"With you, I'm alive, like all the missing pieces of my heart, they finally collide."
Le surlendemain, alors que tu joues, passionnée, avec un rubik's cube, Amy est revenue. Elle affiche toujours le même sourire rayonnant. Comme à chaque fois, tu es intriguée et prudente au début, mais tu finis par être apaisée par les ondes positives que dégagent l'adolescente. Elle te propose une balade dans la cour, lieu de votre rencontre. Tu n'y es pas allée depuis ce jour-là et tu appréhendes à l'idée de rencontrer d'autres enfants. La présence d'Amy à tes côtés est rassurante, mais tu n'oses pas encore l'approcher à moins d'un mètre. Tu finis par accepter de marcher avec elle dans la petite cour de l'hôpital.
C'est un jour de printemps. Le lierre court sur les murs, quelques bourgeons apparaissent ici et là. Tu touches le bandage de ta tête, la blessure que tu t'étais faite il y a quelques jours ici. Tu suis discrètement Amy, qui te devance toujours. Elle noue l'écharpe autour de son cou, et se retourne vers toi, et finit par remarquer que tu n'as rien pour te protéger. Elle défait alors son écharpe et la tend vers toi.
"Tu as froid ?" demande-t-elle, de la buée s'échappant à chaque fois qu'elle parle.
Tu la regardes quelques secondes, intriguée par ce geste altruiste, puis prend le tissu dans tes mains. Tu lèves la tête vers Amy et esquisse un sourire. Tu ouvres la bouche dans l'espoir de la remercier, mais n'arrive pas à en sortir un son. Déçue par toi-même, tu recommences à marcher. Quand arriveras-tu enfin à parler, à exprimer ta gratitude à Amy ? Cette dernière semble comprendre ta situation et reprend :
"Ne t'inquiètes pas, on met tous quelques temps à s'adapter. Je suis sûre que tu y arriveras."
La compagnie d'Amy n'est pas si désagréable... Tu préfères être seule bien qu'elle te fait oublier tes questions sur l'espèce humaine. Tu sens qu'elle est différente des autres. Elle te fait croire en toi. Puis, des souvenirs te reviennent. Des flashs. Tu te souviens du moment où tu étais assise sur un banc, avec des sandwich, en compagnie de celui qui t'as brisée. Tu entends toujours vos rires qui résonnent dans le parc. Tu vous vois, main dans la main, dans les couloirs de ton collège, comme deux jeunes adolescents profitant pleinement de leur jeunesse ; tu te rappelles le moment où tu avais réalisé que tu l'aimais bien plus qu'un ami. Accablée par le passé, tu suffoques et reviens à la réalité. Amy accoure directement près de toi pour attraper tes épaules, évitant de te faire tomber en avant. Tu agrippes ton T-shirt au niveau du coeur comme pour chasser ces mauvais souvenirs et les interdire de venir te hanter. Tu mets plusieurs minutes à récupérer. Vous vous êtes arrêtées, Amy et toi, sur une marche de l'escalier de l'hôpital. Tu n'en peux plus de ce paysage, toujours le même. Tu as une soudaine envie de rentrer chez toi, bien plus forte qu'auparavant. Tu veux revoir le visage de tes parents et de ton jeune frère, bien qu'une partie de toi les craigne. Le ciel a l'air d'être toujours le même et tu sais précisément où le soleil se couche ; tu as besoin d'air. Un air nouveau, qui te poussera hors de cette structure. Tu articules doucement :
"Je veux partir."
Tu n'as même pas balbutié, tu avais lâché cette phrase de but en blanc, alors que tu t'en croyais incapable. Amy semble surprise elle-aussi de tes capacités, mais ne dit rien, à cours de mots. Au fond de ta cage thoracique, une douleur t'empoigne et te serre le cœur, t'empêchant de respirer. Tu sens les larmes grimper jusqu'à tes yeux et automatiquement, tu éclates en sanglots. Tu es secouée de spasmes et tu veux t'enfuir très loin d'ici. Si seulement tout cela ne s'était pas produit, tu aurais pu continuer de vivre une vie normale avec tes amis et ta famille. Mais ça n'avait pas été le cas. Tu es là à présent et tu dois faire avec. Amy t'enveloppe dans ses bras, alors tu relèves les yeux. Le regard de l'humaine est teinté de frustration. Elle doit sûrement ressentir comme toi, cette envie de s'échapper et de ne plus jamais revenir, de redécouvrir la vie antérieure. Peu à peu, tu sens tes pleurs diminuer et ton pouls ralentir. Tu ne sais pas combien de temps vous êtes restées comme ça, dans les bras l'une de l'autre, se soutenant par la pensée. Tes jambes sont frigorifiées lorsque tu te dégages enfin de votre étreinte.
"Merci..."
Tu n'avais rien d'autre à lui dire, juste la remercier d'avoir été là. Tu essuies d'un revers de main les dernières larmes de glace qui dévalent tes joues, puis vous allez vous asseoir sur un banc.
***
Lorsque tu as trouvé les mots, tu as parlé à ta mère de ton envie de sortir d'ici. Les médecins ont décrété que tu devrais rester chez toi pour le moment, le collège pourra attendre. C'est ainsi que tu quittes l'hôpital ce Samedi matin, en faisant tes adieux à Amy. Tu n'as jamais su pourquoi elle est là et tu ne le sauras probablement jamais. Vous vous promettez de vous écrire par courriels, car elle reste ici. Tu te sens mal de la laisser ainsi alors que tu vas redécouvrir ton chez-toi, mais elle t'assure avec beaucoup de sincérité qu'elle rentrera bientôt chez elle et te souhaite un prompt rétablissement. Vous vous faites une dernière accolade, puis tu montes dans la voiture. Tu sens le moteur vibrer, et tu salues de la main Amy.
Tu sais que le retour à ton quartier va être difficile car tu vas être confrontée à de nouveaux êtres inconnus, mais tu te sens de taille à vaincre ta peur. La douleur à ta poitrine s'envole au moment où l'hôpital disparaît de ton champ de vision.
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Silent Escape
JugendliteraturEmma, une jeune fille d'environ 14 ans, se fait un jour poignarder par son petit ami. Par bonheur, elle survit, mais s'avère être terrifiée de retourner dans son monde.