L'intruse

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Une soirée brisée pour quelque chose qui n'a pas été accompli peut briser un cœur tout entier. Par moment, nous attendons beaucoup trop longtemps pour avouer nos sentiments à la personne que nous aimons, par peur de la décevoir comme de la perdre. Alors le temps passe, laissant filer les occasions tant espérées de l'amoureux d'exprimer ce qu'il ressent... Il n'y reste donc plus rien à faire, hormis d'essayer d'oublier notre raison de vivre et de passer à des choses que l'on considère comme futiles, comparées à celles qui nous ont permis avant d'exister.

Un garçon-que nous nommerons ainsi- vécu malheureusement cette expérience durant une soirée qui devait pourtant se passait aussi bien qu'il l'avait espérée.

Cette soirée, dont le lycée du garçon était l'organisateur, regroupée tout les étudiants de celui-ci afin de leur faire passer un bon moment. Et tout y était pour que ce soit le cas, que ce soit amis, boissons, musiques, danses ou encore filles. Mais ce fut bien ça le problème. Nous aurions beau danser avec toutes les plus belles filles du monde, lorsque il n'y en a qu'une qui trotte dans votre esprit, il n'y a quelle qui puisse vous procurer un bonheur indescriptible.

Justement, il y en avait une. Nous l'appellerons la fille. Belle comme un coucher de soleil. Aussi intouchable que le vent. Aussi merveilleuse qu'est la vie. Aussi destructrice qu'une mer agitée.

Le garçon n'aimait qu'elle, rien ni personne n'était encore venu briser sa constante présence dans son esprit. Il le voulait pourtant. Il voulait l'effacer de son âme. Il voulait ne jamais l'avoir connu pour n'avoir jamais vécu une aussi terrible souffrance qu'est la distance les séparant. Ils se connaissaient, bien évidemment. Ils étaient amis. Confidents même. Ils se parlaient souvent, possédaient l'un pour l'autre un sentiment de sécurité en leur présence respective, comme s'ils se connaissaient depuis des années.

Pour lui, elle était apparue comme un bug dans la matrice. Dans l'incroyable uniformité et monotonie de sa vie, elle était arrivée soudainement, avec une gentillesse et une surprise incroyable. Tel un cadeau, au moment où il cherchait un introuvable sens à sa vie. Et elle lui a donné.

Mais il n'aurait jamais voulu la connaitre. Tellement son amour était puissant pour elle. La seule chose qu'il désirait véritablement était son amour, d'être à jamais dans ses bras, à jamais sentir son doux parfum si vital, à jamais la regarder sourire comme une fleur profitant du soleil, à jamais la regarder rire, un rire si beau et si cristallin qu'il ferait tomber n'importe quel ange éperdument amoureux d'elle... A jamais l'embrasser... A jamais profiter de sa si réconfortante présence.

Mais il ne pouvait le faire. Il ne pouvait uniquement profiter d'elle quand elle était à ses côtés, et puis, quand elle partait, il murmurait intérieurement « reste à mes côtés », comme un interminable refrain d'une chanson qu'il se répétait à chaque fois qu'elle le quittait.

« Reste à mes côtés... »

Alors pourquoi ne brisait-il pas les ponts ? Pourquoi ne lui disait-il pas simplement ce que ressentait son cœur pour elle ? Car les deux mèneraient à la même conclusion. A sa perte...

Mais à quoi bon la perdre s'il sait que ça n'en vaut pas la peine ?...

Mais il se l'était promis. Promis de lui avouer au cours de cette soirée les sentiments qu'il éprouvait pour elle. Car il ne pouvait continuer ainsi, il se devait de briser le miroir qu'il voyait sans cesse dans son esprit.

Le bal se passa fabuleusement bien. Le garçon s'amusa comme cela faisait des années qu'il ne s'était amusé. Il profita un maximum de ses amis, dansa comme il n'avait jamais dansé, et vécu comme chaque personne devrait le faire à chaque instant de l'existence. Mais il ne pouvait pleinement profiter de ce moment s'il ne disait à la fille ce qu'il avait à lui dire.

