[06/02/2015]
Il y'a 23 ans, le monde était farceur. Il y'a 23 ans, ma mère accoucha de moi, et me donna sa vie par la même occasion. Ce monde a était farceur: il a retiré la vie d'une femme qui avait tout ce qu'il faut pour être heureuse, et l'a donnée à un jeune bébé. On aurait pu appeler ce bébé n'importe comment, il serait resté invisible. Même le nom de le plus idiot possible n'aurait pas pu au moins démasqué la présence que l'enfant aurait laissé. Les cheveux bien touffus, noirs et les yeux bleus. Je n'ai jamais dépassé les 52 kilos pour mes courts 170 centimètres. Je suis assez fin, sans être anorexique pour autant. Mon père m'a élevé toute ma vie, prenant sur lui le poids de la mort que lui avait laissé ma mère. Maman, si tu savais à quel point tu lui manques. Dès mes 18 ans, mon père jugea qu'il était bon de me laisser faire ma vie. Sans lui, loin. Seul. Il me donna 100 000 ¥, et me montra la porte que je pris sans plus attendre. Mais je n'ai jamais été un élève vraiment bon, digne des attentes que Papa avait laissées sur moi. J'ai raté ma vie. Je vis dans un piteux appartement, avec presque personne en tant que voisins. Personne ne vient me voir, je suis seul. J'ai bien une amie étant plus jeune, qui est devenue ma petite amie. Mais à nos 16 ans, elle m'a quitté. Parce que son père adoptif était muté dans l'Est du Japon. Étant à l'Ouest, la distance était trop considérable pour qu'on puisse se causer... Et sa mère adoptive refusait de lui laisser accès à un téléphone portable ou à Internet.
Notre dernière promesse avait été de se revoir à nos 18 ans. J'ai oublié, et je m'en suis mordu les doigts, car je ne l'ai jamais revue non plus. Sans doute avait elle oublié, elle aussi. Jolie comme je l'ai connue, elle a sûrement refait sa vie. Elle m'a oublié, et moi aussi je l'ai oubliée. Oui, la vie m'a tout repris. La vie de la femme qui m'a mis au monde, elle aura servie à rien, je n'ai rien su en faire. Quelle honte. Je passe mes journées à jouer à la console, lire des manga, rester affaler sur mon canapé, à le salir avec la marque qu'a laissé mon cul avec le temps. J'ai des meubles chez moi. Ils me servent qu'a ranger mes bouquins, mes jeux et mes consoles. Sur un simple meuble est posée ma télévision, assez grosse mais pas avec un écran plat comme beaucoup de foyer peuvent s'en vanter. J'ai même pas de vaisselle, je bois à la bouteille que je jette à la poubelle une fois vide, et je mange des plats préchauffés dans des petits plats, comme des ramens, ou des nouilles instantanées. Je ne sors de chez moi que pour une chose: Acheter de quoi faire ma semaine. Mon vieux m'envoie a peu près 1 000 yens par mois, de quoi faire au moins un mois en bouffe instantanée. Comme aujourd'hui, où je m'achète la même chose que d'habitude: mon manga, ma bouffe. Le jeu passe en début de mois, et il me fait les 31 jours. Aujourd'hui, j'aurai juste mon manga et ma bouffe. Une fois rentré, je...
« Sobokuna? C'est toi? »
Une douce voix féminine a prononcé mon nom. Je l'ai entendu pour la dernière fois par une voix féminine depuis tellement longtemps, et même par quelqu'un en général, que j'ai cru avoir oublié mon propre nom, celui que ma mère aurait souhaité me donner. Je ne connais pas une dizaine de filles non plus, pour dire, j'en connais qu'une ou deux.
« S'il te plaît, me disait-elle sans que je ne me retourne, dis moi que tu te souviens de moi, Sobokuna.»
Je me suis retourné. Les cheveux bruns, longs et lisses, malgré le fait qu'ils soit un peu en bataille. Une jolie fille, pas mince non plus, mais pas grosse aussi, juste "normale". Les yeux marrons, ronds aux beaux cils, et avec une bouche aux lèvres fines.
