Chapitre1

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Les rues étaient petites, étroites et malodorantes. Il n'y avait pas personne. Un orage venait d'éclater, de grosses gouttes de pluie s'écrasaient sur le pavé, ruisselaient sur mes joues, des nuages obscurcissaient le ciel étoilé, le vent forcit, s'engouffra entre les immeubles, mugit dans mes oreilles. Le tonnerre gronda et bientôt des éclairs zébrèrent la nuit. Je trébuchai, et le garçon aux yeux bleus me rattrapa avant que je ne m'étale dans les flaques d'eau. Nous ne nous attardâmes pas et continuèrent notre course. Bientôt les ruelles se firent plus étroites et les immeubles toujours plus hauts, me donnant un sentiment de malaise. Dans la nuit, les bâtiments jetaient des ombres inquiétantes sur les murs. La ville était toujours aussi déserte. Mais je continuais à courir. Je n'en pouvais plus . Le garçon devant moi, qui était venu me chercher ne cessait d'accélérer, je déployais d' immenses efforts pour ne pas me faire distancer. Enfin, après ce qu'il me parut une éternité, nous arrivâmes dans les quartiers chics. Devant moi se dressait une magnifique maison blanche. La porte était flambant neuf et je distinguais des géraniums sous les fenêtre. Le petit portillon fraichement repeint grinça à peine quand on le poussa. Avant même que nous ayons pu esquisser le moindre geste la porte s'ouvrit. Je ne vis pas le visage de l'homme car il nous fit entrer en vitesse et referma la porte. C'était un petit homme grassouillet au crâne dégarni qui ne cessait de gesticuler, il s'entretenait à voix basse avec le garçon qui m'avait conduite ici. Je n'étais guère rassurée et je me demandais si tout ceci n'était qu'un affreux piège. J'avais entendu suffisamment d'histoires horribles pour ne pas m'inquiéter. Au moment où je pris la décision d'ouvrir la porte et de me sauver, le jeune homme revint vers moi.

_ Nous allons passer une partie de la nuit ici, si Mattew accepte, et ce n'est pas gagner. Viens en attendant, allons nous installer dans le salon. Ils ne penseront pas à nous chercher ici.

« Ce n'était pas gagné » je m'imaginais déjà sortir sous l'orage , braver la tempête et reprendre cette course folle dans tout Londres . J'étais en train de paniquer à l'idée que mes poursuivants me rattrapent . Mais le garçon à coté de moi  dut ressentir ma panique car il prit ma main et plongea son regard bleu comme l'océan dans mes yeux. Je me perdis dans ses yeux calmes et limpides et je me sentis beaucoup plus apaisée. Ce devait être un de ses pouvoirs, il m'avait avoué que lui aussi possédait des dons . Aussitôt cette pensée m'énerva, je ne voulais pas que quelqu'un puisse contrôler mes sentiments, surtout un étranger dont je  ne connaissais ni le nom ni les motivations. J'enlevai furtivement ma main de celle du garçon. Il me conduisit dans un salon très design. La pièce était vaste, elle possédait de grandes baies vitrées. Le mur blanc était doté d'un gigantesque écran plat, les canapés, poufs, et fauteuils noirs regorgeaient de coussins moelleux de velours rouge. Au centre une table basse laquée trônait des petits amuse bouches qui sentaient délicieusement bon et me rappelaient à quel point j'avais faim. Le garçon s'installa dans un des fauteuils m'invitant à l'imiter. Un grand silence régnait mais il était rythmé par le bruit de la pluie qui sonnait à mes oreilles comme une douce mélodie. Lasse de contempler la tempête qui faisait rage dehors je m'apprêtais à poser une série de questions quand mon compagnon se leva d'un coup, je l'imitais par réflexe. Il s'avérait qu'il s'était levé pour accueillir un beau jeune homme. Il était blond comme les blés et des épis se dressaient sur sa tête, ses yeux vert ruisseau scintillaient dans la pénombre, il avait des pommettes anguleuses et un nez droit. Il était vêtu d'un jean noir et d'une chemise passe partout. Les deux jeunes hommes échangèrent une poignée de mains amicales mais on sentait une certaine raideur dans leurs gestes.Ils commencèrent à nouveau à échanger des paroles à voix basse me jetant souvent des regards en coin. Je ne savais de quoi j'avais l'air dans cet uniforme noir, raide et trempé, cette veste blanche salie par la boue. Mes cheveux d'habitude lisses avaient frisé avec l'humidité et pendaient mollement sur mes épaules. Quant à mes bottines, elles étaient imbibées d'eau et complètement fichues. Je savais que je n'avais rien pour rivaliser avec toute cette beauté, mais j'étais fatiguée et je n'aimais pas être tenue à l'écart des conversations. En l'occurence, depuis un petit moment je ne comprenais pas beaucoup ma vie, je m'y étais habituée, autant qu'on puisse l'être quand on sait qu'on possède des « pouvoirs », mais là j'aurais aimer de vraies explications.

La Fille de la LuneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant