Je suis toujours sur le banc à attendre mon tour. Depuis tout à l'heure, je vois les autres revenir en titubant ou incapable de marcher seul. J'avoue être entrain de stresser. Je m'allonge sur le dos au sol et tente de ralentir ma respiration. Un jeune homme me secoue par l'épaule et me demande si je vais bien. Il s'agit de l'un des transferts des érudits. Je ne réponds pas et préfère l'ignorer; deux d'entre eux ont été viré pour avoir essayaient de tuer les premiers du classement.
La porte s'ouvre brusquement et l'audacieux qui nous fait passer les tests sort en trombe. Il attrape l'intello par le col et l'emmène avec lui sans refermer derrière eux. Je vais au bord de la pièce et constate la raison de toute cette agitation.
La jeune fille qui passait le test est sur le siège entrain de convulser. Le jeune érudit ne sait pas quoi faire, il a les mains dans les cheveux et semble s'en arracher quelques uns. Sid; celui qui nous surveille durant les simulations; secoue la malade en quête d'une quelconque réaction.
Je m'avance alors, écartant sur les côtés les spectateurs pour voir de qui est-ce qu'il s'agit exactement. Je suis sous le choc lorsque le visage de la jeune fille se découvre; c'est le mien.De l'écume blanche s'échappe de ma bouche, mes yeux sont recouverts d'un voile blanc et les convulsions sont de plus en plus violentes. Je me penche au dessus de ce corps qui semble être mien et à cet instant, une forte secousse oblige ce dernier à se soulever un peu plus. La bouche de cet autre moi agonisant se retrouve près de mon oreille et ses lèvres susurrent alors ces quelques mots :
- Réveille toi
Le corps chute au sol sous mon regard impuissant, des douleurs me prennent violemment et je me mets à tousser un peu de cette fameuse écume ainsi qu'un peu de sang. L'électrocardiogramme nous annonce ma mort; le cadavre est effectivement immobile. Je veux le toucher, mais en approchant ma main, je constate que je traverse l'organisme.
Une main posée sur mon épaule, je me retourne paniquée en sueur et me retrouve face à un soldat armé. Je regarde rapidement dans mon dos et j'ai disparu. Une hallucination ? Aucune idée.L'audacieux m'est totalement inconnu; il a de nombreux piercings sur le visage et ses bras sont recouverts de tatouages. Il me tend une arme; que je n'hésite pas à prendre; puis il m'ordonne de le suivre. J'obéis sans prononcer un mot.
Nous courrons dans la fosse, traversant les couloirs un à un en restant tout de même prudent. L'homme me fait signe de m'occuper d'une intersection. Je m'engage et me retrouve face à d'autres audacieux armés et prêts à faire feu sur moi. Je fais un pas dans leur direction en les tenant en joue, mais une voix venant de je ne sais où résonne alors :
- Simulation en cours, simulation en cours,...
Voyant les gardes armer leurs engins, je finis pas rouler en arrière et utiliser le mur pour me mettre à couvert. Je vérifie mon chargeur et constate qu'il ne s'agit que de véritables balles. Je dégluti, engage dans le canon du fusil le premier projectile et inspire profondément. Je n'ai jamais tué de ma vie et pourtant,... Je me redresse, et pose le doigt sur la gâchette. Je me penche pour voir le nombre d'ennemis potentiels ainsi que leur nombre.
Cinq balles fusent soudainement, frôlant ma tête. Je recule de nouveau pour ne pas me faire tuer. Je pose une main sur mon épaule et constate que j'ai été touché. Il a beau s'agir d'une similation, la douleur est bien réelle. En y repensant, il me suffirait de traverser le couloir et les laisser m'abattre pour mettre fin à toute cette histoire. Mais si toute cette histoire n'est que tromperie, cela veut donc dire que depuis le début je suis dans mon paysage des peurs,...
Ma première phobie est donc la mort; c'est étrange, il devrait s'agir de la dernière puisque c'est la plus horrible qui puisse exister. Mais bon,... Ça ne sert à rien de me donner un mal de crâne incommensurable. Je dois trouver un moyen de me sortir de cette situation comme un audacieux le ferait.
Malheureusement, je ne peux que les abattre en y réfléchissant bien.
Je sais donc ce que j'ai à faire. Je me jette au sol sur le flan et tire tour à tour sur les cinq soldats. Ils tombent un à un et je peux enfin me redresser. Je rigole pour une raison que j'ignore mais suis très vite coupée par un cliquetis venant dans mon dos. Eh merde,...
Je fais lentement demi tour sur moi même et me retrouve nez à nez avec le canon de plusieurs pistolets. Je suis désarmée et menottée.
En un instant, je me retrouve au milieu du centre d'entrainement à me faire traîner par mes geôliers. Nous arrivons finalement au niveau des tapis de combats. Le lieu et quasiment vide; en effet, une seule jeune femme se trouve sur l'un d'eux. Elle semble attendre quelque chose.
Je sursaute lorsque les quatre bras puissants me balancent comme un animal sur le tatamis. Avec toutes les difficultés du monde, je me remets sur mes jambes et vois enfin le visage de la jeune femme. C'est un nouveau alter ego de ma propre personne.
Je me mets instinctivement en garde tandis que cet alter rigole. La salle commence à se remplir d'autres transferts dont mes amis. Ces derniers rejoignent cette femme et ne semblent pas me reconnaître. Je leur hurle dessus, leur demandant ce qu'il leur prend. Aucun d'eux ne répond et le premier à s'en prendre à moi est Ezzio; celui qui a quitté les sincères. Il se jette sur moi et pose ses mains sur mon cou et commence à serrer.
