- Sommes nous encore loin Marchand ?
Cela faisait maintenant trois heures qu'ils marchaient à travers le désert. Trois longues heures, trois heures interminables et qui mettaient le jeune Nicholas bien en peine. Du moins, c'est ce qu'il estimait puisqu'il n'avait aucun moyen de mesurer le temps qui s'écoulait ici. Un comble, pensa-t-il avec sarcasme. Son compagnon de voyage n'avait pas l'air de souffrir de telles inquiétudes. Il marchait à sa droite, Nicholas le sentait proche et son pas était plus léger, ce qui devait sans doute signifier qu'il devait se sentir plus en sécurité lorsque Nicholas ne le regardait pas. Ou ne regardait rien, c'était aussi simple que ça.
Au souvenir de cet aveugleument pourtant nécessaire pour que le Marchand accepte de l'aider, Nicholas grogna. Sa canne au pommeau d'émeraude pesait lourd à sa ceinture et il sentait que son pouvoir s'amenuisait au fur et à mesure que son propriétaire s'enfonçait en terre inconnue. Il se sentait ridicule, à marcher ainsi à tâtons dans le sable et à trébucher à chaque fois qu'il fallait enjamber une branche morte. Ce n'était pas digne de lui, Nicholas Wilde, justicier du Temps. Il avait certes été quelques fois dans des situations bien plus complexes mais avait toujours réussi à s'en sortir avec style et sans l'aide de personne.
Il gloussa en repensant à la fois où, confondant Nicholas avec l'amour de sa vie, la reine d'Angleterre Elisabeth la première du nom avait tenté de l'épouser. Heureusement, il avait su faire appel à toute sa malice pour s'échapper des griffes de son amante et avait disparu dans le Londres du XVIème siècle. Sans cela, il aurait été couronné roi d'Angleterre et bien que cela ne l'aurait pas déplu, il aurait changé le cours de l'Histoire. Il avait là rencontré des orphelins sans le sou et les avait protégé jusqu'à ce qu'il trouve un foyer pour eux. C'était là son devoir, c'était là ce que Nicholas Wilde faisait.
Quelques jours après, la garde royale l'avait malheureusement rattrapé et la reine l'avait jeté aux geôles pour haute trahison. Ni les plates excuses ni les promesses d'un mariage de la part de Nicholas ne réussirent à la faire changer d'avis. Là, il avait abandonné toute tentative de finesse et de discrétion. Le tocsin avait alors retentit dans toute la ville pour avertir la population que l'ennemi public numéro un s'était échappé de sa cellule en visant la serrure de son revolver, que les gardes n'avaient pas eu l'intelligence de lui retirer. Et qu'il devait maintenant être loin et sûrement déjà dans une contrée lointaine. Ils n'avaient pas tout à fait tord, pensa encore Nicholas, un sourire goguenard aux lèvres.
Une pression sur son bras le fit revenir à la réalité. Le Marchand le guidait, l'empêchant ainsi de tomber ou de se blesser. Ils arrivaient dans une zone plus rocailleuse, où le sable disparaissait peu à peu pour laisser place à une terre noire et asséchée. Nicholas était toujours pieds nus ainsi sentit-il la différence lorsque les caillous lui entaillèrent la plante des pieds. Il gémit, surpris, et s'arrêta.
- Puis-je ouvrir les yeux maintenant Marchand ?
Le bonhomme lui répondit d'une voix rauque et empreinte d'un sérieux qui intrigua Nicholas.
- Oui Étranger. Nous sommes arrivés.
Et Nicholas ouvrit les yeux.Un court instant, la lumière l'aveugla comme lorsqu'il fut arrivé pour la première fois dans ce pays bien étrange. Puis, ses yeux retrouvant leur usage primitif, il distingua une sorte de cabane devant lui. La construction était petite et faite de toiles colorées qui se gonflaient au gré du vent. Des piquets en bois soutenaient l'abri dans sa longueur et un chandelier en fer se balançait lentement au centre. À l'intérieur, on pouvait voir plusieurs tapisseries de motifs et de couleurs différentes ainsi qu'une sobre natte en paille roulée dans un coin. Une petite table vers le fond de l'habitation supportait le poids de quelques fruits, notamment des dattes, et d'un cruchon d'eau. Sur un plateau en argent, on apercevait un coffret en bois minuscule, fermé par une charnière dorée.
Nicholas n'en revenait pas. Le Marchand avait bel et bien une maison ! Une maison adaptée à ce territoire désertique certes mais qui disposait tout de même d'un certain charme. Il était soulagé et sentait qu'ici, il pourrait se reposer et être en sécurité. Il se retourna pour gratifier son guide d'un sourire splendide.