« ... Sayrô? dis-je.
- Tu te souviens de moi?! s'écria-t-elle, en plein .
- Euh... Oui, bien sûr! C-Comment aurais-je pu t'oublier? Ahah... »
C'est limite si ses yeux n'allaient pas se remplir de larmes. Elle était si heureuse. Sayrô, tu as tellement changée, en 7 ans. Tu ne m'aurais pas reconnu, je serais passé à côté de toi l'air de rien, sans savoir que tu es là.
« Tu es tout pâle, Sobokuna. Tu ne vas pas bien?
- Papa m'a viré, à mes 18 ans... J'suis devenu un insociable. Je passe mes journées chez moi, ne sortant que pour me payer de quoi vivre, ce qui explique peut être mon teint... lui expliquais-je.
- Je vois. Dans ce cas, nous allons y remédier! Je vais te rendre un peu plus social! »
Tu perds ton temps, Sayrô... Mais d'un côté, si tu fais ça, c'est que tu as justement du temps à perdre. Peut être pourront nous renouer ce qui a été brisé à nos 16 ans? Sans plus hésiter, et sans trop vraiment me donner mon avis, elle m'embarqua -en attrapant mon bras- dans la ville, toute fière. Comme au bon vieux temps, son air de fière, et d'imperturbable est une des choses que je pourrait dire qu'elle n'a pas perdu, et j'avoue que ça me fait plaisir.
Je lui collais au train, dès qu'elle avait lâché mon bras. On gardait plus ou moins le silence, malgré le fait qu'elle avait sans doute plein de choses à me dire. Sept ans, putain, il a du se passer plein de choses, je suis tellement curieux. On marche depuis longtemps, maintenant. Chercherai-tu ton chemin? On a passé tellement de temps à faire les cons dans ces rues, plus jeunes, pourtant. Et en sept ans, les rues n'ont pas changé, à l'exception des gens qui les peuplent.
« Tu cherches quoi, au juste? lui demandais-je.
- Bah, le café.
- Le café?
- Mais oui, ce putain de café, on avait repéré les lieux sans jamais y aller. Il est temps d'inaugurer ce petit plaisir qu'est notre rencontre, après ces 7 ans. ♥ »
Le café dans lequel m'entraîna Sayrô était un petit café modeste, où l'ambiance est des plus agréables. Chaque client semble connaître un autre, et tout le monde s'entend bien. La déco est sympa, des murs noirs et verts, mais bien réparti pour pas que ça donne un truc dégueulasse. Même les serveurs sont heureux. En 7 ans, ils ont l'air de bien fonctionner, tant mieux pour eux. Sayrô nous repéra une petite place pénards proche de la fenêtre, où le soleil -du moins ce qui en est visible- passe bien. Le temps est pourtant assez grisâtre, malgré la fin d'après-midi qui se présente. Mais quelques rayons de notre chère grosse étoile arrive à filtrer les nuages, emmerdant le mauvais temps. Sayrô, malgré ma timidité à parler, me force à m'asseoir devant elle: elle préfère à ne pas avoir à tourner la tête dès qu'elle veux me parler ou boire.
« Malgré le temps de merde, on arrive à être tranquille, et sans trop de froid, se vanta Sayrô.
- Pour un mois de Février, j'en serais presque ému... lançais-je.
- Sept ans... soupira Sayrô. Sept ans qu'on s'est pas vus. La dernière fois, nous étions en couple, pas vrai?
- Ouais... On s'était promis de se revoir à nos 18 ans, pourquoi je t'ai jamais revue?
- Eh bien, commença Sayrô, mon père adoptif disait que je pourrai partir que si je trouve du travail. Sauf que trouver du travail avec un seul foutu diplôme de merde, c'est pas chose faite. Alors j'ai espéré que tu viennes me voir à tes 18 ans... Et t'es pas venu. Donc à mes 19 ans, j'ai fugué, mon père et ma mère devenaient trop étouffants. J'ai craquée, et j'ai pris la fuite, en ce que j'estimais être l'Ouest du Japon, croisant les doigts pour que mon père ne me recherche pas... Et j'ai appris que le lendemain de ma fugue, il avait été assassiné. Lui et sa femme.