Je me débats de toutes mes forces et un instant plus tard, je laisse mon corps tout entier se relâcher; puis j'attends, les yeux fermés et les bras au sol. Si je ne l'empêche pas de me tuer, la simulation sera terminée et je changerai très certainement de décor. Or ce n'est pas ainsi qu'agirait un véritable audacieux, mais un divergent. Je finis par éjecter mon assaillant en dehors du lieu de combats. Cette fois-ci, ce sont mes deux meilleures amies qui se jettent en même temps sur moi et qui me font basculer en arrière. Je tombe comme une masse et me cogne la tête. Je suis encore consciente, mais sonnée. Les trois personnes que je considérais comme des membres de ma famille me mettent à genoux. Ezzio me tire les cheveux en arrière et une nouvelle personne fait son apparition; c'est Jeanine. Son visage à remplacé celui de mon alter ego.
Cette dirigeante des érudits a un couteau dans la main et se dirige vers moi tandis que les trois traitres m'empêchent de bouger. Elle se met à parler, à discourir :
- J'avais remarqué ton incroyable score au test; depuis je n'ai cessé de t'observer,....
Son enveloppe corporelle disparaît un dixième de seconde puis réapparaît :
... et grâce à ton paysage des peurs, ta manière de le surmonter, je sais que tu n'es pas des notre,...
Alors qu'elle avance le couteau en direction de ma gorge, son pseudo tour de magie recommence et j'en profite; je donne un coup de coude dans le ventre de la fille à ma droite, un crochet du droit à la seconde et roule en arrière pour placer Ezzio entre Jeanine et moi. Cette dernière fait de nouveau son apparition et tranche la carotide de son soldat accidentellement. Je laisse le corps du traitre au sol et saute sur l'érudit. Je récupère le couteau de la chaire de mon ancien compagnon et suis prête à attaquer ce monstre.
Mon corps se stoppe lorsque mes yeux se posent sur le sang qui recouvre la lame ainsi que mes mains. Pourquoi sont-elles rouges ? Je n'ai encore rien fait. Alors que je m'apprête à lâcher l'objet, la femme le saisie et tente de retourner la situation. Je n'hésite plus et plante le couteau dans son oeil gauche.Je me lève immédiatement du corps et regarde autour de moi pour finalement constater que je suis cernée. Je lève les main en l'air et deux audacieux me neutralisent pour finalement me faire quitter les lieux.
Tout le long du chemin, je fixe mes mains qui tremblent sans pouvoir s'arrêter. Donc pour résumer : la mort, la douleur physique, la trahison, le meurtre,... Qu'est-ce qui m'attend maintenant ?
En relevant ma tête, je reconnais le chemin que nous empruntons; le gouffre. Je commence à me débattre de toutes mes forces. Pour moi le vide et le pire ennemi que je puisse connaître. À ce stade, il ne s'agit plus d'une phobie, mais d'une toute autre chose bien plus forte que ma propre volonté.Un coup de crosse sur le crâne m'oblige à me calmer. Le regard perdu dans les abysses de mon esprits, je sens mes pieds traîner contre le sol rocheux des corridors. En reprenant plus ou moins connaissances, je constate que les soldats m'ont déposés au sol. Je lève la tête et inspecte les lieux.Je suis juste au bord du gouffre et seule une jeune femme me surveille. Je ne parviens pas à la reconnaître. Petit à petit, je me mets debout jusqu'à ce que l'audacieuse ne se lève et m'attrape par le col. Elle a une force incroyable ! Cette dernière rapproche son visage du sien,....
J'ai la sensation de me regarder dans un miroir. Elle avance un peu plus sa tête de la mienne et finit par dire :
- Dernière épreuve; le grand saut !
Mais pourquoi est-ce que j'ai des alter-égos qui veulent me tuer ? C'est aberrant !
Cet autre moi commence à m'emmener en direction du gouffre en rigolant. Je pourrais très bien me laisser faire; mais si je ne veux pas que l'on découvre ma véritable identité, je serais exécutée sur le champs. Je pose ma main sur le poignée de mon ennemi et l'oblige à lâcher. Trop proche de la corniche, elle en profite pour me pousser. Je glisse et commence à tomber.
Si je heurte, un seul de ses rochers, je suis foutue; à moins que,...
J'ai à peine le temps de réfléchir que j'attrape le bras de cet alter et la place de manière à être entre moi et les pierres du cours d'eau. Par réflexe, mon bras droit attrape un câble qui se baladait par là et ne le lâche plus, malgré qu'il s'agisse de l'épaule ou j'ai reçu une balle.
Je me hisse jusqu'à la falaise et roule au sol, le plus loin possible du rebord. Je ferme un instant mes yeux et me retrouve dans le noir.
Mes paupières se soulèvent péniblement et je me retrouve sur le fauteuil de la salle de simulation. Je reprends violemment mon souffle et retire toutes les électrodes de mon crâne. Sid s'avance vers moi et me questionne :
- Quelles sont tes peurs ?
- La mort, la douleur physique, la trahison, le meurtre et le vide.
L'homme se met à rire tandis que je le fixe intriguée. Il finit par se calmer et me dit :
- En réalité, toutes ces peurs découlent d'une unique angoisse.
Je ne comprends pas où est-ce qu'il veut en venir :
- Je n'aurai peur que d'une seule chose ?
Sid hoche la tête de haut en bas et conclue :
- Tu n'as peur que de ton côté audacieux,... Tu as peur de ce que tu es capable de faire lorsque tu laisses ton côté de combattante prendre le dessus,...
- C'est donc pour cela que mon paysage des peurs n'a jamais changé,...
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