Allongée sur ma banquette, les mains derrière la tête et le regard fixé au plafond, je repense à cette journée de folie.
J'ai horreur de dormir en hauteur. Je ne m'attendais pas à ce qu'une prison japonaise soit fournie de banquette à l'américaine. J'aurais tellement aimé qu'on dorme à même le sol, sur des tatamis. Je ne devrais vraiment pas me plaindre. Je serai sûrement dans un endroit pire si Midori ne m'avait pas aidée. Quel choc j'ai eu quand elle a confirmé ce dont j'avais peur : j'allais tuer cette fille. Je n'en étais jamais arrivée là. Je pense que ces deux journées m'ont vraiment épuisé. Et être séparée de mon frère ne m'aide pas non plus à garder un esprit sain. Les paroles de ce monstre ont été la dernière goutte pour faire déborder mon vase.
Cette nuit-là, j'ai très mal dormi. Je n'ai réussi à fermer les yeux que quelques heures. Le soleil n'est même pas encore levé qu'une gardienne vient me chercher. En chemin, je croise Midori qui a l'air en pleine forme. Elle sifflote un air. Son regard, cependant, ne me dit rien qui vaille. Croisant le mien, elle se racle la gorge, efface son sourire de ses lèvres et reprend son air menaçant. Elle mijote quelque chose. J'en ai le pressentiment depuis hier soir. À la cantine lors du dîner je l'ai vu parler avec certaines des prisonnières. J'ai même réussi à entendre quelques mots de leur conversation. Des mots comme « tu es sûre ? », ou encore « laquelle ? ». Midori est à la recherche de réponses. Les réponses à quoi, ça, j'aimerais bien le savoir.
Après avoir rempli mon plateau de ce qui me servirait de petit déjeuner, je m'installe à une table au milieu de la cantine. Midori me suit de près, passe derrière moi et me lance un « soit irréprochable », avant de s'asseoir à l'autre bout de ma table. Comprenant qu'elle ne veut pas avoir l'air soupçonneuse, j'entame mon petit déjeuner sans lui répondre. En la regardant de côté, je me rends compte qu'elle aussi porte à présent l'uniforme obligatoire de la prison. Je suis surprise : ça lui va mieux que ce que j'aurai pensé.
On engloutit notre petit déjeuner, puis la gardienne vient nous chercher pour nous conduire jusqu'à la cour. Je n'ai pas eu l'occasion de lui demander pourquoi elle me demande d'être irréprochable, mais après son aide précieuse d'hier, je décide de lui faire confiance. Pour cette fois. La gardienne nous donne quelques instructions à suivre. On commence donc par ramasser les ordures. Quand je vois toutes ces horreurs par terre, je me demande comment les détenues ont pu trouver tout ça.
Près d'une poubelle, je tombe sur un bout de papier. Non mais est-ce trop demander que de jeter les déchets à la poubelle ? C'est pas comme si elle était loin. J'appelle ça se foutre de la gueule du monde ! Je me baisse avec un soupir exaspéré et ramasse le papier froissé. Je remarque qu'il y a des mots écrits dessus. De la paume de la main, j'essaie de lui redonner sa forme initiale. C'est une lettre. La plume est dure. Ça vient d'un garçon. Une lettre de rupture. Je lève la tête et regarde le ciel, je repense à mes parents. Eux aussi s'écrivaient souvent des lettres.
Je me souviens avoir trouvé la boîte où maman cachait ses lettres. Les mots doux et savoureux m'avaient donné l'envie de tomber amoureuse. Je fais une boule de la lettre et la jette à la poubelle.
Quand je relève la tête je vois Midori qui m'observe. On dirait qu'elle est constamment en train d'épier les gens. J'imagine que c'est ça qu'une chef de gang doit faire pour être au top. Avoir des oreilles et des yeux partout, ne rien laisser au hasard. Lui tournant le dos, je me dirige de l'autre côté de la cour et continue mon boulot. Quelques temps après, la gardienne revient vers nous. Elle nous dit que notre travail ici est terminé. Nous pouvons à présent nous diriger vers les toilettes. Même si cela me dégoûte, je fais exactement ce que Midori m'a demandé de faire. Je nettoie de fond en comble. Je me sens de plus en plus fatiguée. Avec le manque de sommeil, j'ai du mal à garder les yeux ouverts.
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Gang Project
Teen FictionUne chef de gang un peu trop violente, un gars aussi pipelette qu'une grand-mère célibataire, une fashion victime qui n'a pas froid aux yeux et un gars aussi causant qu'une porte de prison : difficile d'imaginer une parfaite entente, facile d'imagi...