[média : Milan]
Je n'ai aucune idée du pourquoi je l'ai braqué si férocement contre ce casier. Sûrement son air désuet. Ma poigne déforme son t-shirt au niveau de sa poitrine, accusant une trop grande emprise.
À cette heure de l'après-midi, les couloirs sont libres. Le gémissement de Milan est l'unique son aux alentours.
Les pupilles de ses yeux grossissent au point de faire disparaître le vert de ses iris, signe d'une surprise insatiable. Sa bouche frémit et ses doigts frétillent. Je trouve ce que j'ai devant moi un brin excitant, cette innocente marquée par la peur. Pris dans le feu de l'action, j'approche ma tête de son cou et saisit du bout des lèvres sa peau blanche, je fais langoureusement glisser ma langue le long de son menton, remonte jusqu'à toucher l'arcade. Cependant, je ne me fais pas prier pour prendre mes distances lorsque j'entends des pas venir dans notre direction. Il ne manquerait plus qu'un groupe d'élèves soit témoin de ça...
Milan, reprenant son souffle, comprend rapidement les raisons de mon subit recul. Pour parfaire l'innocence de notre altercation, il sort son téléphone et tapote quelque chose dessus. À l'autre bout du couloir, une dizaine d'élèves fait leur apparition, pouffant et riant à des blagues idiotes. Le regard de Milan alterne son écran et ma personne, ne sachant pas lequel des deux mérite son intérêt. Être dévisagé m'irrite sincèrement. Je peux vous dire que parmi ses mimiques répétitives, son sourire narquois m'offusque le plus ; celui qui dénonce sa mesquinerie.
Je sors un bloc-note de mon sac à dos et fais semblant de relire scrupuleusement de vieux gribouillages que j'ai fait un matin où le temps me paraissait trop long. Être surveillant dans un établissement rempli de mômes, ce n'est pas ce qu'il y a de plus stimulant. J'ai 28 ans, ma copine avec qui j'avais construit la moitié de ma misérable existence s'est cassée l'an dernier avec mon meilleur ami. Je remercie tout de même Dieu pour ma bisexualité : mes plans cul sont doublés ! J'ai toujours accepté de coucher avec des étrangers, le premier soir, à la sortie d'un bar. Aucune morale et aucun mal de crâne. Mais cette fois-ci, j'ai choisi contre mon gré de m'approcher d'un étudiant en droit. Presque tous les matins depuis son arrivée, il me bouffait littéralement des yeux, c'en était presque chiant. Sa timidité a fini par m'intéresser, je ne pouvais plus attendre le moment où il ferait le premier pas. Je savais qu'il allait le faire, j'ai eu raison : un matin de février, il est venu vers moi, tête baissée. Il a levé sa main branlante vers la mienne. Ça m'a tellement faire rire, j'étais si satisfait.
Milan se met à glousser, le regard fixant son téléphone. Au même moment, je perçois ce même étudiant verrouiller son téléphone et tourner la tête. Qu'a t-il pu bien voir pour rire et maintenant fuir mon regard ? Milan range son téléphone dans sa sacoche et fait la moue pour argumenter son innocence.
- Je peux savoir ce qui te divertit peut-être, grondé-je les sourcils relevés
- Je peux savoir pourquoi, et en quoi ça te concerne ? rétorque t-il la voix tremblante
- Réponds-moi juste.
Il baisse maintenant les yeux, les joues légèrement rosées, comme si ma simple réplique impérative pouvait facilement l'intimider.
Je le connais seulement depuis peu, mais c'est suffisant pour savoir qu'il se joue de moi... Faire la victime, c'est sa maigre solution pour déjouer mon offensive. Malheureusement pour lui, ce coup-ci, je ne compte pas lâcher l'affaire aussi facilement.- Prête moi ton téléphone, dis-je le bras tendu
- Je... Non, Néo. J'en ai besoin, marmonne Milan le regard toujours rivé vers le carrelage du couloir extraordinairement banal
- Passe le moi, Milan.
Mon ton se fait plus rude, presque guttural. Une légère observation me vient : son nom dans mon palet déteint une façon érotique que je ne peux m'empêcher de penser.
Pour être honnête, ce garçon n'est pas juste une curiosité comme une autre. Sa sensibilité m'attire bien plus que je ne le laisse penser. J'ai toujours aimé être au dessus dans mes relations, mais avec lui... Je rêve d'avoir les pleins pouvoirs. Qu'il soit hétéro, bisexuel ou gay, ça m'importe peu : J'en ai fait ma proie.
Je pense qu'au début, soit après qu'il m'ait serré la main, je l'ai vraiment fait flipper. Il se dressait comme un piquet à chaque fois que j'apparaissais dans son champ de vision, il n'était généralement pas le seul à se raidir... Maintenant, il s'est habitué à mes approches poussées, ça me rappelle indistinctement cette fois où j'ai posé pour la première fois mes lèvres sur sa joue. Un souvenir taillé dans ma mémoire ; l'hilarité m'avait comblé en voyant sa gêne transpirante.
Une légère crampe naît dans mon bras toujours dressé, il ne s'est toujours pas décidé à me le donner.
- Noé, je... je ne peux pas te le passer, balbutie Milan ayant les bras croisés
-Et, pourquoi ça ?
Son silence me répond avec tact, sa gorge se noue sous mon regard amusé, je perçois une réelle frustration naître en lui. Pourtant je ne rebrousse pas chemin, je sais qu'il va bientôt céder, comme il finit toujours par faire. Milan relève son visage pour rencontrer le mien, prêt à brandir son drapeau blanc. Il tâtonne l'intérieur de sa sacoche avec la main droite à la recherche de son portable.
Le groupe d'étudiants passe entre nous au ralenti. L'un d'entre eux me bouscule sans l'avoir fait exprès, mon bloc-note m'échappe et se fracasse sur le sol. Je grogne de rage. Je suis sûr d'une chose, je m'amuserais bien plus librement avec Milan si on n'était pas restreint à se croiser dans l'établissement. Si ça ne tenait qu'à moi, on serait déjà dans ma chambre. Je me mords la lèvre rien que d'y penser.
- Hé ! gueulé-je. Fais gaffe où tu marches, morveux !
Je me relève bloc-bote en main et me focalise sur Milan, mais celui-ci n'est plus là. Tel un gamin, il en a profité pour se sauver, prenant ses jambes à son cou dès la première occasion.
Ce n'est rien de plus qu'une partie de remise, mon petit étudiant.
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Sleeping Naughty #OVER
General Fiction" L'école est en feu, mon cœur amoureux " aurait été une belle fin pour Néo et Milan, face à ce qui les attend. Plongés tous deux dans un profond coma, ils se réveilleront dans des mondes parallèles aléatoires. Survivre sera le mot d'ordre. *HISTO...