1643
Pékin, nouvelle capitale de la Chine ayant succédé Nanjing dès 1403. S'étendant sur 47 kilomètres, de nombreuses modifications avaient été effectuées dans l'espoir de créer une « Chine nouvelle », qui saura protéger sa patrie et lui apporter la paix souhaitée. Ainsi, le Grand Canal fut restauré entre 1411 et 1415 par le troisième empereur de la dynastie, Yongle, facilitant donc les transports de céréales shi vers le Nord. La création d'une bonne série d'écluses permit à la ville Suzhou d'évincer Nanjing comme le principal centre commercial de Chine. De fait, la plupart des canaux et ventes passaient par elle.
Ziwei Xia (紫薇 夏), celle que certains nommaient déjà Son Altesse Royale, princesse encore inconnue, se tenait au bras de sa fidèle suivante et confidente, Suying (素莹). À vue d'œil, elle n'était pas si exceptionnelle, mais son regard doux et assuré, empreint d'une tendresse inégalable la rendaient respectable. Son visage peu prononcé traçait parfaitement un ovale propre aux traits de sa défunte mère. Seuls le bout de son nez arrondi et ses sourcils formés en un arc épais trahissaient sa ressemblance à l'empereur. Sa longue chevelure brune était nouée en un chignon considérable qui laissait quelques mèches retomber le long de son dos, fixé par des épingles à cheveux, dont de minuscules rubis bleu et mauve s'entouraient du grand chrysanthème ancré dans les parures, emblème de la sagesse. Toute l'innocence de ses iris noires, dans lesquelles brillait une ambition particulière, lui avait permis de garder une éducation de taille.
De sa longue traversée éreintante depuis Jinan (济南), ville provinciale située à l'est de la Chine avec 404 kilomètres la distançant de Pékin, Ziwei ne cessait jamais d'aller plus loin dans sa quête, de garder une lueur d'espoir qui était la raison de ses frénétiques battements de cœur à chaque fois qu'elle entendait le nom de Son Excellence, prononcé dans des discussions respectueuses. Si seulement elle avait la chance de le voir, se répétait-elle. La jeune femme appréhendait tant sa rencontre avec Sa Majesté, cette envie la rongeait, rythmée par une certaine peur qui lui broyait anxieusement l'estomac. La peur de ne jamais le voir, d'avoir échoué la promesse qu'elle avait faite à sa génitrice avant que celle-ci ne rende son dernier souffle.
Le petit âge glaciaire surplombait la capitale tout entière, ensevelie par un temps inhabituellement froid et sec, réduisant ainsi inexorablement les pousses agricoles. Ziwei et Suying marchaient en direction du Grand Marché, la moitié du cœur de la Chine, l'autre étant la Cité Interdite, lieu où régnait le Fils du Ciel – l'empereur. Or, cette marche s'avérait bien plus laborieuse que ne l'auraient pensé les deux brunettes ; à chacun de leurs pas, de pauvres hommes, femmes et enfants rendaient doucement l'âme, allongés sur le sol granuleux et glacial, suppliant qu'on les achevât, tant la misère les laissait périr dans une mort lente et douloureuse. Le cœur de la princesse se fissura ; jamais elle ne parviendra à s'habituer à la pauvreté qui prenait petit à petit les paysans. Il était du devoir des généraux du roi d'entretenir correctement le pays, mais la plupart n'étaient que méprisante et dénuée d'humanité, pensant plus à leurs petites fortunes qu'au bien des autres. Ziwei était sidérée par un tel manque de respect de leur part. S'il lui arrivait d'avoir l'argent nécessaire pour aider ces pauvres Hommes, elle l'aurait fait sans hésitation. Or, elle-même était presque à sec, ne lui restant plus que quelques petites monnaies d'or pour la maintenir en vie, elle et Suying. C'était bien cela qui l'effrayait : de ne plus avoir assez de ressources pour pouvoir continuer ses efforts.
Les pleurs, les cris d'un petit bébé innocent, la famine régnait d'une main de fer à Pékin. Les deux jeunes femmes eurent envie de pleurer pour eux. S'obliger à passer devant ces gens, sans pouvoir y faire quoi que ce soit, leur donnait envie de se jeter du haut d'une falaise. Le cœur de Ziwei se mit à battre à cent à l'heure lorsqu'un homme rampa jusqu'à elle, s'accrochant à son Ruqun (襦裙), longue robe qui lui arrivait jusqu'aux chaussures, la suppliant de lui donner quelques petites pièces pour sa famille. Ses traits étaient meurtris par le manque de nutrition, tandis que le fond de ses iris montrait un vide total, pénétré par un mystérieux abysse. La princesse se figea, jeta un regard vers la famille dont cet homme parlait ; une femme, deux enfants – un petit garçon et un bébé, les yeux fermés. Probablement n'avait-il même plus la force de les ouvrir. L'expression de Ziwei semblait si désolée que, pendant un instant, elle aurait aimé échanger sa place avec la leur. Des minutes de silence passèrent, et cette scène devenait insoutenable à ses yeux. Elle ne put se retenir que de sortir des poches se trouvant dans ses longues manches, deux pièces d'or ; suffisamment raisonnable pour nourrir cette petite famille. Elle fut sur le point de se baisser lorsque Suying la stoppa d'un doux geste sur le bras.
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Bataillons sanguinaires
HistoryczneSuite au décès de sa génitrice, Zǐwēi Xià, progéniture non-reconnue de l'actuel empereur de la dynastie Ming, Chóngzhēn, quitte sa province natale pour aller retrouver son père. À Pékin, elle y rencontre alors Xiǎo Yànzi, une jeune chinoise au Kung...