- T'es sérieuse?! m'écriais-je, Gennai est mort?! Lui et Kana?! Et assassinés en plus...
- Je l'ai appris via les journaux, car mon père adoptif était un chirurgien très connu.
- Mais merde, Gennai quoi... me lamentais-je.
- Je sais, j'ai eu un choc aussi! Mais j'ai pas refait ma route, j'ai continué à fuguer. Puis j'ai été logée par une amie d'enfance, qui gère maintenant le CDI du lycée de cette ville. J'sais pas si tu te rappelles de Sena?
- L'otaku à la gomme, qui passait son temps au CDI! disais-je, en me vantant de ma mémoire. »
La serveuse vint et nous apporta les cafés que nous avions commandés en arrivant. Un café vanille pour moi, et un mocaccino pour Sayrô. Elle a toujours aimé ce genre de cafés au nom compliqués... Tandis que moi, j'ai toujours pas compris comment elle pouvait retenir autant de noms bizarres donnés aux cafés. On pourrait dire que c'est un point positif, mais ça sert strictement à rien de retenir ce genre de chose par cœur.
« Enfin bref, reprit Sayrô, Sena ma logée, et je la vois encore. J'ai lu plein de manga avec elle, mais elle préfère les plus populaires, et j'suis pas super fan de ces manga un peu trop surestimés... Je préfère de loin ceux que toi tu prenaient, personne connaissait et au moins y'avait de la qualité.
- Je suis étonné que tu te rappelles de ça en particulier... soupirais-je.
- D'ailleurs, après, on va chez toi? J'ai envie de voir les manga que tu t'es acheté! me demanda Sayrô, de son air à craquer.
- Si tu veux...
- Dis? Tu en gardes un bon souvenir de notre couple, toi? »
Dès l'entente de cette petite phrase que Sayrô prononça, j'ai eu un déclic. Un espèce d'amertume, de douleur au cœur. Pourquoi? J'ignore totalement, je ne me suis jamais compris moi même. Ma seule réaction a été de me lever en appuyant fort sur la table, laissant sortir un petit "CRAC" de la table, qui avait manifestement pas apprécié mon geste brusque et rapide. Tout gêné, je marmonna.
« O-On y va? La nuit va tomber...
- Euh, si tu veux, me répondit-elle. »
Parler du passé, ça me stresse.
Sans trop plus attendre, Sayrô et moi, on se leva, finissant notre café, et donnant le pourboire ainsi que l'addition à la serveuse. En effet, la nuit était vite tombée. Il ne faisait pas nuit noir non plus, mais disons que ce ciel bleu foncé accentuait le souffle glacial sur nos visages. Surtout que j'était dans ma veste grise toute fine, j'avais pas prévu de m'éterniser autant. Sayrô non plus, visiblement, étant donné que sa veste noire semblait penser la même chose que moi. On a traversé le quartier, devenu vide en moins d'une petite heure. L'heure de manger, sans doute. Je n'avais pas pris mon téléphone portable pour vérifier l'heure, comment pouvais-je vérifier? En rentrant, tout simplement. C'est sans doute la première fois que je laisse entrer une femme chez moi, d'ailleurs. Devant la porte de mon appartement, Sayrô chuchotait le fait que les cages d'escalier étaient peu accueillantes: c'est vrai. Les remparts sont un peu merdiques avec le temps, les marches sales, avec les jeunes qui peuplent mon immeuble. La lumière s'était éteinte juste avant que je ne rentre les clés dans la serrure de ma porte, et ce soudain passage à l'obscurité me fit sursauter, lâchant mes clés, tel une sombre merde. Sayrô se baissa et me les donna, avant d'allumer la lumière via l'interrupteur à notre gauche.
« Il paraît que j'ai une bonne vue dans le noir, se vanta Sayrô, pas la meilleure mais assez pour voir un petit bout d'acier. »
C'est pas commun de se vanter pour si peu. Enfin, c'est elle tout craché: fière et imperturbable. Enfin, selon mes souvenirs. Au seuil de mon appartement, Sayrô retira ses chaussures, je fit de même. J'ai jamais été aussi gêné en rentrant dans un appartement qu'aujourd'hui: je n'ai pas le sens du rangement. En plus d'être un peu vide, mon appartement est légèrement en bordel, avec ce que j'ai.