Non loin de se laisser impressionner par ce charmeur, le Marchand évita son regard mais lui fit face et parla d'une voix grave.
- C'est ici que le Marchand habite, Étranger. Toi être le bienvenu dans sa demeure mais toi ne pourras pas y rester longtemps.
Nicholas se crispa.
- Et pourquoi donc ?
- Toi devoir accomplir une tâche et toi être seul dans cette mission que le Dieu-Soleil a donné -il désigna rapidement les cheveux de Nicholas du menton-. Le Marchand être juste un guide et un hôte pour Étranger.
Ceci étant dit, il croisa les bras sur son torse et attendit. Nicholas sentit la moutarde lui monter au nez. Les croyances stupides de cet homme du désert commençaient sérieusement à lui pomper son énergie et il n'avait pas de temps à perdre. Il allait répliquer violemment lorsque les paroles de son interlocuteur lui revinrent en mémoire.
"Accomplir la tâche et la mission que le Dieu-Soleil t'a donné."
C'était donc ça ! C'était ce pourquoi il était ici ! Quoi que ce Dieu ait à lui confier, c'était ce qui avait attiré sa canne. Il sentit qu'un poids s'enlevait de ses épaules. Enfin, il avait trouvé la raison de sa présence en ces lieux. Son irritation disparu et il soupira d'aise. Reportant son attention sur le Marchand, qui n'était finalement pas si stupide que ça, Nicholas inspira un grand coup et ressortit son sourire éclatant.
- Tu sais Marchand, mes cheveux et mes yeux ont toujours été comme cela -Menteur ! S'écria une voix dans sa tête- et je ne pense pas que ça soit ton Dieu qui ait quelque chose à voir avec leur couleur.
Le Marchand ne bougea pas et renifla, peu convaincu.
- Néanmoins, continua le jeune homme, j'accepte la tâche qu'Il voudra me confier. Je suis désormais son humble serviteur.
Et il exécuta une révérence pour appuyer ses propos. Le Marchand sembla être satisfait et l'invita d'un geste à rentrer sous la tente.
- Le Marchand être ravi qu'Étranger avoir prit la bonne décision. Mais, avant de parler de toute cette affaire, toi peut se reposer et se rafraîchir au calme dans la maison du Marchand.
Nicholas le gratifia d'un regard reconnaissant, juste avant de se rappeller que ce n'était pas la meilleure chose à faire. Il entra donc en premier sous l'abri de l'homme du désert.
L'air était nettement moins étouffant là-dessous et Nicholas s'en sentit revigoré. Il chercha un endroit où s'assoir avant de repérer un tapis safran et circulaire à sa droite. Il s'en saisit et l'amena près de la table basse où il s'assit. Là, il attendit les directives de son guide.
Le Marchand se dirigea vers le fond de la tente, où il régnait un chaos sans nom, chose que Nicholas n'avait pu distinguer du dehors. Sous un monticule de draperies et de tissus bariolés, le Marchand tira une tunique pourpre et un pantalon en toile beige.
- Tiens, Étranger, pour te changer.
Nicholas renonça à le remercier et accueillit les vêtements avec joie. Alors qu'il enlevait son pantalon noir désormais usé et troué, il savoura le doux contact du tissu sur sa peau brûlée. Il enleva également son turban de fortune et le mit en boule dans un coin. C'est en resserrant sa ceinture munie de ses attributs à la taille par-dessus la tunique qu'il vit que le Marchand versait de l'eau dans une coupe argentée sur la table.
La vision du liquide transparent procura une soif immédiate chez lui. Il se rua sur la coupe, buvant son contenu en quelques secondes à peine. Sa soif n'en fut pas étanchée pour autant. Le Marchand le reservit encore et encore, lui conseillant toutefois de boire lentement, jusqu'à ce que Nicholas ne connaisse plus d'autre goût que celui de l'eau. Alors le Marchand lui donna des fruits secs pour l'énergie et d'autres juteux pour les vitamines. Lorsque son estomac fut rassasié, Nicholas se sentit vif et en bonne santé. Son cerveau pouvait se remettre à fonctionner normalement, il était de nouveau au maximum de ses capacités. Radieux, il se tourna vers son hôte qui attendait patiemment sur sa natte un peu plus loin.
- Je vous remercie, Marchand, pour votre hospitalité. Je ne demande maintenant qu'à vous écouter.
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Les Fabuleuses Aventures De Nicholas Wilde
AdventureNicholas Wilde est un justicier du Temps. Brigand au grand coeur, il sévit à toutes les époques, dénonce les injustices, punit les ingrats, protège la veuve et l'orphelin. Coureur de jupons dans l'âme et séducteur, il ne s'attache jamais à ses conqu...