Loyauté

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La loyauté.

On dit beaucoup de choses, sur la loyauté.

Beaucoup de gens se prétendant loyaux. Mais généralement, c'est à leur propre morale, voire à leur survie. Vous parlez d'une loyauté.

Je n'ai pas beaucoup de qualités, mais au moins celle-là : je suis loyale. Vraiment loyale. Même si j'ignore au final ce que cela signifie vraiment.

Et c'est au nom de cette loyauté que je suis au volant de ma Clio, à 130 km/h sur l'autoroute, sous une pluie drue, ce qui relève du suicide, en un sens.

Mais que voulez-vous, j'aime l'adrénaline. Et, surtout, je manque de temps. Parce que non contente d'être loyale, j'ai aussi un certain atout qui m'a permis de me faire une belle place dans la police.

Je sais chercher. J'aime chercher. C'est même mon principal boulot, le commissaire refusant que j'aille sur le terrain. Et je trouve toujours. Bon, d'accord, presque. Malgré tous mes efforts et une quantité phénoménale de nuits blanches, jamais je n'ai réussi à le dénicher lui, l'obsession de celui que je viens venger, celui qui a mis la France en émois pendant plus d'une demi-année.

Le tueur, bien sûr. Qui d'autre ?

J'ai été un temps fascinée par sa personnalité complexe, meurtrier presque fanatique, comme on peut s'attarder sur une équation insoluble ou sur un décor grandiose cachant des ombres, discernables qu'après un examen attentif.

Si j'ai planché autant de temps sur sa planque, c'est parce qu'il me présentait un défi. Mais au final, telle la lunatique que je suis, j'ai fini par m'intéresser à d'autres affaires, au grand dam de mon supérieur, qui a depuis bien longtemps renoncé malgré tout à me forcer la main.

Je garde de ces souvenirs un goût amer, teinté de mélancolie.

D'accord, nous n'avons jamais eu beaucoup de liens, lui et moi. Employée et employeur. Policière et commissaire.

Commissaire...

Damnée soit ma loyauté.

Je pourrais être chez moi, au chaud, avec un café, et me voilà malgré tout lancée sur une route glissante, seule, pour honorer la mémoire d'un homme que je n'appréciais pas plus que cela.

Finalement, ce n'est pas de la loyauté. C'est de la folie.

Oui, je sais chercher. Mais, surtout, je sais qui chercher. Pas cet ersatz de tueur, dont je n'ai que faire.

Non, c'est lui que je viens tuer. Ce salopard. Ce traître. Celui qui est tombé plus bas que terre. Celui que je ne peux que haïr pour ce qu'il est, en accord avec ma nature. Tous mes collègues pensent qu'il s'est juste fait enlevé, qu'on le retrouvera dans quelques jours, tué d'une balle, ou d'un coup de couteau, que sais-je.

Mais moi, je connais la vérité. Cela tient à peu de choses.

A son regard, la dernière fois que je l'ai vu.

Nous n'avons jamais vraiment discuté. Je suis en général plutôt asociale. Mais cette fois-là, en le croisant au hasard d'un couloir, j'ai surpris sur son visage une émotion étrange. Juste avant qu'ils ne partent près de ce collège, je crois.

Il affichait un air préoccupé, concentré, mais... Il avait l'air heureux, et à la fois impatient. Il me semblait qu'il portait ce masque que revêtent les acteurs, dans les pièces de théâtre qu'il m'arrive d'aller voir.

Un air avide, aussi.

Je l'ai aussitôt oublié. C'est lorsque j'ai appris la mort du commissaire, et sa disparition, ainsi que celle de tous nos dossiers sur le tueur, que j'ai compris.

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