Blanche Neige

Pilote : Il était une fois

Blanche relève la mèche de cheveux noirs qui obstrue sa vue et se mord la lèvre. Allongée à plat ventre sur son lit, elle essaye de faire un Skype avec son père depuis 20 minutes. Il est parti la veille donner un concert à New York et il n'a pas eu le temps de lui dire au revoir. Cela l'énerve un peu. Son père est de moins en moins là et au lieu de l'emmener elle, il part avec sa nouvelle femme, Dorotha. Blanche ne l'aime pas trop. Elle a l'impression qu'elle lui vole son père et, pire, qu'elle lui tourne la tête. Cela fait moins d'un an qu'ils sont ensemble et, partout dans la presse, elle lit que l'histoire entre Marty et Dorotha est une véritable histoire d'amour. De toute façon, ils se trompent tous. Le véritable amour de Marty était Anna, sa mère à elle. Dorotha n'est qu'une imposture, un pansement. Il n'y a qu'à voir le regard perdu de son père à chaque fois qu'elle lui parle de sa mère, la vraie.

Sur son bureau, il y a une photo de ses parents, le jour de leur mariage. C'était il y a 22 ans. Ils ont l'air heureux, comme si rien au monde ne pouvait les atteindre. Si seulement cela avait pu être vrai.

Elle repense à l'article qui est sorti il y a une semaine dans La Tribune de Paris. C'est une interview de sa mère publiée à titre posthume, 20 ans après son décès. Le journaliste, Jules Tevenek, revient sur l'entretien qu'il a eu avec elle avant sa mort en couche et raconte que la grossesse d'Anna a été un cadeau providentiel. Il est vrai que Anna et Marty ont eu du mal à avoir un enfant et que Anna a même fait une longue dépression qu'il a été difficile de cacher. Elle a dit au journaliste que la spirale infernale avait pris fin un après-midi de décembre. Alors que l'hiver s'était emparé de Paris et qu'elle cousait à la fenêtre, elle avait été mue par une envie d'ouvrir la vitre et de s'imprégner du froid. Maladroitement, elle s'était piquée le doigt avec son aiguille et avait mis du sang partout sur le rebord de la fenêtre. Elle avait alors été habitée par un songe. Eblouie par les couleurs, Anna s'était pris à rêver d'une petite fille à la peau blanche comme la neige, aux lèvres rouges comme le sang et aux cheveux foncés comme l'ébène. Trois mois plus tard, elle était tombée enceinte.

Cet article n'a pas fait du bien à Blanche. Ses amis de l'université se sont tous moqués d'elle, à commencer par Sarah la fille que Dorotha a eu d'un précédent mariage. Sarah est une véritable peste qui ne manque pas une occasion, comme sa mère, de pourrir la vie de Blanche. Si sa mère n'était pas morte en lui donnant la vie, Blanche n'aurait pas eu à subir les attaques de Sarah, et encore moins celles de Dorotha. Il y a des jours, Blanche en veut à Anna de l'avoir autant voulue pour la laisser tomber si vite. Elle se sent seule pour affronter les autres et ce n'est pas son père absent qui l'aide.

Blanche a cependant bien hérité des attributs de la rêverie de sa mère. Elle a une peau blanche comme le lait, des cheveux de jais épais qui tombent en cascade sur ses épaules et des lèvres rouges pulpeuses qui en rendent jalouses plus d'une. A 20 ans, elle semble en avoir 25. Or, elle n'a aucune particularité de ses parents et cela la fait énormément souffrir. Elle aurait tellement aimé avoir les longs cheveux bouclés de sa mère ou les yeux verts de son père. Quelque chose d'eux. Elle se sent comme le vilain petit canard et Sarah, qui a bien compris que le sujet est sensible, en rajoute souvent une couche en lui disant que de toute façon elle n'est pas l'enfant légitime de ses parents. Alors, souvent, Blanche pleure la nuit pour évacuer la tristesse qu'elle a au fond du cœur. C'est dur l'adolescence et c'est encore plus dur sans mère et avec un père jamais là.

Alors qu'elle tente pour la énième fois de se connecter à Skype, elle reçoit un SMS de Thomas. Il l'invite au cinéma dans une heure. Son coeur bondit et elle coupe son ordinateur. Si son père a vraiment envie de la joindre, il n'a qu'à décrocher son téléphone !

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Pour découvrir la version longue de l'épizode 1 : http://bit.ly/21xdYYY