« Excuse-moi pour mon chez moi, je ne reçois jamais personne d'habitude... me priais-je auprès de mon invitée.
- C'est rien, j'suis pareil chez Sena. Elle m'engueule beaucoup d'ailleurs! Le plus drôle, je me dit, c'est que tes voisins vont voir que tu as reçu quelqu'un, une femme qui plus est. Ils vont croire que je suis une pute, riait-elle.
- Mais... Tu ne ressembles pas du tout à une prostituée! »
Sayrô toute crachée, rire sur des sujets sexuels pour trois fois rien. Elle se foutait surtout de ma gueule, ouais. Mais bon, je n'avais pas eu de contact humains avec quelqu'un comme elle depuis longtemps, et je suis heureux de la voir aussi bonne vivante. Son premier réflexe en rentrant dans mon salon, a été de courir faire ma bibliothèque, et crier tout plein de noms de manga qu'elle voyait. Elle prit une grosse pile de livres, et se posa sur mon fauteuil, s'excusant de se taper l'incruste, et me taquina en disant « Fait comme chez toi! », et me demanda de pas prêter attention à moi. En seulement quelques secondes, je vit Sayrô plongée dans le premier tome d'une de mes séries, dont j'étais fan. Je pris ma 3DS, et me posa devant elle, sur mon canapé, jouant à mon dernier jeu du moment, d'où j'étais bloqué d'ailleurs.
« Ton anniversaire, c'est quand déjà? me demanda Sayrô, sans relever la tête du livre.
- Le 20 Octobre, ça n'a pas changé...
- J'avais oublié, excuse... Si tu ne l'as pas d'ici là, je t'achèterai la New 3DS! "Cadeau"!
- M... Merci, Sayrô... »
Sans même lever les yeux, elle avait regardé ma console, et avait bien vu que j'avais plus les moyens de me payer une console. Surtout, que cette fameuse console sort dans une semaine, et je sais que j'aurai dû attendre bien longtemps avant de l'avoir. Elle me connaît trop bien. Enfin, presque, car elle a oublié mon anniversaire, mais bon... Quelques minutes après, Sayrô ferma le premier livre, elle l'avait terminé malgré son épaisseur de 200 pages. Elle tira ses bras vers le haut en poussant un petit gémissement de soulagement, avant de me regardant, reposant ses mains sur le manga, qu'elle pris et posa parmi la pile de livres. Elle me regarda, et sans trop hésiter, elle me posa une question.
« Dis, tu aurais à boire? J'ai le gosier à sec.
- J'ai que de la bière... lui répondis-je, gêné par mon manque de moyens.
- J'aime bien la bière, j'en bois avec Sena parfois. »
Sans plus attendre, je me suis levé de mon canapé, fermant ma console et me levant. Je parti en direction de la cuisine, pris dans le frigo quatre bouteilles de bières. Pures maltes, ces bouteilles vertes transparentes, qu'on trouve sans trop de difficultés dans les grandes surfaces. Sayrô pris une des bouteilles que j'avais rapportées, et l'ouvra, en protégeant sa main grâce à sa manche. Je fis de même avec un décapsuleur, car j'ai jamais trop réussi à me débrouiller avec les capsules de bières.
