Izaya's Christmas

Dehors, les flocons tombaient en virvoltant, semblant mener une danse infinie dans le ciel grisâtre. Izaya regardait le paysage figé depuis sa baie vitrée. Les gens se pressaient dans les rues, grouillants comme des insectes, éclairés par un festival de couleur provenant des illuminations chatoyantes placées dans tous les coins. L'agitation et l'excitation étaient palpables et rendaient l'atmosphère électrique. Le brouhaha de la foule s'élevait dans la nuit, de même que les chants de Noël, accompagnés par les klaxons bruyant des voitures.

Pourtant les bruits de la ville en ce soir de Noël lui semblaient si lointains... Il soupira. Il était plongé dans le noir et observait ses humains vivre depuis une bonne heure déjà. Il était lassé des sourires joyeux des enfants, des gens qui se tenaient amoureusement par la main, des commerçants qui se frottaient les paumes en vue des bénéfices. Lassé de ces lumières qui lui brûlaient les yeux, lassé de ces sapins décorés de boules et de guirlandes scintillantes, lassé de ces réjouissances futiles. Il se détourna de la fenêtre et laissa ses yeux se promener sur l'intérieur de son appartement. Immaculé, froid et vide. Chaque chose était minutieusement rangée à sa place, et rien ne venait briser cette parfaite harmonie. Pas de décoration. Pas de table dressée. Pas de personnes bruyantes et indisciplinées pour bouleverser la quiétude des lieux. Rien que le silence et sa seule présence. Il soupira, encore une fois. Il se sentait si seul... Namie était partie chez son frère et Shinra, chez lequel il se rendait habituellement en cette période, était partis en voyage avec Celty. Apparement, il rêvait d'un Noël sous les cocotiers, c'était sa nouvelle lubie. Et personne d'autre ne voulait inviter un trouble-fête comme lui à Noël. Pourtant, il avait envoyé à chacune de ses connaissances (à l'exception de Shizuo) le cadeau qui leur correspondait parfaitement, vu qu'il connaissait sur le bout des doigts leurs goûts et leurs envies cachées... Il ricana. Bien sûr que personne ne souhaitait sa présence. Et pas seulement lors des fêtes, mais en général. A commencer par ses parents. Il n'était pas un enfant désiré. Et ils lui en avaient fait payer le prix. Sans cesse critiqué, rejeté, battu. Mais grâce à cela il avait appris à s'endurcir et à endurer les coups, puis à les esquiver et même à s'en défendre.

Il ferma les yeux.

Il se souvenait de la première fois où il avait tenu un couteau dans ses mains. Le métal brillant l'avait fasciné.

Il se souvenait de la première fois où il avait tranché la chair de son père lorsque celui-ci avait tenté d'abuser de lui.

Il se souvenait des cris de douleur qui avaient alerté sa mère.

Il se souvenait de l'adrénaline qu'il avait ressentie et du sang qui se répandait lentement sur le sol.

Il se souvenait de ses ricanements hystériques qui avaient résonné contre les murs de la cuisine, et de sa fugue en cette même nuit sanglante, par peur des cruelles représailles.

Il n'avait que douze ans. Il était devenu un monstre. Du moins c'est ce qu'il pensait.

L'affaire ne s'était pas ébruitée, évidemment. Ses parents avaient une excellente réputation, et ils étaient immensément respectés.

Il était rentré chez lui un mois plus tard.

Sa mère et son père ne lui avaient jamais plus adressé la parole. Et d'un jour à l'autre ils étaient partis, le laissant seuls avec la garde de ses deux jeunes soeurs. Ces dernières lui reprochaient vivement l'absence de leurs parents et entretenaient des rapports houleux avec lui.

Dès lors, il s'était intéressé aux humains et à leurs manières d'aborder les problèmes. Ils étaient si intéressants, si amusants ! Chacun réagissait différemment, car ils avaient chacun leur propre conception du monde et leur façon de survire et de se battre contre leur destin sournois. Certains gagnaient, certains perdaient. C'était un jeu. Un jeu dont la défaite peut coûter jusqu'au dernier souffle. Et c'était terriblement exaltant de voir ces petits pions avancer sur l'échiquier de la vie ! Collecter des informations, toujours plus d'informations sur ces précieux humains, voilà ce qu'était devenue son quotidien. Des classeurs entiers remplis de secrets enfouis, de colportage, d'observations, de rumeurs. Assez pour détruire des vies entières. Cependant, il ne pensait pas encore à mal, c'était un simple passe-temps.