Life

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La vie... C'est quelque chose de spécial. Elle peut commencer sur une erreur, finir sur une autre. Elle peut être errance ou ligne droite. Qui a dit préférer les courbes à une vie rectiligne, déjà ? Est-ce que cela a vraiment une importance ?

La vie peut être un chemin baigné de lumière ou suintant d'obscurité. Certains ont pu atteindre les étoiles, d'autres gisent au fond d'un gouffre. Il est faux de prétendre que cela ne tient qu'à nous. Parfois, la vie s'acharne, parfois, la vie vous hait.

Elle se fait chemin sinueux ardu à arpenter, ou route dégagée et dorée. Tout y joue. Par exemple, vos parents. Leur situation, leur morale, leur intelligence, leurs actes. Les conditions de votre création, aussi. Le hasard semble jouer un rôle majeur. Vous pouvez être plus heureux et épanoui enfant unique avec un père célibataire qu'avec deux parents et une fratrie immense.

La personne prétendant aimer les courbes aurait aussi dit que le hasard n'existe pas. Elle se trompe, sur tous les points. Rien ne vaut une vie simple et droite. Et il est bien plus simple de blâmer le hasard.

Ce que l'on est compte aussi, dans la vie. Fort, faible, battant, perdant, intelligent, limité, amical, antipathique, conforme aux normes, dissident, social, solitaire. Il faut savoir qu'être ce que l'on attend de vous sera toujours plus simple. Du moins, c'est ce qu'on se dit quand vient la nuit. Il faudrait demander aux concernés ce qu'il en est réellement.

Chacun de nos actes peur se révéler désastreux. Il paraît qu'on nomme cela « l'effet papillon ». Prenez cette rue plutôt que cette grande avenue, et tout peut changer pour vous. Dites tel mot, et cela vous attirera soit inimitié, soit affection.

D'un geste, votre route peut se rallonger, s'alourdir encore d'écueils. Mais il n'y aucun moyen de le savoir. Vous pouvez toujours regretter, cela ne servira jamais à rien.

Ce jour-là, le Tueur, alors que le jeune homme avec qui il avait discuté plusieurs heures commençait à s'éloigner, décida qu'il serait dommage de le laisser partir. Il désira le garder encore un peu après de lui, le connaître un peu plus. Peut-être par égoïsme, peut-être par instinct.

Il insista, se surprenant lui-même. Et quitta sur une phrase la route qui lui avait été sagement tracée pour une autre, inconnue et plongeant dans la brume.

- T'as l'air d'être un solitaire, comme moi... Ça te dit qu'on soit seuls à deux ?

Et Max hésita. Brièvement. Les yeux clairs et pleins d'espoir de l'autre fichés dans les siens, plus sombres.

- Pour faire quoi ? répondit-il d'un ton égal.

L'inconnu haussa les épaules avec nonchalance.

- On trouvera en route.

Hésitation, encore.

Et la réalité changea de direction.

- Ok, mais on prend ta voiture, finit-il par dire.

Une joie simple illumina le visage de l'autre, se refléta peu à peu sur le sien. Quelqu'un souriait. Quelqu'un souriait, grâce à lui, non pas de lui. Il ne parvenait pas à se souvenir d'un tel évènement. C'est inutile, le morigéna une partie de lui. Pourquoi, maintenant, quelque chose changerait dans sa vie de solitaire ? Pourquoi, maintenant, la lumière chasserait l'obscurité du bitume ?

Il avait envie d'y croire. Lui qui quelques heures auparavant voyait son chemin déjà achevé, avait envie de prendre soudainement une bifurcation, voir si la vie n'est pas plus douce ailleurs.

- Je reviens, fit-il négligemment. Je récupère mes affaires.

- Je t'attends, répondit joyeusement l'inconnu, se dirigeant vers sa bagnole.

Parvenu à la sienne, Max ouvrit la portière, se glissa dans l'habitacle. Il ferma fugitivement les yeux. Il craignait l'erreur, d'être encore plus déçu qu'auparavant. Son regard s'attarda sur les feuilles narrant sa navrante histoire, puis se dirigea vers la silhouette du cinéphile. Il observait son portable, comme hésitant à répondre à quelqu'un. Finissant par glisser le téléphone dans sa poche arrière sans décrocher.

Une flamme envahit la poitrine de Max, refusant cette triste fatalité qui le pourchassait. Se secouant, il tendit le bras, saisit le sac à dos affalé sur la banquette arrière et le ramena à lui. Il regroupa tous les feuillets égarés, les plia soigneusement. Son arme à feu fut glissée dans la doublure du sac – au cas où, et il ne s'attarda pas sur les raisons qui pourraient le pousser à l'utiliser.

Il regroupa encore quelques babioles et, feuilles en main, sortit de la voiture, qu'il referma à clé. Il rejoignit l'inconnu, qui attendait assis sur son capot, bras croisés. Il baissa un regard intrigué sur la liasse de papier que tenait le brun.

- J'aurais besoin de ton briquet, fit celui-ci.

Le Tueur le lui confia sans mot dire. Respectant son silence, il resta en arrière lorsque Max s'éloigna à nouveau. Une fois un peu à l'écart, il entassa les feuilles au sol, s'alluma une cigarette. Un bref moment, il regarda le lambeau de fumée bleutée s'évanouir dans l'atmosphère, avant de s'agenouiller pour brûler son œuvre.

Il ne se releva que lorsque, nuit tombée, tout était devenu cendres. Se retournant, il s'aperçut que l'inconnu n'avait pas bougé. L'attendant. Max le rejoignit.

- On y va ? interrogea le critique de ciné avec un sourire engageant.

Le solitaire hocha la tête en réponse. Sans ajouter plus, ils grimpèrent dans la voiture. Le Tueur mit le contact et, bien vite, ils quittèrent le parking.

C'est drôle, la vie. Elle peut vous plonger dans l'errance, pour vous en faire sortir sans prévenir. Elle place des êtres d'exception sur votre chemin. Elle est tantôt simple, tantôt atrocement compliquée, mais toujours là où on ne l'attend pas. Elle peut être douce et gentille, pour ensuite vous enfoncer un poignard dans le cœur.

Elle prend, donne et reprend.

C'est la vie.

Et tu ne peux rien contre elle.

God's gonna cut you downOù les histoires vivent. Découvrez maintenant