J'avoue, c'est "Parfois", qu'elle bois de la bière. Et encore, c'est sûrement tout récent, car elle commençait déjà à avoir des difficultés à tenir debout. Heureusement, elle n'avait ni vomi, ni dit des conneries. Et elle n'hoquetait pas non plus, elle était donc pas bourrée, pour mon bonheur. J'avais pour le moment pas à supporter une femme complètement saoule, c'est plutôt rassurant. Bien qu'elle avait enlevée sa veste noire, prétextant le fait qu'elle avait trop chaud, avant de partir aux toilettes, s'excusant. Lorsqu'elle est partie, je sais pas ce qui m'a prit, j'ai pas pu m'empêcher de regarder le corps de jeune femme qu'elle avait eu, ces dernières années. Ses cheveux longs cachaient sa nuque, mais le débardeur qui était caché sous sa veste, maintenant dévoilé, laisser montrer ses bras blancs, et fins. J'ai d'ailleurs constaté qu'elle aimait le noir, malgré le fait qu'elle soit plein de joie de vivre, même son débardeur était noir. J'ai bizarrement pas pu m'empêcher aussi de regarder ses fesses en abricot, cachées derrière son jogging noir, lui aussi. Elle était devenue une jolie jeune femme, mais ça ne justifiait pas mon attitude de badaud. Peut être était-ce mes vieux sentiments qui me forçaient à agir ainsi? J'essaie encore de me justifier. Je ne sais pas ce que je veux.
Et pourtant, je repensais encore à cet après-midi avec elle. Ma routine a été modifiée grâce à Sayrô, avec elle, j'ai modifiée ma journée, ce que je ne fait pas, normalement. En vrai, chaque journée que je vis chaque jour, ressemble à celle de la veille. Pour la première fois depuis longtemps, je vis différemment. Et... Même quand Sayrô est absente, ça continue. Elle est actuellement aux toilettes, et pourtant, quelqu'un toque à la porte de mon appartement. Quelqu'un, mais qui? Peut être cette fameuse Sena, venue récupérer Sayrô? Il est déjà 23h, après tout. Elle a peut être fait le tour de la ville, et en passant par là, en regardant l'adresse... Non, ça n'aurait pas de sens. Qui c'est alors? Un voisin? Le mieux est d'aller voir, dommage que ma porte n'a pas d'œillet. Je vais être obligé d'ouvrir sans prendre connaissance de mon visiteur...
Si seulement je n'avais jamais ouvert cette porte.
« Sobokunaaa? Ça a frappé à ta porte, non? Sobokuna? »
J'en croyais pas mes yeux. Qu'aurais-je arrivé, si je n'avais pas ouvert cette porte? J'ai l'impression de me prendre un claque. Deux hommes, l'un vêtu de noir, chauve, les yeux cachés par des grosses lunettes de soleil. L'autre, vêtu de blanc, blond, les yeux découverts, noirs. Ils devaient bien avoir 45 ans chacun.
« Sayrô?! criais-je, en me retournant. Dis moi que ce que je vois est-
- GYAAAAAAH!!! »
J'avais entendu Sayrô crier, puis en une fraction de seconde, elle était passée en furie à côté de moi, s'écrasant sur le grand chauve, qui poussa un cri. Elle retira rapidement une main, avant de fermer la porte à clé, aux nez des hommes derrière. Sa main était pleine de sang... Le couteau qu'elle tenait dans la main aussi.
« Sayrô! Qu'est-ce t'as fait, bordel?! Explique-toi!
- Tais-toi, Sobokuna! Suis-moi! »
Elle m'entraîna dans la cuisine, posa le couteau plein de sang dans l'évier, et en pris un plus long de boucher. Mon seul couteau aussi long d'ailleurs. Alors qu'elle allait reprendre la route, j'attrapa son épaule, et la retourna vers moi. Elle était toute tremblante, les yeux rouges, les nez qui coule et le visage en sueur. Elle avait réellement très peur.
« Écoute Sobokuna, bégayais-t-elle, ces gens nous veulent du mal...
- Ils m'ont montré cette photo, Sayrô. »
J'en sorti de ma poche une image. Les hommes que Sayrô avait attaqués m'avaient montré cette photo plus tôt. Dessus, on voyait Sayrô, habillée différemment -d'une veste rouge-, tenant un gros livre dans ses deux bras. D'un air suspect, elle regardait autour d'elle, comme si elle voulait vérifier que personne ne l'avait vue. Le décor était assez sombre sur cette image, et on voyait bien que c'était une capture d'une vidéo de surveillance.
« T-Tu ne comprends pas, Sobokuna... marmonnais Sayrô.
