue encore plus sèche. Je ne te croyais pas.
Tu es resté sans rien dire un long moment et j'ai pensé que tu étais peut-être parti.
Je préférais encore ta voix au silence. J'ai serré si fort le morceau de verre dans ma main que je me suis entaillé la paume. Je l'ai levé à la lumière qui filtrait par une fente dans le mur et j'y ai vu de minuscules arcs-en-ciel. Je l'ai tourné de sorte qu'ils passent sur ma main. Puis j'ai appuyé le bout de verre sur le bout de mon doigt et une petite goutte de sang a perlé.
Après quoi, je l'ai brandi au-dessus de mon poignet en me demandant si j'étais capable de passer à l'acte. Et, finalement, je l'ai abaissé, je me suis ouvert la peau d'un trait horizontal. Le sang a coulé. Je n'ai pas eu mal, j'avais les bras insensibilisés à force d'avoir tapé contre la porte. Il ne s'agissait pas non plus de flots de sang. Mais j'ai sursauté en voyant deux gouttes tomber par terre, j'avais du mal à croire à ce que j'avais fait. Plus tard, tu m'as expliqué que c'était à cause des drogues que j'étais passée à l'acte, mais je n'en suis pas certaine. Sur le moment, j'étais déterminée. Je préférais encore me tuer plutôt qu'attendre d'être tuée. J'ai changé de main et tendu l'autre poignet.
Mais tu es entré comme un bolide. La porte s'est ouverte à la volée et, presque en même temps, tu m'as retiré le morceau de verre des mains et tu m'as soulevée dans tes bras comme un paquet, m'enveloppant de ta force. Je me suis débattue en te donnant des coups de poing dans les yeux, mais tu m'as traînée dans la douche.
Tu as ouvert le robinet, l'eau était maronnasse et coulait par à-coups, faisant gronder la tuyauterie. Des trucs noirs flottaient dedans. J'ai reculé dans un coin. Le sang qui coulait de mon poignet se mélangeait à l'eau en tourbillons sans fin. Et pourtant, j'ai apprécié l'irruption de l'eau, elle nous séparait, presque une alliée.
Tu as pris une serviette dans une caisse près de la porte et tu l'as passée sous l'eau jusqu'à ce qu'elle soit imbibée.
Puis tu as fermé le robinet et tu t'es approché de moi. Je me suis recroquevillée contre le mur au carrelage fendillé et je t'ai hurlé de me laisser tranquille. Mais tu t'es approché malgré tout. Tu t'es agenouillé sur le sol mouillé et tu as pressé la serviette sur la coupure. J'ai fait un brusque écart et je me suis cogné la tête à quelque chose.
Et après, plus rien.

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Voila!😀 Merci pour les commentaires , sa fait plaisir! Hésitez pas a en parler autour de vous , cette histoire est super ! À bientot 😘

Lettre à mon ravisseurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant