D.O.def05022016
I
Comme toujours, elle est froide au début, été comme hiver. L'idéal, c'est d'y tremper juste l'orteil et puis plouf, sans hésiter, y aller. C'est blanc, c'est bleu, surexposé par les néons si hauts, si puissants, comme un jour aveuglant. La piscine municipale et sa caisse de résonance, mille bruits se percutent dans l'air, tel le vacarme retentissant d'une caverne habitée. Quand soudain, dans la ouate chlorée du bassin, plus rien. À la deux, à la trois, et on coupe le son.
- « Une entrée adulte et une enfant, s'il vous plaît. »
Pierre, la quarantaine bien tassée, porte encore beau. En allant nager, il étanche sa soif de liberté tout en cultivant son corps. Depuis son enfance, il a baigné dans l'esthétisme naturiste avec ses parents, le corps ne devant y peser en rien, le beau comme le laid. C'est dire s'il apprécie le vivant, et là c'est open bar. Le bassin découvre les corps et leurs mille détails, de la plante des pieds, nue sur les carreaux de céramique, les bras, le grain de la peau, du gras, du muscle, jusqu'aux poils.
Et on expire, et on inspire. Tous s'époumonent au contact du fluide, réunis en un bouillon d'yeux masqués. Pierre, lui, voudrait seulement dormir au fond de l'eau.
- « Bonnet et douche obligatoires. »
2
II
Dimanche quatorze heures, Pierre sortait de l'eau. De cette baignade cadencée, entre les jeux de ballons, les bagarres étouffées, ralenties, et les performances d'apnée avec son fils. C'était là leur sortie complice, une dévotion aquatique dominicale et filiale. Pierre savourait ces moments partagés, plongés dans la volupté antigravitationnelle de l'eau. Nus en slip de bain.
Cette légèreté lui manquait, elle avait fui son existence tandis que s'éloignait sa femme. Sa petite famille grandissait alors qu'éclatait son couple. L'amour, orphelin désormais, survivait en suffoquant.
C'était marre !
III
Vient l'heure du retour aux douches. L'humeur apaisée se trouve aussi réconfortée en un nouvel équilibre, capable d'affronter l'avenir du divorce prochain. Étranger alors à toute superstition, Pierre se sent pousser des ailes et redevient le beau cygne de Léda. Vestiaires.
Rhabillés, prêts à troquer la claquette du baigneur contre la basket du marcheur, Pierre tombe soudainement sur Sandra. Un de ces hasards auquel nous invite parfois le grand mouvement sidéral. Il se produit là, dans le brouhaha des sèche-cheveux, une rencontre inattendue, jamais envisagée, mais pour Pierre, éberlué, c'est source d'aventure.
Elle, de trois quarts agenouillée, gainée dans un maillot une pièce aux couleurs de l'Ukraine, d'une main fouillant dans son sac. Son corps
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Douche obligatoire
Short Story« Les femmes c'est du chinois. Le comprenez-vous ? Moi pas. » Serge Gainsbourg Une nouvelle, comédie romantique.