- Tu as volé des documents ultra-secrets, ils m'ont dit. Qu'ils cherchaient, qui plus est.
- Mais, mais... Je ne veux pas être séparée de toi à nouveau... Surtout que je risque la mort, c'est pas le gouvernement Japonais qui cherche les documents... C'est pire que tout ça...
- Mais... Tu vas t'attirer des ennuis, tu as tué un homme de service! me plaignais-je.
- Je veux que tu comprennes ce qu'on risque avant ça. Je vais devoir tuer à nouveau, mais si tu me laisses faire et montrer les documents, j'accepterait de le leur rendre, si tu veux... Mais tu me laisses faire. Si c'est toi qui me demande, je peux le faire.
- Sayrô, demandais-je, est-ce que... Tu m'aime toujours? »
Pourquoi avais-je demandé ça, moi?! La peur des événements qui allaient arriver me nouaient les tripes. Tellement que j'en venait à exprimer le premier sentiment qui me passait. C'était sans doute de l'amour. Je connais Sayrô, fière comme elle l'a toujours été, si elle doit me dire d'aller me faire foutre, elle le dira. Si elle m'aime encore, elle le dira. Elle a aussi parfaitement compris que j'avais peur, que c'était peut être nos derniers instants ensemble. Un de nous allait peut être mourir cette nuit. Sayrô leva ses yeux vers les miens, étant donné que je suis plus grand qu'elle de quelques centimètres. Elle était toute rouge.
Elle approcha son visage du mien, avant de poser ses lèvres sur les miennes, timidement, rapidement. Pendant ce court instant, j'étais apaisé. Je ne ressentais plus de peur. Elle décrocha ses lèvres des miennes, les yeux ouverts, les fossettes encore plus rouges, et me regarda avant de me répondre:
« Oui.
- Sayrô...
- Je ne veux pas mourir. Mais ça arrivera probablement. Alors, il faut que tu saches... Les documents, c'est Sena qui les a. Dans la réserve de son CDI, il n'y a que elle qui peut y accéder.
- Et si elle ne me laisse pas y aller?
- Elle te laissera, me répondit-elle. Elle te connaît, dis lui juste que tu m'as vu, et explique lui ce qui s'est passé aujourd'hui, ce que je t'ai raconté. Sena me connaît. »
Sayrô repris le couteau de boucher, et me regarda avant de se reculer. Je la suivit, avant qu'elle ne sursauta.
« Pourquoi tu me suis?! Je vais risquer ma vie, l'autre mec est armé! cria Sayrô.
- Alors battons-nous ensemble... S'il te tue, je serai là.
- Sobokuna...
- Déconne pas, tu sais autant que moi que je sais pas me battre... Laisse-moi venir, je servirai au moins de bouc émissaire! la suppliais-je.
- Pff... souffla mon amie, avant de me regarder à nouveau. Je t'aime. L'oublie pas, ça. »
J'avais tellement peur. Et pourtant, je devais rester au basques de Sayrô. Moi aussi, je l'aime. Mais si on meurt, il n'y aura plus rien. On dois vivre.
L'homme est rentré après avoir enfoncé la porte. Il n'avait pas fait dans la discrétion, étant donné qu'on l'avait entendu, et il le savait, c'est pour ça qu'il restait sur ces gardes, revolver à la main. Il suait beaucoup, et Sayrô s'approcha collée le dos au mur, passant inaperçue. Alors qu'il allait entrer dans la chambre à coucher (vide) de mon appartement, Sayrô donna un violent coup de pied dans la main de l'homme, lui faisant lâcher son arme, chutant au sol, dans le couloir. Abattant sans plus attendre le couteau qu'elle tenait, Sayrô se fit interrompre dans son attaque. L'homme lui avait attrapé le bras, et l'abaissa en bas, donnant un coup de genou sec dans le visage de ma petite amie, lâchant son couteau, tandis que j'attendais un passage dans l'entrée pour passer récupérer le revolver tombé plus tôt, sans me faire voir. Elle saignait, tandis qu'elle relevait sa tête suite au choc qu'elle avait reçu. Mais l'homme l'enchaîna directement d'un coup de coude rapide et douloureux dans le visage, qui fit tomber Sayrô.
