Ils arrivèrent dans la matinée. Marie leva les yeux sur une jolie maison de bois, très bien entretenue malgré l'âge. C'était le début de leur nouvelle vie loin de leur quartier d'autrefois, à elle, son conjoint Hugo et son fils Nathan. Aujourd'hui, ils allaient enfin emménager dans leur nouvelle demeure. Une seule chose s'avéra briser quelque peu le moment néanmoins. En entrant pour la première fois dans la salle familiale, la mère de famille se retrouva devant un instrument d'art majestueux, un piano à queue noir de grand luxe, même si elle avait insisté pour qu'aucun bien de la défunte ex-propriétaire ne reste dans la maison. Elle ne réussit pas à rejoindre les déménageurs de la journée, mais cela ne la préoccupa pas plus qu'il ne le faut.
La nuit venue, après que Marie et Hugo eurent bordé leur fils, la maison se plongea dans un silence absolu. Soudain, aux alentours de minuit, Marie fut tirée de son sommeil peu profond par une douce mélodie sensiblement interprétée au piano. Ne voulant pas déranger son fils qui jouait sans doute de son instrument préféré, elle descendit le regarder avec une infime délicatesse. Quelques détails subtils avaient néanmoins éveillé sa méfiance pendant ce temps. Une brise fraîche parcourait l'étage, provenant des fenêtres que Marie croyait pourtant avoir fermé, et résultait en un sifflement fantomatique inquiétant, mais comme tout autre aurait fait, Marie ne put que croire en une explication rationnelle. Pourtant, ce qui s'offrit à elle ensuite était bien loin du rationnel. Une vieille dame au teint blanc sous l'emprise de nul sait quelle force la fixait de ses yeux incandescents pendant que des doigts invisibles interprétaient sur l'instrument à cordes une pièce d'un drame théâtral et lugubre avec une douce dextérité mêlée d'une rage insatiable. Prisonnière de son inaction comme dans un cauchemar, Marie ne put pousser aucun cri, simplement escalader à toutes jambes l'escalier derrière elle lorsque la main invisible alla brusquement se fracasser sur quelques touches ivoires. C'est complètement hors d'haleine qu'elle atteignit le deuxième étage, où elle alla immédiatement se régufier dans les bras de son conjoint, réveillé par le bruit résonnant. Sans justification, sa femme l'entraina dans la chambre de son fils et commença aussitôt à bloquer la porte avec quelques meubles en désespérant qu'ils n'auraient jamais dû venir ici. C'est alors que la maison entière fut secouée d'un violent éclair, aveuglant et assourdissant, suivi d'agressifs coups de poing dans la porte. Marie se remémora sa journée pour se rassurer, même si elle savait que cela ne servait à rien.
Plus tôt dans la journée, alors qu'elle sortait une des nombreuses boîtes en carton de la voiture pour l'amener dans la maison, une joggeuse avait engagé une conversation avec Marie. Elle s'était présentée sous le nom de Karine, leur nouvelle voisine. Celle-ci s'était avérée être une gentille jeune femme, mais plus la discussion avançait, plus Marie avait l'impression que Karine ressentait un certain inconfort. C'est alors que la joggeuse commença à expliquer que, à ce que le voisinage en disait, il semblait que Martha Garrison, la défunte propriétaire, avait perdu son mari soldat des années auparavant et que depuis, chaque nuit aux environs de minuit, elle jouait la même mélodie au piano, une pièce reconnue pour sa sombre et profonde mélancolie. Par contre, il paraissait également que Mme Garrison prisait quelques passe-temps curieux, comme celui de magie noire. Ses incantations prononcées à haute voix avaient autrefois attiré l'attention du voisinage, mais plus depuis sa mort récente.
Marie ignorait tout de cette histoire et se demandait pourquoi son courtier le lui avait caché, mais décida quand même de chercher elle-même des indices dans la maison. Ne sachant ce qu'elle cherchait, Marie prit du temps à trouver la clé aux formes asymétriques cachée dans un coin de mur. Curieuse de nature, la mère de famille avait osé ouvrir la porte où elle menait, celle du grenier. Ce coin de toit poussiéreux et dégoûtant aurait dissuadé la plupart des gens de s'y risquer, mais pas Marie, car elle avait trop à cœur le bien-être de sa famille et voulait des preuves si jamais elle avait été installée dans une maison risquée. Elle put en effet redescendre avec des ouvrages de magie noire, des milliers de chandelles et de dessins symboliques ainsi que des vieilles photos tachées de sang.
Malheureusement, la nuit s'était montrée trop vite et la revenante ne leur avait laissé aucune chance.
Le lendemain, entourée de plusieurs tours de ruban jaune et de véhicules d'urgence, la maison donnait l'impression d'un lieu de crime. La situation était pour le moins étrange : deux cadavres retrouvés, sans aucune trace d'attaque, avec un cœur inactif et un système en parfaite santé, puis une survivante, Marie, qui allait plus tard se retrouver dans un hôpital psychiatrique où elle allait passer le reste de ses jours. Tout ce que les enquêteurs savaient pour l'instant, c'était que la veuve Garrison aimait faire souffrir davantage ceux qui fouinaient dans ce qui lui appartenait.
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Le chant des morts (short story)
ParanormalTexte fantastique composé dans le cadre d'un cours de français Un simple défaut, dans une maison en banlieue en l'apparence bénigne, peut conduire à un tout autre dénouement pour une jeune famille nouvellement emménagée.