Mais l'occasion ne s'était pas présentée. Ou peut-être le garçon lui-même s'était inconsciemment trouver des excuses pour éviter de la voir ou de lui avouer... Et pourtant, il le voulait affreusement, mais il n'en eu le courage...

Alors cela lui gâcha presque l'entièreté de sa soirée, puisqu'elle occupait éternellement ses pensées. A la toute fin, il s'était retrouvé seul avec ses regrets et son chagrin, n'attendant qu'une chose, pouvoir quitter son lycée et retrouver son chez-soi où il pourrait récupérer de toutes ses tristesses accumulés...

Soudain, il ne comprit pas ce qu'il se passa. Alors que la sortie se rapprochait à grand pas, la fille et son groupe d'amis qu'il ne connaissait pas peu loin derrière lui, quelque chose d'inattendu vint transcender la continuité de ce qui allait normalement se dérouler.

Ce n'est pas qu'il le senti, mais ce fut tellement surprenant pour lui que c'était comme si tout devait arriver comme cela, comme une évidence.

On se mit à lui parler. Une personne se mit à lui parler. Il ne l'avait jamais rencontré, mais elle lui adressa la parole comme s'il était normal qu'elle vint s'interposer aux pensées noires qui hantaient son esprit.

C'était une fille. Nous l'appellerons l'intruse. Brillante comme le soleil à son zénith, dont la chevelure rousse la rendait encore plus flamboyante. Des yeux pénétrants et expressifs comme si elle comprenait en un regard tout ce qui nous possédait. Un sourire vif et éclatant aussi efficace qu'un coup de poing en pleine face. Et une beauté évidente sur son visage serein.

Elle lui adressa la parole pour une cause idiote. Un papier s'était collé au dos de la veste du garçon. Celui-ci, encore choqué par l'apparition aussi soudaine que surprenante de l'intruse, se laissa docilement enlevé le papier. Inconsciemment, il remercia celui-ci d'avoir été la cause de la prise de parole de l'intruse à son égard.

Le papier enlevé, ne voulant aucunement mettre fin à cet instant unique et privilégié, le garçon engagea la conversation. Instantanément, il comprit que celle-ci ne voulait aussi mettre fin à leur rencontre.

Par un étrange hasard, ils se connaissaient. Elle était amie avec une bonne camarade de classe du garçon, et à présent, il connaissait son nom. Quel bonheur que d'accorder à une chose qui nous est cher un nom, une unique forme de particularité bien distinct chez quelqu'un ou quelque chose...

Mais pour lui, elle restera l'intruse, la personne qui n'avait rien à faire à cet instant à ses côtés, brisant alors le destin funeste qu'attendait la fin de sa soirée...

Jusqu'à la sortie du lycée, ils discutèrent de tout de rien, de leurs points communs, de leurs connaissances respectives, de leur vie en général... Et à cet instant, aucun des deux ne voulait mettre fin à cette soirée... De plus, le garçon savait très bien que la fille avait remarqué la présence incongrue de l'intruse à ses côtés... Peut-être cela aura-t-il un impact pour plus tard ?

Mais là, maintenant, il s'en foutait. Il voulait seulement profiter de la présence de cette personne, de cette anomalie qui venait casser l'uniformité des choses...

On peut toujours espérer plus. On peut toujours croire en l'espoir... Car chaque chose brisée finit par être réparée. Telle est l'existence...

La fille restera dans son cœur, bien évidemment, elle restera son unique amour, aussi éternel qu'éphémère. Mais il sait qu'il pourra l'oublier. Car même si son cœur est brisé, il pourra être réparé, car la vie donne à chaque instant une nouvelle raison de vivre à celui-ci...

« Reste à mes côtés », dira-t-il... Mais pas à une seule et unique personne...

L'intruseWhere stories live. Discover now