« ... Sayrô restait silencieuse, étalée au sol.
- Alors, pisseuse, commença l'homme, où as-tu planqués les documents?
- Une ouverture pour passer! pensais-je.
- Dans... articulais Sayrô.
- Hm? s'impatientait l'homme.
- Dans ton cul, connard! Va crever, vous allez me séparer de mon Sobokuna! sanglotait-elle. »
C'était douloureux. Sayrô pleurait, elle souffrait. Non pas parce qu'elle avait mal, mais parce qu'elle avait peur. Peur qu'on ne la tue, peur qu'on ne le sépare de moi. L'homme se pencha, et ramassa ce que Sayrô avait fait tomber: dans l'immédiat, il fallait se servir de l'arme la plus proche, l'effet reste le même, la victime mourra. Il ramassa donc le couteau... Et s'approcha de Sayrô. En une fraction de seconde, la lame avait pénétré le corps de Sayrô. Juste au dessus de son visage... Elle avait eu le réflexe de placer son bras au dessus de son visage. Elle s'était protégée. Mais... Elle hurlait.
Sa douleur. Elle est sans aucun doute insoutenable.
Mon sang ne fit qu'un tour. Je courra ramasser le revolver, en trombe, avant de le pointer sur l'homme, et de lui tirer dans la nuque. J'avais pas vraiment visé, mais Sayrô allongée au sol, je ne risquais pas de tirer dessus. L'homme suffoquait, alors que je tentais de lui tirer à nouveau dessus, la cartouche était vide. Comme un con, je ne pu m'empêcher de lui lancer le revolver en pleine tête, l'assomant, le laissant mourir en silence. Son corps tomba sur Sayrô, qui elle, retira son couteau de son épaule, toujours en hurlant, avant de la planter encore et encore dans le dos de son assaillant, avant de fondre en larme, et de pousser le corps de sur elle.
« Sayrô, tu vas bien?! criais-je, me précipitant sur elle.
- Mais non, ça va pas!! hurlais Sayrô. Il m'a pas loupée... J'ai maaal!!
- J'ai eu si peur, Sayrô! Fais plus ce genre de choses, j'ai cru te perdre! Je ne veux plus être séparé de toi! »
J'avais pas eu si peur depuis longtemps. Je ne veux plus revivre une peur pareille, pas si Sayrô est le sujet. J'en ai pris conscience, j'en suis sûr... Je l'aime, je ne dois pas la laisser partir avant moi.
J'ai passé toute ma nuit à veiller auprès d'elle. Tantôt elle dormais, tantôt elle était réveillée, et on discutait pour qu'elle ne sente plus la douleur. Pauvre Sayrô. Finalement, après une boîte de calmants entière qu'elle avait prise, sa décision a été de partir. Mais cette fois ci, avec moi. Elle m'avait fait la promesse de me montrer ce pourquoi on l'avait poursuivie.
[07 / 02 / 2015]
Le jour était déjà peu levé, pour un Samedi. Selon Sayrô, le lycée où travaillait Sena, son amie, était en rénovation, et son amie devait rester au CDI pour refaire les commandes des prochains livres. Nous étions devant le lycée, main dans la main. J'avais quand même peur: que me cachait ces documents? Pour quelle raison Sayrô s'était mise à voler? Était-ce si important? Je suis submergé de questions toutes plus différentes les unes que les autres.
« Sayrô... On y va? demandais-je.
- Oui. Mais, tu dois me promettre une chose, Sobokuna.
- Quoi donc? lui demandais-je.
- Que tu es prêt à garder pour toi ce que tu vas lire.
- Pourquoi cet avertissement?
- Car l'humanité a sans doute créé la cause de son extinction. »
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Urasagi - Diclophage's Wings
Misteri / ThrillerIci, l'histoire se passe en Février 2015, dans une ville du Japon. Sobokuna Aoi est un jeune adulte de 23 ans qui est devenu ce qu'il y a de moins bien dans l'échelle sociale: un renfermé. Il ne sort que pour s'acheter à manger. Le reste du temps, i...